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Publié le 8 Janvier 2018

Charlie Hebdo - Pour les yeux d'Elsa

Bruno Halioua livre un témoignage touchant de son souvenir d'Elsa Cayat, assassinée lors de l'attentat de Charlie Hebdo.

Le vendredi 9 janvier 2015 restera à jamais marqué sous le sceau de l’horreur et de la tristesse. Nous avons ressenti, cette veille de shabbat, comme un véritable électrochoc. Pas un de nous n’oubliera les noms et les visages de Yoav Hattab, Philippe Braham, Yohan Cohen, François-Michel Saada assassinés il y a trois ans* à l’Hypercasher de Vincennes uniquement parce qu’ils étaient Juifs.  Nous avons également été ému par l’assassinat des membres de la rédaction de Charlie Hebdo. 

Parmi les victimes de la folie terroriste des frères Kouachi le nom d’une personne a retenu mon attention : Elsa Cayat.  J’avoue que c’est en regardant sa photographie que je me suis souvenu d’elle. Je l’avais connue alors qu’elle était  étudiante en médecine à la faculté de médecine Saint Antoine. Je me rappelle qu’il nous arrivait de discuter de temps en temps devant la machine à café de tout et de rien, des sujets insortables aux examens,  du stage qu’il fallait éviter et de celui qu’il fallait faire. Je me souviens de ses yeux, de son rire communicatif, de sa démarche, de son humour  et surtout de l’aura qu’elle dégageait quand elle rentrait dans la bibliothèque.  Parmi les centaines d’étudiants qu’on croise au cours de ses études de médecine, on en oublie beaucoup en revanche on garde à jamais le souvenir de quelques uns. Elsa Cayat faisait partie de ces gens qu’on n’oublie pas. Nos chemins ont pris des directions différentes. Je savais qu’elle était devenue psychiatre après avoir lui un article consacré au livre qu’elle avait écrit (Un homme + une femme = quoi ?) dans lequel  elle s’interrogeait sur les fondements du couple.  

Elsa est morte à 54 ans, le 9 janvier 2015, alors qu’elle assistait à la conférence de rédaction de Charlie Hebdo. Corinne Rey, dessi­na­trice à Char­lie Hebdo a rapporté que  les frères Kouaci lui avaient déclaré qu’ils ne tuaient pas les femmes. Alors pourquoi ont t-ils tué Elsa Cayat. A-t-elle été tuée parce qu’elle était juive ? C’est l’hypothèse qu’a évoqué sans certitude sa cousine, la productrice de cinéma Sophie Bramly dans son témoignage « Je sais que les assassins ont demandé à leurs victimes de se lever et de décliner leur identité. Comme elle était juive, je ne peux m’empêcher de penser qu’elle a été tuée pour cette raison, et j’en éprouve des relents d’horreur.» ( Le Parisien Aujourd’hui en France 8 janvier  2015).

Tragique destin que celui d’Elsa dont le Quotidien du Médecin du 22 janvier 2015 rappelle qu’elle était « Juive laïque ». Sa tante, la romancière Jacqueline Raoul-Duval  a dit qu’elle était « Profondément athée, elle avait une grande considération pour la culture juive, l’amour du livre ». Son ami cardiologue Alain Wajman a souligné le fait  qu’«Elle avait les valeurs du judaïsme ». Nous autres Juifs, nous adorons apporté une note d’humour à chaque évènement tragique. Voilà pourquoi  j’ai choisi pour terminer de vous livrer les témoignages à propos d’Elsa qui m’ont fait sourire et qu’elle aurait probablement adoré. Le Rabbin Delphine Horvilleur a rappelé le jour de son enterrement qu’Elsa «  n’était ni freudienne, ni lacanienne. Elle était « Cayatienne », une école à part » tout en rappelant qu’ « À l’heure qu’il est, Dieu est peut être déjà sur le divan d’Elsa. ». Mais surtout j’ai aimé le témoignage de son confère et ami, le docteur Alain Wajman que nous connaissons bien à l’AMIF qui a raconté qu’Elsa a refusé qu’il s’allonge dans son canapé de psychanalyste en lui expliquait qu’elle « prenait pas en charge les potes, surtout quand ils étaient des ashkénazes angoissés ».

*Article publié en janvier 2018 sur le site du Crif