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Publié le 17 Septembre 2020

Interview Crif - Les Accords d'Abraham expliqués par le journaliste Cyril Amar

Le 15 septembre 2020, les Emirats Arabes Unis, le Royaume de Bahreïn et Israël ont signé les accords d'Abraham instituant la paix et les relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis et le Royaume de Bahreïn. Un accord majeur soutenu par les Etats-Unis. Mais que contiennent réellement ces accords ? Quel avenir pour le Moyen-Orient ? Le journaliste Cyril Amar fait le point sur un accord historique.

Propos recueillis par Johana M.

Le Crif : Tenus secrets jusqu’à leurs signatures officielles à la Maison Blanche, que contiennent finalement les Accords d'Abraham ?

Cyril Amar : Tout d’abord il est important de préciser que 3 accords différents ont été signés mardi, lors de la cérémonie officielle.

Le premier entre Israël et les Emirats arabes unis est un accord bilatéral de normalisation des relations. Le second entre Israël et Bahreïn est une déclaration de paix et d’intention en vue d’une future normalisation de leur relation. Enfin, le troisième document est un accord tripartite qui lie les trois pays en vue d’une coopération future.

Contrairement à ce à quoi on s’attendait il n’est pas fait mention du gel de la décision d’annexer.

Il n’y a pas non plus d’engagement solennel, selon les exigences des Emirats arabes unis et du Royaume de Bahreïn d’appliquer une solution à deux états. Mais il est fait référence à la recherche d’une solution « durable et juste ».

 

Selon vous, que vont vraiment changer ces accords au Moyen-Orient ? S’agit-il de l’avènement d’un «nouveau Moyen-Orient» ?

C’est clairement un évènement important. Il ne faut pas minimiser la portée des accords de paix. Même si certains pays du golfe entretenaient déjà des relations discrètes avec Israël depuis quelques années, c’est un cap énorme que de les assumer et de les dévoiler au grand jour. Prononcer le mot « Israël », rencontrer publiquement Benjamin Netanyahu le premier ministre israélien, s’afficher côte à côte, c’est autre chose que discuter en privé pour les pays arabes.

Il ne fait d’ailleurs aucun doute que l'officialisation des relations aura un effet domino. Cela prendra du temps, mais le chemin est tracé.

Par ailleurs, cela traduit un changement dans la façon de traiter le conflit israélo-palestinien. La question palestinienne n’est plus fondamentale. Elle passe au second plan pour le monde arabe sunnite face à la menace iranienne ou encore face à la Turquie, devenue la bête noire des monarchies sunnites. C’est vraiment important à comprendre, sachant que ces deux puissances entretiennent également des relations tendues avec Israël. Israël est notamment dans un bras de fer avec la Turquie qui tente de saboter son projet de gazoduc.

Pour le Bahreïn, un autre élément est à prendre en compte. Le Bahreïn est un petit royaume, le plus petit du golfe persique. Et c’est une monarchie sunnite qui gouverne une population est majoritairement chiite (à 70%).

Donc, oui je pense qu’on peut dire que nous sommes dans un nouveau paradigme où le tabou de la situation palestinienne est remis en perspective face aux gains possibles d’une normalisation des relations. C’est une ère nouvelle aussi parce-que contrairement aux autres accords de paix avec l’Egypte et la Jordanie, cette paix est chaleureuse.

 

Qu’en pensent les populations israélienne, émiratie et bahreïnienne?

En Israël, cet évènement a quelque peu été occulté par l’annonce du reconfinement généralisé et le sentiment que le gouvernement gère très mal cette crise. Mais les israéliens apprécient à sa juste valeur cet accord. Ils y voient des avantages commerciaux et s’imaginent déjà partir en voyage à Dubaï, prochaine destination touristique tendance. Ils sont très heureux, cela met du baume au cœur dans cette période critique. C’est un acquis diplomatique considérable.

La population émiratie est également très heureuse. Sur 10 millions d’habitants, 1 million seulement sont des citoyens émiratis. Tous s’accordent à voir dans cet accord une nouvelle source de business. La normalisation des relations est aussi intéressante pour eux. Israël est une garantie. C’est la première puissance militaire de la région et une puissance technologique. Les émiratis qui se tournent vers le développement de nouvelles technologies y trouvent un intérêt.

Enfin, la situation est plus compliquée à Bahreïn puisque la population est majoritairement chiite à 70%. Il existe donc une forte opposition organisée. En 2011, Bahreïn avait dû faire face à un début de soulèvement lors du printemps arabe. Les réactions y sont donc davantage mitigées.

 

Enfin, la question que tout le monde se pose : quel est le prochain pays sur la liste ?

Les hypothèses et prédictions sont nombreuses. Le Sultanat d’Oman et le Soudan sont des possibilités. Mais la normalisation des relations avec l’Arabie Saoudite n’est pas pour tout de suite.

 

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