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Publié le 22 Juillet 2012

Discours de Madame MarieTheulot petite-fille et fille de Juste parmi les Nations

Etre fille et petite-fille de Justes est non seulement un honneur, c’est un héritage facile à porter. Cependant une question interpelle ma conscience, à savoir quelle serait la décision qu’il me faudrait prendre si un jour j’étais confrontée aux mêmes choix que mon grand-père et mon père dans des circonstances aussi tragiques.

Mon grand-père, le commissaire de police, Georges Vigoureux est un patriote intransigeant. Dès novembre 1942, lorsque la France est totalement occupée, il s’engage dans la Résistance et fait face aux appels au secours des réfugiés juifs. Chacun choisit alors soit d’entendre soit d’ignorer. Lui, décide de les protéger et quand le nombre de personnes à secourir devient trop élevé, il demande de l’aide à son fils Jacques, adolescent de 16 ans, qui n’hésite pas à le seconder. C’est ainsi que père et fils, sauvent des vies. L’activité de mon Grand-père sera découverte, et torturé, il est déporté le 2 juillet 1944 à Dachau. Il en revient extrêmement affaibli et meurt  prématurément…

 

L’Institution Yad Vashem de Jérusalem a reconnu et nommé à ce jour en France, 3 643 « Justes parmi les Nations ». Il convient naturellement d’y ajouter les innombrables anonymes qui ne seront jamais honorés.

 

Le sauveteur a mille visages. Ce sont des hommes, des femmes de toutes conditions. Ils travaillent dans la police, l’administration et contrairement aux employés modèles, ils choisissent l’exception en désobéissant aux ordres. Ils sont aussi enseignants, médecins, paysans, ouvriers, prêtres et religieuses. A l’instar du pasteur protestant André Trocmé, qui fait partie de ces Justes, ils basent leur vie sur une des pierres angulaires de la foi chrétienne. Il n’y a ni Juif, ni Grec, ni esclave, on ignore ce qu’est un Juif, on ne connait que des hommes.

 

Dès 1942 des voix indignées se sont élevées. « Les mesures antisémites actuelles sont une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille » écrira le 30 août 1942 Mgr Théas, évêque de Montauban rejoignant en cela Mgr Saliège de Toulouse.

 

Après le courage des mots, il y a celui des actes. Comme Georgette Haut, résidant dans le VIe arrondissement, qui, 3 jours après la rafle,  accueille et cache sous son toit Lazare Pytkowicz, un adolescent de 14 ans ayant réussi à s’échapper du Vel d’Hiv.

 

Discriminer-exclure-spolier-humilier-torturer-déporter-assassiner, dans cette chaîne infernale au service d’une idéologie perverse, il s’est trouvé des hommes, des femmes capables de briser l’un de ces maillons.

 

Que cela soit par sens inné de la justice contre l’injustice, par une condamnation de lois racistes mises en place depuis octobre 1940, par refus de la collaboration, par conscience religieuse, ou par humanisme tout simplement, ces hommes, ces femmes ont pris le risque de tout perdre pour ne pas perdre l’essentiel, la dignité humaine, en préservant la vie de l’autre. Au péril de leur vie ! Comme cela est écrit sur le diplôme d’honneur que reçoit le « Juste parmi les Nations » en hommage pour ses actions pendant la Shoah.

 

Nous sommes ici, ce matin, pour commémorer les 70 ans de la rafle du Vel d’Hiv. C’est un cyclone dévastateur inoubliable qui s’est abattu alors à Paris les 16 et 17 juillet 1942.

 

13 152 Juifs étrangers ou français ayant été dénaturalisés, ont été pris au piège dont 4 115 enfants, presque tous nés en France, ils furent déportés après avoir été regroupés au Vel d’Hiv. Aucun de ces enfants n’est revenu Non satisfait de ce résultat, l’occupant ayant exigé 22 000 arrestations, Vichy procède alors à une rafle massive le 26 août 1942 en zone non occupée.

 

10 587 hommes, femmes, vieillards et enfants, vont être arrêtés par la police française et déportés. Seuls 270 sont revenus après la guerre. Paul Schaffer, Président du Comité Français pour Yad Vashem, fut l’un d’entre eux. Il a survécu à la déportation et témoigne dans son livre « Le Soleil voilé ». Une de ces pages les plus sombres de notre Histoire.

 

Cet été 1942 est celui de la honte. De toutes les années d’occupation, 1942 fut la plus noire : 42 000 sur un total de 76 000, en 43 convois, sont déportés vers Auschwitz- Birkenau. Ces moments qui blessent une nation - ces zones d’ombre, c’est aussi le sens de cette commémoration - mais si le mal doit être retenu et rester gravé dans notre mémoire, le bien ne doit pas être oublié.

 

Les Justes : Ces insoumis rentrés en désobéissance civile pour le plus grand honneur de la France et de l’humanité, forcent notre admiration. Les actes de bravoure de tous ces Justes, connus ou pas, puissions nous les garder pour toujours dans nos cœurs, qu’ils imprègnent le comportement de toutes les générations, que leurs exemples aiguisent les consciences et les avertissent que le combat pour la dignité humaine n’est jamais gagné d’avance.

 

Il nous appartient d’être passeur de mémoire, et cela va devenir vital, au moment où les derniers témoins s’en vont, comme l’a écrit Madame Simone Veil:

 

« Nous saurons nous rappeler que l’Histoire est constituée d’une longue chaîne de responsabilités individuelles et collectives et que c’est à chacun de nous de la faire avancer ».