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Publié le 30 Septembre 2016

#Crif - Une conférence du Parlement européen sur l’antisémitisme en Europe

Le Président du Crif, Francis Kalifat, a participé a cette conférence.

"Il est temps de créer un cadre européen législatif de lutte contre l'antisémitisme, et de parler d'une même voix", a exigé Francis Kalifat

La situation actuelle de l'antisémitisme en Europe et les perspectives d'avenir pour les communautés juives d'Europe ont été débattues lors d'une conférence organisée le 27 septembre 2016 par le président du Parlement européen, Martin Schulz, et le premier vice-président, Antonio Tajani.
 
Le Crif était représenté par son Président, Francis Kalifat, et son Directeur exécutif, Robert Ejnes.
 
Antonion Tajani : "L’Europe, ses institutions, ses États membres, ses citoyens doivent s’opposer à l’antisémitisme et le combattre"
 
Antonion Tajani, en charge du dialogue interreligieux pour le Parlement, a déclaré en ouverture de la conférence: "Selon la Jewish Agency, près de dix mille Juifs en 2015 se sont déplacés en Israël. Huit mille exclusivement de la France. Il s’agit du double par rapport à 2014. Ceci est, malheureusement, le résultat de la persistance du climat de haine envers les Juifs : leur nombre qui était en Europe de 2 millions en 1991, a considérablement chuté à 1,4 million en 2010. Mais, l’Europe sans les Juifs ne serait plus l’Europe".
 
Dans son intervention, Antonio Tajani a également déclaré: "Nous devons faire face à la réalité: il y a un problème d’antisémitisme en Europe. Les attaques terroristes des dernières années ont eu un impact sur les Européens, mais aussi sur leurs concitoyens juifs. Au-delà des bains de sang dont nous savons tous, de Toulouse à Paris et Bruxelles, nous assistons aussi à des agressions très symboliques. Je pense aux attaques au couteau à Milan et à Strasbourg contre des citoyens qui portent une kippa, comme si le fait de porter une kippa était en soi un acte de défi."
 
Pour le premier vice-président du Parlement, l’Europe doit s’engager en tant que telle de manière publique et politique pour garantir aux communautés juives un  futur prospère, afin que les Juifs ne quittent pas l’Europe pour l’Etat d’Israël parce qu’ils ne se sentent plus protégés ici. Nous sommes dans l’obligation de garantir un futur en Europe aux Juifs de tout âge, mais en particulier à la jeune génération, afin qu’elle croie et participe au projet européen qui est son futur".
 
"Voilà pourquoi l’Europe, ses institutions, ses États membres, ses citoyens doivent s’opposer à l’antisémitisme et le combattre. L’antidote est de se souvenir, d’une part, et de regarder vers l’avenir, d’autre part. Il est nécessaire de garder conscience et d’être fier de notre identité", a-t-il ajouté.
 
Parmi les invités figurait l'ancien Grand Rabbin des Congrégations hébraïques unies du Commonwealth, Lord Jonathan Sacks, qui a prononcé un discours sur "le virus en mutation: comprendre l'antisémitisme".
 
Il a déclaré : "La haine qui s’en prend aux Juifs ne va pas s’arrêter aux Juifs. C’est ce que je voudrais que nous comprenions aujourd’hui. Ce ne sont pas seulement les Juifs qui ont souffert sous Hitler. Ce ne sont pas seulement les Juifs qui ont souffert sous Staline. Ce ne sont pas seulement les Juifs qui souffrent sous Daech ou Al Qaïda ou le Djihad islamique. Nous commettons une grande erreur si nous pensons que l’antisémitisme ne touche qu’aux Juifs. Il est d’abord et avant tout une menace contre l’Europe et ses libertés pour lesquelles il a fallu des siècles pour les instituer."
 
Francis Kalifat : "Il est temps de créer un cadre européen législatif de lutte contre l'antisémitisme, et de parler d'une même voix"
 
"Le thème de cette session n'aurait probablement pas été proposé en ces termes il y a une trentaine d'années et aurait fait à peine l'objet d'une simple réunion académique", a déploré le Président du Crif dans son allocution. "Les Juifs d'Europe aujourd'hui sont confrontés aux insultes, à la violence physique, parfois jusqu'au meurtre... Les Français juifs vivent la période la plus douloureuse de leur histoire depuis la Seconde Guerre mondiale... Des juifs ont été tués, en France, simplement parce qu'ils étaient juifs. En 2015, les Juifs qui représentent moins de 1% de la population française, ont été la cible de 40% des actes racistes recensés... Et pourtant, la France n'est pas un pays antisémite, elle a même la legislation la plus répressive en Europe. Mais il y a de l'antisémitisme en France...". Après avoir détaillé les différentes formes d'expression de ce nouvel antisémitisme, Francis Kalifat a demané : "Si l'Union européenne veut envoyer un message fort à ses communautés juives et renforcer l'idée d'un avenir commun en Europe, elle doit impérativement rassurer et protéger ces communautés... Il est nécessaire de sortir les communautés juives d'Europe du climat d'angoisse dans lequel elles se trouvent. Les réponses doivent être nécessairement politiques, citoyennes et nationales". Le Président du Crif a réclammé des données fiables et sur la durées concernant les phénomènes d'antisémitisme en Europe, des condamnations pour les agresseurs plus lourdes qu'elles le sont aujourd'hui, que ces condamnations fassent l'objet de recensions et de plus de communication, afin que les peines aient une fonction disuasive.
 
"Il est temps de créer un cadre européen législatif de lutte contre l'antisémitisme, et de parler d'une même voix", a exigé Francis Kalifat. "La négation publique, al banalisation ou l'éloge de la Shoah, des crimes de génocide et des crimes contre l'humanité doivent être érigés en infractions pénales dans tous les pays de l'Union européenne", a-t-il insité, ajoutant : "Nous pensons également que l'appel au boycott d'Israël, qui est innaceptable doit être sanctionné - car il est une discrimination - dans tous les pays de l'UE".
 
 
Jonathan Sacks : "Si l’Europe permet à l’antisémitisme de s’épanouir, ce sera le début de la fin de l’Europe"
 
Pour Jonathan Sacks, "l’apparition de l’antisémitisme dans une culture est le premier symptôme d’une maladie, le signal d’alerte précoce d’un écroulement collectif." Et de mettre en garde : "Si l’Europe permet à l’antisémitisme de s’épanouir, ce sera le début de la fin de l’Europe."
 
Jonathan Sacks a ensuite dressé un tableau sombre des menaces quotidiennes qui pèsent sur les Juifs en Europe : "Je vous pose une question. Que vous soyez juif, chrétien ou musulman : Resteriez-vous dans un pays où vous devez faire appel à des policiers armés pour vous protéger quand vous priez ? Où vos enfants ont besoin de gardes armés pour les protéger quand ils sont à l’école ? Où, quand vous portez en public un signe apparent de votre foi, vous risquez d’être maltraité et attaqué ? Où, quand vos enfants vont à l’université, ils sont insultés et intimidés pour quelque chose qui a lieu dans une autre partie du monde ? Où, quand ils présentent leur façon de voir les choses, ils sont hués et réduits au silence ? C’est ce qui arrive aux Juifs à travers l’Europe. Dans chaque pays d’Europe, sans exception, les Juifs ont peur pour le futur de leurs enfants."
 
Jonathan Sacks a livré sa définition de l’antisémitisme : "L’antisémitisme, cela veut dire que l’on dénie aux Juifs le droit d’exister en tant que Juifs avec les mêmes droits que tout le monde. La forme qu’il prend aujourd’hui est l’antisionisme. Bien sûr, il y a une différence entre le sionisme et le judaïsme, et entre Juifs et Israéliens, mais cette différence n’existe pas pour les nouveaux antisémites. Ce sont des Juifs, et pas des Israéliens qui ont été assassinés lors des attaques terroristes à Toulouse, Paris, Bruxelles et Copenhague. L’antisionisme est l’antisémitisme de notre temps." Et de conclure: "Vous savez vers où cela mène. Ne prenez plus cette voie. Vous êtes les leaders de l’Europe. Le futur est entre vos mains. Si vous ne faites rien, les Juifs s’en iront, les libertés européennes vont mourir, et le nom de l’Europe sera marqué d’une souillure morale que toute l’éternité ne pourra effacer. Arrêtez ça tant qu’il est encore temps."
 

 
Martin Schulz : "Un Juif sur cinq en Europe a connu la violence verbale ou physique"
 
En conclusion de l’évènement, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a déclaré: "Quand on voit qu’un Juif sur cinq en Europe a connu la violence verbale ou physique, lorsque ces agressions sont de plus en plus nombreuses, et que l’on observe que la population juive en Europe a diminué, passant de près de quatre millions en 1945 à tout juste plus d'un million aujourd'hui, alors nous savons qu'il est grand temps, non seulement de se positionner clairement politiquement, mais aussi de prendre des mesures efficaces le plus rapidement possible. L'Europe doit être un meilleur chez-soi pour ses citoyens juifs".
 
"Certains d'entre nous n’ont toujours pas compris que ce qui nous rend européens n’est pas notre sang ou la religion, mais notre forte adhésion aux valeurs les plus fondamentales de tolérance, de respect et de liberté", a-t-il ajouté.