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Publié le 19 Juillet 2018

Crif - Le camp de Drancy : la mémoire gravée dans le béton

Tous les dimanches, à 14h, les Parisiens curieux remarqueront un autocar garé à quelques mètres de l’entrée du Mémorial de la Shoah. Il s’agit de la navette mise en place par le Mémorial pour une visite dominicale pas tout à fait comme les autres. Départ imminent pour Drancy.

Dimanche 10 juin 2018, 14h, Mémorial de la Shoah de Paris.

Nous sommes une quinzaine, ce dimanche 10 juin, alors qu’un soleil lourd plonge Paris sous une chaleur écrasante, à s’être installés dans l’autocar. Des jeunes et des moins jeunes composent cette petite délégation. En famille, à deux ou seul, chacun va à Drancy pour une raison qui lui est propre. Un objectif commun nous unit tout de même : mieux comprendre la partie d’histoire qui s’est jouée dans le camp de Drancy.

Douze kilomètres plus loin, nous arrivons dans cette ville de banlieue parisienne de 70 000 âmes, et remarquons un panneau indiquant la labélisation « Ville fleurie », attribuée à Drancy en 2008. Un drôle de sentiment s’impose à mesure que le car file dans les allées trop étroites de la ville, effectivement, toute fleurie.

Nous sommes accueillis par des agents de sécurité du Mémorial de la Shoah de Drancy qui nous conduisent à l’intérieur d’une bâtisse carrée dont la façade principale est entièrement vitrée. Le hall d’entrée du Mémorial est baigné d’une lumière intense, et il faut aux yeux un moment pour s’habituer et parvenir à découvrir les projections sur l’un des murs. Ce sont des photos d’anciens internés. Le groupe se rassemble une première fois et rencontre Annaïg Lefeuvre, coordinatrice pédagogique au Mémorial de la Shoah - Drancy. Annaïg sera notre guide pour cet après-midi.

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Avant de commencer la visite du camp, puis du Mémorial, nous avons le temps de descendre au sous-sol du bâtiment et d’y découvrir des morceaux de murs de l’ancien camp de Drancy, recouverts d’inscriptions et de gravures, témoignages ultimes de ceux qui sont partis d’ici sans jamais revenir.

Un groupe de jeunes lycéens nous rejoint, accompagnés par ce qui paraît être l’un de leurs professeurs. La visite peut commencer.

Annaïg nous entraîne d’abord à l’extérieur, pour découvrir le camp de Drancy à proprement parler. Un passage clouté plus loin, nous voilà face à ce qui ressemble à un gigantesque complexe HLM. Des enfants font du vélo sur les côtés des bâtiments, des groupes d’amis se rassemblent çà et là, cherchant un coin d’ombre, le dos collé aux murs de béton froid.

Au départ, le camp de Drancy s’appelle la ‘cité de la Muette’, c’est un habitat collectif construit dans les années 1930. Les immeubles sont réquisitionnés par les autorités nazies d’occupation en juin 1940 pour la détention provisoire des prisonniers de guerre français et anglais, puis pour les Juifs raflés à partir d’août 1941. Entre 1942 et 1944, sur les 75 000 Juifs français déportés, 63 000 passent par le camp de Drancy, dernière étape avant leur déportation à l’Est.

Nous découvrons ainsi un immense bâtiment en U, regroupant aujourd’hui des dizaines de logements HLM. Annaïg nous explique comment le camp était organisé : infirmerie, prison, points d’eau, et la fameuse aile de droite, l’aile des déportations immédiates, dans laquelle étaient placés les internés destinés à la déportation dans les 48h.

Partout autour de l’ancien camp de Drancy et du Mémorial, la question mémorielle est présente. Comment rendre compte de ce qui s’est passé ici, en préservant la vie actuelle des habitant du quartier ?
Un wagon à bestiaux a été installé au bout d’une rangée de rails, symbolisant la gare de Bobigny, de laquelle étaient déportés les internés de Drancy. Un monument aux morts, composé de larges pierres, se trouve lui un peu à l’avant du bâtiment en U.

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Annaïg nous indique la présence de plusieurs plaques commémoratives, dont les inscriptions retracent l’histoire de la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français et de sa police dans la déportation des Juifs de France.

De retour à l’intérieur du Mémorial, nous découvrons l’exposition permanente qui retrace l’histoire du camp et détaille les conditions de vie des internés. Au milieu de l’exposition trône la Table des Destins. Il s’agit d’une table virtuelle, sur laquelle il est possible de suivre les déplacements des internés depuis leur arrestation. Ces déplacements de population nous interpellent, reflétant une organisation maniaque et sans objectif, sinon celui de brouiller les pistes.

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Le jour de notre visite, comme un dimanche par mois, une partie de la visite est consacrée à un thème spécifique et animée par un intervenant extérieur au Mémorial. Ce dimanche ci, le thème abordé est « Internés, transférés ». C’est Nathalie Grenon, directrice du Cercil-Musée Mémorial des enfants du Vél’ d’Hiv, qui est chargée d’une conférence sur le sujet, en perspective avec ce que nous devons d’apprendre à Drancy.

Nathalie fait d’abord un premier rappel chronologique, énumérant les principales rafles, dont celle du Vel’ d’Hiv’, qui permettra l’arrestation de 13 000 Juifs, en plein cœur de Paris. Après plusieurs jours passés dans le Vélodrome d’Hiver, des milliers de juifs sont déplacés dans des camps de transits : les camps de Drancy pour les hommes célibataires, et les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande pour les familles et les enfants. Ces trois camps sont alors organisés et articulés ensemble, et souvent les internés de l’un des camps seront déplacés dans un deuxième, puis un troisième.

« Déportable, pas déportable ? »

La question qui détermine le chemin de vie des Juifs arrêtés est la suivante : « Déportable, pas déportable ? ». Car il ne s’agit pas seulement d’être internés dans ces camps, il faut rapidement déterminer quelle est sa place. Sur une base de critères qui ne cesse de varier, les Juifs sont susceptibles d’être déportés, d’autres non. C’est notamment le cas des enfants de moins de 14 ans. Les chefs SS n’autorisent pas leur déportation avant le 14 août 1942. Ainsi, alors que leurs mères sont déportées dès le 3 août 1942, les enfants, parfois très jeunes, restent seuls à Beaune-la-Rolande et Pithiviers, en attente de leur transfert vers une destination inconnue.

Le 14 août, la police française transfère à Drancy un premier convoi d’enfants de moins de 13 ans. Ils sont sales, encombrés de baluchons, hagards. La dureté des camps du Loiret les a terriblement affaiblis. La SS a ordonné que les convois d’enfants soient systématiquement composés d’au moins d’un adulte. C’est ainsi que l’on découvre des listes de convois avec une mère de famille pour plus de 15 enfants.

Les internés de Drancy, qui pensaient jusqu’alors qu’ils seraient envoyés pour travailler vers l’Est, comprennent rapidement qu’ils font fausse route. Comment des enfants de 4 ans pourraient partir travailler ?

Nathalie Grenon nous présente des dizaines de documents, principalement des fiches de recensement, soigneusement rédigées et classées. Ces documents nous permettent de retracer les déplacements de ces Juifs arrêtés jusqu’à leur déportation finale.

Les enfants arrivés à Drancy y restent quelques jours, entassés au dernier étage du bâtiment, livrés à eux-mêmes. Ils interrogent les adultes afin de savoir vers où ils vont aller et comment ils pourront retrouver leurs parents. Pour apaiser la terreur des enfants – et sans doute la leur -, on leur répond qu’ils partiront bientôt tous partir pour Pitchipoï, un nom imaginaire utilisé dans le contes Yiddish.

Après un voyage interminable dans les wagons à bestiaux scellés, les enfants arrivent à Auschwitz-Birkenau et dans les autres camps de concentration et d’extermination.

De Pitchipoï, ils ne verront que le ciel lourd et les âmes s’y envoler pour toujours.

Marie-Sarah Seeberger

***

Le Crif recommande vivement la visite du Mémorial de la Shoah de Drancy et le remercie pour sa visite éclairante et son travail de toujours pour la transmission de la mémoire de la Shoah.

Comment visiter le Mémorial de la Shoah de Drancy ?

Tous les dimanches, le Mémorial de la Shoah propose un transport et une visite guidée gratuite du site de Drancy et du Mémorial attenant.

-> Départ à 14h départ du Mémorial de la Shoah de Paris (17, rue Geoffroy-l’Asnier – 75004 Paris)
<- Retour du bus à 17h Mémorial de la Shoah de Paris.

Tarif : gratuit, dans la limite des places disponibles.

Plus d'informations : ICI

 

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