Actualités
|
Publié le 24 Juillet 2019

Désinformation - l'AFP contrainte de revoir sa copie sur Israël

Le site InfoÉquitable procède régulièrement à un travail d'enquête minutieux afin de mettre en évidence le caractère parfois biaisé des dépêches de l'AFP concernant Israël. Récemment, InfoÉquitable a mené un travail important sur une dépêche particulièrement problématique, envoyée aux rédactions françaises le 12 juillet dernier. Depuis, l'AFP a reconnu des erreurs et réécrit la dépêche.
Dans un article paru hier, InfoÉquitable, un site très attentif aux articles de presse biaisés concernant Israël dans les média francophones, a 
  • révélé le militantisme anti-israélien de deux journalistes de l’AFP,
  • et obligé l’AFP à reconnaître des erreurs et à réécrire une partie d’une dépêche à l’origine biaisée sur Israël.

Il s’agit là d’une vraie mesure de lutte contre l’antisémitisme car, en rendant publique la diabolisation d’Israël et le processus interne de désinformation, ils ont contraint l’AFP à faire marche arrière – et sans doute à être plus vigilante les prochaines fois.

L’usage des termes connotés, la promotion du BDS par une journaliste car les entreprises « peuvent appartenir à des personnes juives », sont autant de façons de délégitimer Israël tout à fait condamnables.

Il ne s'agit pas simplement d'inexactitudes manifestes mais aussi de désinformation anti-israélienne, chez les journalistes puis dans l’opinion publique. Lorsqu’on assène sans plus de démonstration que la présence militaire israélienne en Cisjordanie est « illégale selon l’ONU », on accrédite l’idée qu’Israël est un « Etat voyou » qui ne respecte pas la légalité internationale, donc sans légitimité. 

***

« Mur de séparation » : L’AFP contrainte de revoir sa copie, article d'InfoÉquitable datant du 23 juillet 2019

  • Relatant les tracas d’une famille palestinienne vivant à côté de la barrière de sécurité, la dépêche au ton très militant comportait de flagrantes inexactitudes. Voici l’histoire édifiante d’une dépêche diffusée à toutes les rédactions le 12 juillet sur le fil français de l’Agence France-Presse (AFP).

L’enquête que nous avons menée sur cette affaire témoigne des dérives militantes et des mécanismes de désinformation qui sont mis en œuvre dès qu’il s’agit du dossier israélo-palestinien. Une dépêche déséquilibrée, tendancieuse, truffée d’inexactitudes grossières et de fake-news anti-israéliennes.

Intitulée « À cause du mur de séparation, une famille palestinienne cloîtrée dans sa maison », elle raconte les tracasseries au quotidien d’une famille palestinienne dont la maison se trouve séparée du reste du village à cause de la barrière de séparation. Reprise par plusieurs journaux français (La Croix, Le Point, L’Express…), cette dépêche au ton très anti-israélien comportait quelques mensonges et énormités que nous allons vous exposer en détail.

Le titre est déjà un rien mensonger : en fait de « mur », il s’agit d’un « grillage  sécurisé », comme on l’apprendra plus loin au détour d’une phrase. Mais évoquer « le mur » est plus efficace. C’est un mot qui claque sec. Associé à des images choc, c’est aujourd’hui l’un des grands classiques de la propagande palestinienne.

Le reportage est consacré à la vie de la famille Hajajla. Sa maison est séparée du village de Walajah à cause du tracé de la barrière. Les autorités israéliennes ont construit un tunnel pour lui permettre de passer de l’autre côté. Pendant huit jours, ce tunnel a été fermé, pour des raisons qui seront expliquées plus bas. Voilà toute l’affaire !

L’AFP va la transformer en un implacable réquisitoire anti-israélien.

On apprend que Mohammed vit avec ses parents « sur une colline en face de la colonie israélienne de Gilo, construite sur des terres palestiniennes » et que leur maison est séparée du village palestinien d’Al Walajah par un grillage hautement sécurisé. La suite est un morceau de choix. L’AFP y excelle dans une figure de style qui lui est coutumière : le mensonge par omission

Voilà, c’est tout pour les explications. Aux journalistes des salles de rédaction de se débrouiller, en particulier les nouvelles générations pour qui la « seconde intifada » est un épisode assez lointain et perdu dans les brumes du conflit du Moyen-Orient. 

Aucune précision, pas la moindre information sur les raisons qui ont présidé à la construction du « mur ». Pas une ligne sur les centaines d’attentats-suicide perpétrés par des kamikazes palestiniens et revendiqués par le Hamas et les groupes terroristes du Fatah. Pas un mot sur le millier de victimes israéliennes qui ont conduit les Israéliens à ériger ce mur pour protéger la population civile. 

À en croire l’Agence France-Presse, la barrière de sécurité n’aurait d’autre fonction que « d’empoisonner la vie des Palestiniens » (merci l’AFP pour cette réactivation de l‘accusation moyenâgeuse d’empoisonnement proférée durant des siècles contre les Juifs).

 

  • Attention fake-news ! L’AFP rapporte une décision imaginaire de l’ONU 

Dernière inexactitude – mais de taille – assénée de manière lapidaire : « l’occupation de la Cisjordanie » serait « illégale, selon l’ONU ». C'est Faux ! L’AFP donne là une information totalement erronée. 

Les accords d’Oslo, signés en 1993 entre Israéliens et Palestiniens et validés par la communauté internationale, ont au contraire fixé un cadre juridique à la présence militaire des Israéliens en Cisjordanie.  

Même s’ils sont aujourd’hui mal en point, ces accords n’ont été dénoncés par aucune des deux parties. Dans l’attente d’un accord de paix définitif dont chacun s’accorde pour dire qu’il tarde à venir, la présence militaire israélienne – notamment en zone C de la Cisjordanie – ne peut en rien être qualifiée d’« illégale ».

C’est ce qu’a confirmé à InfoEquitable l’ancien diplomate israélien Yigal Palmor, aujourd’hui directeur des relations internationales de l’Agence juive : « Les accords intérimaires sur la Cisjordanie et Gaza (dits « Accords d’Oslo » et approuvés par une résolution du Conseil de sécurité) régissent la situation dans ces territoires y compris la présence militaire israélienne en attendant un accord définitif sur leur statut permanent. Certes, cet accord définitif n’est toujours pas à portée de main et la négociation est au point mort, mais cela ne change pas le statut juridique des accords ou des territoires », explique Yigal Palmor.

Le reste de la dépêche est à l’avenant : elle passe en revue les moult tracas de la famille Hajajla, dont l’armée israélienne est rendue responsable. Le point de vue israélien passe à la trappe.

Les lecteurs qui voudraient connaître les arguments des Israéliens devront se contenter du minimum syndical. L’AFP y consacre une ligne : « Interrogée, l’armée israélienne a renvoyé l’AFP à la police qui n’a pas répondu ».

 

  • Une dépêche en contradiction avec les principes déontologiques de l’AFP

La Charte déontologique de l'Agence France-Presse indique que « les journalistes fournissent une information exacte, équilibrée et impartiale de l’actualité. Ils corrigent leurs erreurs et dans la transparence » et souligne que « les journalistes de l’AFP visent la neutralité, l’absence de préjugés ou de préférence. Ils ne relaient pas d’influence extérieure. » Elles ne sont ici clairement pas respectées.

Alertée par InfoEquitable, l’AFP reconnaît des erreurs et réécrit la dépêche.

Avant publication de cet article, nous avons pris contact avec l’Agence France-Presse pour lui soumettre nos observations. Jugeant manifestement l’affaire sérieuse, la direction de l’AFP nous a répondu en moins de 24 heures avec ce courrier très officiel de la rédactrice-en-chef adjointe du bureau de Chypre qui organise la diffusion des dépêches en provenance du Moyen-Orient.

Le 18 juillet à la mi-journée, l’AFP publie donc sur son fil une nouvelle version de la dépêche diffusée six jours auparavant. C’est désormais cette version que l’on trouve sur Internet.

Le récit reste globalement hostile aux Israéliens, mais les erreurs les plus flagrantes ont été supprimées (plus de « mur », plus d’occupation « illégale », plus d’« empoisonnement » de la vie des Palestiniens…).

 

  • Différentes versions en arabe, en français et en anglais

L’AFP, qui fait son mea culpa du bout des lèvres, concède donc « certaines imprécisions et un manque de contexte », et souligne que ces défaillances ne concernent que « la version en français ».

Nous avons voulu en savoir plus et avons retrouvé les trois versions, celle en arabe, celle en anglais et celle en français. Leur examen comparatif est riche d’enseignement et permet de mieux comprendre les tortueux cheminements de la désinformation et – surtout – qui est à l’origine des fake-news de la version française.

La première version de la dépêche a été rédigée en arabe par une journaliste palestinienne du bureau de l’AFP de Jérusalem.  Nous avons retrouvé le texte sur le populaire site d’information égyptien Masrawy et l’avons fait traduire.

Le ton est globalement anti-israélien. Le titre parle de « mur » de séparation. Le père affirme en outre avoir été « battu » par les soldats israéliens (une information qui ne sera pas reprise par les versions anglaise et française…).

Mais la dépêche arabe n’évoque pas de manière claire les raisons qui ont conduit les Israéliens à ériger la « barrière de sécurité ». Elle ne fait aucune allusion au terrorisme. Le paragraphe est rédigé de manière plus neutre que dans la version française : « Les autorités israéliennes ont commencé à construire la « barrière de sécurité » que les Palestiniens considèrent comme le « mur de l’apartheid » à l’apogée de l’intifada palestinienne (200-2005) afin de séparer son territoire de la Cisjordanie. » Cette version arabe n’évoque pas le caractère « illégal » de la présence militaire israélienne en Cisjordanie.

Cette dépêche en arabe est signée Hiba Aslan. Cette jeune Palestinienne a été embauchée en mars dernier par le bureau de Jérusalem de l’AFP.  Journaliste arabophone, c’est elle qui a effectué le reportage chez la famille Hajajla et qui a rédigé cette première dépêche. 

À en juger par ce que nous avons trouvé, la nouvelle recrue du bureau de Jérusalem est une militante. Voici quelques extraits de ses publications.

Le 3 mars dernier, elle a posté ce dessin de presse, à peine tendancieux, qui raconte que les Israéliens passent leur temps à arrêter de pacifiques pères de famille. Quelques semaines plus tôt, le 1er octobre, elle publiait aussi cette vidéo d’incidents à Jérusalem accompagnée d’un commentaire sans ambiguïté :

 

« Les colons attaquent les commerces du souk et maltraitent les jeunes Palestiniens… C’est terrible, nous sommes arrivés à ce stade où le colon ose… Alors qu’il y a quelques années, il avait peur de marcher dans les rues et regardait à droite et à gauche. Aujourd’hui, il attaque les habitants. La grève de demain est l’occasion d’un sursaut de dignité ! »

 

  • Un vocabulaire toujours soigneusement choisi

Dans ses commentaires publiés sur Facebook, Hiba Aslan ne dit pas « l’armée israélienne », « les soldats israéliens » ou encore « Tsahal ». Elle utilise à chaque fois le vocable « occupation  (al-Ihtilal) » ou « forces d’occupation » qui sont les expressions courantes de la propagande palestinienne.

Son compte Twitter est encore plus accablant. Nous y avons déniché ces deux tweets qui datent de juillet 2014.

Il y a cette caricature de Juifs orthodoxes qui effectuent une danse rituelle autour d’un enfant palestinien agonisant. Et puis il y a cette liste d’entreprises « israéliennes ou soutenant l’entité sioniste » à boycotter qu’elle diffuse quelques jours plus tard…

 

Ces tweets et messages sur Facebook ont été postés avant l’embauche de Hiba Aslan par l’AFP, le 17 mars dernier. Depuis cette date, la journaliste semble avoir modéré son expression, se conformant aux directives de l’AFP qui exigent de ses collaborateurs qu’ils s’abstiennent de prises de positions militantes sur les réseaux sociaux.  

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’on retrouve dans sa dépêche le ton et l’esprit très anti-israélien qui émaillent les commentaires de sa page Facebook et de son compte Twitter.

  • Qui en a rajouté sur la version en français ?
La dépêche en français a été rédigée par une journaliste francophone du bureau de Jérusalem : Clothilde Mraffko. 

Clothilde Mraffko a « adapté » le texte en français en y ajoutant sa pâte. C’est à elle que l’on doit ce fameux passage au sujet de la barrière de sécurité :

  • Une version anglaise beaucoup plus équilibrée et impartiale.

En comparant attentivement les versions anglaise et française de la dépêche, nous avons réalisé à quel point celle rédigée dans la langue de Molière se distinguait par son militantisme et son caractère déséquilibré.

La dépêche en anglais explique clairement que, lorsque la barrière a été installée en 2002, le choix a été laissé à la famille Hajajla de quitter les lieux (en échange d’une indemnisation) ou de rester chez elle avec la clôture l’isolant du village : « Israeli authorities gave the family a choice: leave or see their home cut off by a fence » – (Les autorités israéliennes ont donné le choix à la famille: s’en aller ou voir leur maison isolée par une clôture).

Dans le texte français, la phrase devient : « Les autorités israéliennes ont alors imposé à la famille un choix impossible: partir ou voir leur maison encerclée par un grillage ».

  • Les raisons de la fermeture du tunnel 

Une solution va finalement être trouvée devant la justice, saisie par la famille palestinienne. Les autorités israéliennes construisent (à leurs frais) un tunnel de béton passant sous la clôture et permettant aux Hajajla de gagner leur village. Or, récemment, ce tunnel a été fermé durant plusieurs jours par les Israéliens.

Dès le 4e paragraphe, la version anglaise explique clairement pourquoi les autorités israéliennes ont interdit l’accès du tunnel : « Les autorités israéliennes ont déclaré que la fermeture était due au fait que la famille était soupçonnée de permettre des passages illégaux vers Jérusalem depuis la Cisjordanie par le tunnel construit par Israël. »

Bien entendu, la version anglaise ne s’est autorisée aucune des considérations fantaisistes sur le caractère « illégal » de la présence militaire israélienne en Cisjordanie que l’on retrouve dans la version française.

La dépêche anglaise fait également état des dénégations de la famille palestinienne qui se dit innocente. La dépêche française surprime tout bonnement ce paragraphe et préfère livrer en détail la version – quelque peu alambiquée – de la famille.

Les accusations israéliennes – nécessaires pour comprendre le fond de l’affaire – sont reléguées en toute fin de dépêche (au 14e paragraphe !) et exposées de manière beaucoup plus elliptique :

« Selon le journal israélien Haaretz, les forces de sécurité israéliennes ont fermé le portail pour “réparer les caméras de sécurité cassées” et Omar Hajajla a été accusé de l’avoir utilisé pour faire “entrer des Palestiniens illégalement”. » Entrer où, pour aller où… ? 

Source : InfoÉquitable

InfoEquitable observe la manière dont Israël est couvert dans les médias francophones. "Nous réagissons lorsque nous repérons des partis pris, inexactitudes et autres violations des standards journalistiques. Nous fournissons également des informations qui ne sont pas relayées par les médias, car les non-dits contribuent à donner une vision incomplète de la réalité."

 

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance