Actualités
|
Publié le 16 Juillet 2018

#Crif #VeldHiv - 16-17 juillet 1942 : au cœur de Paris, l'enfer

Au cœur de l'été 1942, le 16 juillet, alors que Paris s'éveille doucement, la vie de plus de 13 000 Juifs bascule vers l'enfer. C'est le début de la Rafle du Vel' d'H'iv'.

Photo : C'est la seule image connue de la rafle du Vél' d'Hiv. Prise d'un immeuble surplombant l'édifice de la rue Nélaton, Paris 15e, on y voit quelques-uns des bus qui servirent à transporter les 13 152 personnes arrêtées entre le 16 et le 22 juillet 1942. © DR

Paris, le 15 juillet 1942

Ce soir-là, les policiers qui rentrent chez eux, par le métro, évitent le dernier wagon. Depuis quelques semaines, cette voiture est réservée aux Juifs. Depuis le 7 juin, le port de l'étoile jaune leur est imposé. Depuis deux ans, certaines professions et certains lieux leur étaient interdits. Ils doivent désormais arborer continuellement sur leurs vêtements ce signe distinctif. Les contrevenants à cette règle s'exposent à une dissuasive peine de prison.

Les fonctionnaires de police requis pour la rafle du lendemain se dépêchent de regagner leur domicile. Ils doivent rejoindre leur unité à 3 heures du matin le 16 juillet. Bien qu'on leur ait demandé la plus grande discrétion sur l'opération, certains ne peuvent garder ce lourd secret pour eux. Quelques-uns parlent, avertissent des amis, des voisins juifs ou encore des contacts dans la Résistance. Ils seront l'honneur de la police.

À 3 heures du matin, le Vélodrome d'Hiver, rue Nélaton, ouvre ses portes. Quatre camions bâchés approchent. Dans chacun d'eux, une vingtaine de gendarmes. Une quarantaine d'agents du commissariat du 15e arrondissement les rejoignent une heure plus tard.

Après un mois de juin caniculaire, les premières semaines de juillet apportent une douceur estival bien agréable pour les Parisiens. Ce 16 juillet au matin, l'air est frais, les enfants s'éveillent doucement, titubant un peu, collés aux jupes de leurs mères.

Cinq heures sonnent. L'opération commence. Dans le 11e arrondissement, des coups retentissent. Les Spienak, les Nussbaum, les Goldberg et les Dorag sont tirés de leur sommeil. « Ouvrez, c'est la police ! » Les portes qui ne s'ouvrent pas assez vite sont défoncées. Pleurs, cavalcades, coups de sifflet, cris. Cette rafle ne passe pas inaperçue. D'autant que certaines personnes se jettent par la fenêtre, rue de Belleville, rue de Poitou.

Désireux de rassurer leurs interlocuteurs, certains policiers livrent une fable. Chez les Goldenzwag, dans le Marais, un gradé explique qu'on va juste envoyer les familles dans un ghetto près de Lublin. « Après la guerre, vous pourrez revenir dans votre domicile parisien », glisse l'inspecteur. Rassérénée, Mme Goldenzwag lui offre du café. Tout ne se passe pas de manière aussi douce. Au 18, cité Dupont, dans le 11e, M. Jablonka fait un malaise en passant le seuil de son immeuble. Il s'écroule sur le trottoir en se tenant la poitrine. C'est une crise cardiaque. Les plantons ne savent pas quoi faire. On le remonte chez lui. On l'étend sur son lit et on file. Il va agoniser, seul, pendant deux jours. Jeanne Pakin descend l'escalier du 18 de la rue de Chabrol (dans le 10e) avec prudence. Elle est enceinte. Les policiers lui demandent de se presser.

Les Parisiens qui quittent leur domicile pour rejoindre leur travail découvrent avec surprise des files de bus remplis de familles hagardes, tenant sur leurs genoux des paquetages mal ficelés, faits à la va-vite.

Si l'essentiel des arrestations a eu lieu le premier jour (plus de 9 000 interpellations se déroulent le 16 juillet), la rafle va se poursuivre le 17 juillet (avec 3 000 autres arrestations). Des opérations de police ponctuelles effectuées jusqu'au 22 juillet contribueront à faire déporter 13 152 personnes dans ce qu'il est convenu d'appeler désormais la rafle du Vél' d'Hiv. Parmi eux: 4 051 enfants dont 800 ont moins de six ans.

L'enfer commence pour ces milliers d'innocents. Parqués dans cette salle habituellement utilisée pour les courses à vélo, des milliers de personnes s'entassent dans les gradins, cherchant une place assez large pour y loger toute la famille. Très vite, les enfants ont soif, privés d'eau depuis des heures, les mères font de leur mieux pour nourrir leurs bébés, les personnes âgées suffoquent sous la chaleur écrasante du Vélodrome. 

Les médecins et infirmières manquent cruellement, laissant les petits et les grands blessés sans soin. Les gendarmes français qui gardent ces gradins bondés refusent de laisser sortir qui que ce soit et jettent des regards abasourdis sur ces malheureux. 

Après cinq jours de tortures de toutes sortes subies au Vel' d'Hiv', plus de 7000 personnes sont transportées vers les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, dits 'les camps du Loiret'. Dans ces deux camps, la capacité maximale est de 4000 personnes. L'enfer se poursuit.

Les hommes célibataires, eux, ont pour la plupart été transportés vers le camp de Drancy dès leur arrestation. 

Tous, ou presque, seront ensuite déplacés vers d'autres camps (les enfants seront par exemple d'abord envoyés à Drancy) avant d'être déportés dans les camps de concentration et d'extrermination à l'Est. La plupart des enfants du Vel' d'Hiv' seront gazés dès leur arrivée au camp. Seule une centaine d'individus, principalement des adultes, reviendront à la libération des camps.

Source : Le Point

S'inscrire pour la cérémonie nationale commémorant la Rafle du Vel' d'Hiv'

Le Crif vous propose : 

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance