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Publié le 23 Avril 2013

Iannis Roder, prof de mémoire

 

Par Benoît Lagarrigue

 

Il a choisi d’enseigner l’histoire à des ados du 93, avec la conviction de l’utilité de son métier. Et, à la demande du Mémorial de la Shoah de Paris, forme les enseignants sur l’histoire du génocide juif.

 

Cela fait 14 ans, dont 13 au collège De-Geyter, qu’il enseigne à Saint-Denis. Parisien issu d’une famille d’immigrés hongrois dans les années 1930, Iannis Roder, prénommé ainsi en hommage à Xenakis, s’est très tôt intéressé à l’histoire. « Vers 6 ou 7 ans, je me suis plongé dans une BD sur la Révolution. Ce fut pour moi un révélateur. »

 

Dans ce café du boulevard Marcel-Sembat où nous sommes installés, son regard file de temps à autre dans la rue, repère certains de ses élèves. La plupart le saluent d’un large sourire ; à quelques-uns il lance : « Tu n’étais pas là ce matin… » ou « Ne sois pas en retard ! » Il fait partie de ces professeurs qui aiment profondément leur métier et l’exercent avec une conviction inébranlable, même si c’est de moins en moins facile.

 

Militant d’extrême gauche dans sa jeunesse, pas si lointaine, après l’agrégation et un premier poste à Villejuif, il demande à être nommé en Seine-Saint-Denis. « C’était pour moi un engagement, c’est-à-dire travailler là où je serais utile. » D’abord un an à Barbusse, puis à De-Geyter où il est toujours. Et où il se sent toujours utile.

 

« Pour un ado, c’est capital de connaître l’histoire sur laquelle s’est construite notre société, où les représentations issues des médias sont omniprésentes. Et connaître, c’est d’abord casser ces représentations. » Par exemple, la Shoah. « On en parle trop parce qu’on en parle mal. On doit faire comprendre aux jeunes que c’est une rupture anthropologique dans notre histoire qui influence notre façon de penser la société. Et que la démocratie, malgré ses limites, est la plus à même pour que cela ne se reproduise pas. »

 

Et il ajoute aussitôt : « L’histoire permet d’éveiller les consciences des élèves. » Tout, ou presque, est dit : lier l’histoire à ce que nous vivons, expliquer le sens des choses et des événements pour que les élèves comprennent le monde dans lequel ils vivent, bref leur donner une culture historique, voilà l’ambition de Iannis Roder. Et quand il cite de nombreux exemples de réactions de collégiens, il montre que cette mission n’est pas vaine.

 

Il parle encore de la valeur de l’écrit, du temps qu’il est nécessaire de prendre pour déconstruire et reconstruire, de la nécessité de penser et pas seulement de s’indigner… Depuis 2007, le Mémorial de la Shoah de Paris lui a confié une formation pour les enseignants sur l’histoire du génocide juif. De nombreuses académies de province (curieusement, aucune de la région parisienne) ont fait appel à ses stages de trois jours, dont un au Mémorial et deux en Pologne, à Cracovie et à Auschwitz-Birkenau.

 

Là aussi, il s’agit de casser les représentations. « Et c’est parce que j’enseigne à Saint-Denis que je rencontre les attentes et les questionnements des élèves que je peux percevoir ce dont les profs ont besoin » dit-il, revenant encore et toujours à ses « gamins », lance-t-il avec affection, voire une certaine émotion lorsqu’il évoque d’anciens élèves qui lui donnent de leurs nouvelles, des années après.

 

Et puis il y a le rugby. L’autre grande passion de Iannis Roder. « Dans le rugby, il y a une place pour tout le monde. » Il a joué trois quarts centre au CASG (le futur Stade Français), puis au Saint-Denis Union Sports, enfin à Sarcelles, en fédérale. Et joue toujours en folklo. Mais ça, c’est une autre histoire. Quoique.

 

Source: http://www.lejsd.com/index.php??u=31311930&s=21&l=fr&t=lejsd2&js=no&cache=1&a=showarticle&r=16230&divpar=right&divid=main_1&divcode=mainBox&u=31311930

 

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