Actualités
|
Publié le 13 Février 2018

#Culture - Tel-Aviv : sur les traces du Bauhaus

Avec 2018 débute une année croisée d'échanges culturels entre la France et Israël… La vibrante Tel-Aviv, elle, n'en finit pas de redécouvrir son patrimoine architectural. Escale dans une ville en constante effervescence.

Publié le 15 janvier 2018 dans Le Figaro

On associe en général Tel-Aviv à sa qualité de vie plus qu'à sa plastique. La métropole israélienne, connue pour ses 14 kilomètres de plages bordées de palmiers, son tempérament californien, sa dolce vita et ses nuits débridées, abrite pourtant une richesse architecturale remarquable. L'agglomération possède une immense collection d'immeubles de style Bauhaus, du nom de l'école allemande, fondée à Weimar en 1919 par Walter Gropius. Quatre mille bâtiments au total, soit le plus grand ensemble d'architecture moderne au monde, et le mieux préservé.

Ce catalogue unique, longtemps laissé à l'abandon, a resurgi du passé en 2003 quand l'Unesco l'a inscrit sur la liste du patrimoine mondial. Plus de 1000 bâtiments ont été classés parmi lesquels environ 500 ont été restaurés. Disséminés dans plusieurs quartiers, occupés par des logements, des cafés, des commerces, des restaurants ou une synagogue, ils constituent un musée à ciel ouvert qui se révèle progressivement à l'œil averti.

Suivre la trace du Bauhaus, c'est s'élancer dans un jeu de piste qui permet de remonter le temps et d'explorer la jungle urbaine, du quartier en pleine mutation de Florentine aux maisons sur pilotis de Mazeh ou Nahamani. De sa construction au début du XXe siècle à sa récente valorisation au cours des années 2000, cet héritage traverse l'histoire de Tel-Aviv. Celle qui se veut capitale culturelle et économique d'un pays revendiquant Jérusalem comme capitale politique, fêtera ses 110 ans en 2019.

L'architecture Bauhaus, une école du style dit international, a été importée au cours des années 1930. A cette époque, la ville connaît une expansion fulgurante. Trente-cinq mille habitants en 1924, 160 000 en 1939. Les préceptes du modernisme - des lignes minimalistes valorisant la fonctionnalité plus que l'esthétique - présentent l'avantage d'une fabrication rapide et peu chère. «Il fallait construire beaucoup pour accueillir les nouvelles vagues de migrants.

Comme toujours: un petit groupe de personnes avec des idéaux forts est parvenu à s'imposer dans le processus», résume Nitza Szmuk, dans son cabinet spécialisé dans la restauration des maisons du Bauhaus et qui a été pendant douze ans l'architecte en chef de la municipalité de Tel-Aviv. Les formes cubiques et les courbes géométriques s'impriment sur les façades. Les lignes ne sont pas pures, mais les architectes partagent les mêmes idéaux socialistes que les premiers sionistes, les migrants venus d'Europe établir un foyer juif en Palestine mandataire.

[...] On parle de Bauhaus alors qu'il s'agit d'un style international adapté au mode de vie et au climat local. Ce mélange d'influences est unique au monde!», sourit l'architecte qui a l'habitude du raccourci. Au niveau du bouillonnant marché Carmel, Shouk HaCarmel, l'artère Allenby, avec ses façades décaties embellies par des graffitis, rencontre la très paisible rue Bialik, épargnée par la circulation. Celle-ci concentre un échantillon de maisons individuelles très bien conservées, flanquées de bougainvilliers éclatants.

Le spot est idéal pour s'exercer à reconnaître les signes caractéristiques du modernisme tel-avivien: le «thermomètre», une suite verticale de fenêtres étroites pour l'aération, les balcons en corbeille et les avancées en béton pour ombrager les ouvertures. Le numéro 2 de la rue Bialik abritait dans les années 1930 le repaire de l'intelligentsia de l'époque, réunie autour de Haïm Nahman Bialik, poète et dramaturge d'Odessa dont la maison de style néobiblique se visite au numéro 22.

Le café Bialik, qui accueille régulièrement des concerts, est resté un lieu de rendez-vous pour les artistes et les intellectuels. Les vitraux d'époque baignent la pièce d'une lumière mordorée et les fleurs fraîches sur le comptoir de zinc, invitent à une pause exquise. La redécouverte du patrimoine Bauhaus a débuté au numéro 21 de la rue, au milieu des années 1990. C'est Ronald Lauder, le fils d'Estée Lauder et collectionneur d'art, tombé amoureux du style Bauhaus à Vienne où il avait été nommé ambassadeur par Ronald Reagan, qui a donné l'impulsion en rénovant Shlomo Yafe, une belle maison de quatre étages.

[...] Avant de quitter le quartier Bialik, il faut jeter un coup d'œil à la collection de la Fondation Bauhaus hébergée au rez-de-chaussée de la maison de Ronald Lauder. Les pièces de mobilier avant-gardistes des grands maîtres rappellent que ce courant était pluridisciplinaire, même si seule l'architecture s'est déployée en Israël. Les tables épurées de Ludwig Mies van der Rohe, les fauteuils tubulaires de Marcel Breuer, les vases d'Otto Lindig ou la poignée de porte du chef de file Walter Gropius, disent la volonté de substituer au mobilier bourgeois des années 1920 des objets fonctionnels.

Les croquis d'Erich Mendelsohn montrent aussi que le Bauhaus ne se contentait pas de la couleur blanche mais affectionnait les monochromes rouges, bleus, jaunes. L'expression «Ville blanche» se serait imposée dans les années 1980 en référence à une exposition ainsi intitulée, à moins que ce soit les paroles d'une chanson populaire de Naomi Shemer, «De l'écume des vagues, je me suis construit une ville blanche», qui ne l'ait popularisée. Toujours est-il, le concept, maintes fois défendu dans les colonnes du quotidien Haaretz, s'est peu à peu imposé, conférant à la ville un label aussi bien historique qu'esthétique.

XVMabb8305a-f0a5-11e7-850f-fd380f9f2723-805x453

XVMdb9a4baa-f0a5-11e7-850f-fd380f9f2723-805x453

XVMf1912c62-f0a5-11e7-850f-fd380f9f2723-805x453

Lire l'article en intégralité

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance