Le Crif : Qu’est-ce que le Comité Sécurité pour tous ? Quelles sont vos actions ?

Syn-Lay Tan : Le comité Sécurité pour tous rassemble 64 associations essentiellement asiatiques. Il a été créé dans les années 2000 à la suite d’agressions dans le quartier de Belleville à Paris puis réactivé en août 2016 lors de l’assassinat de Zhang Chaolin, un couturier chinois à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis ).

Nous souhaitons améliorer la sécurité des asiatiques en France mais pas uniquement puisque la sécurité est l'une des préoccupations principales des français. Parmi les revendications : caméra de vidéo-protection, augmentation des effectifs de police. Certaines mairies sont encore réticentes à nous écouter. Ce que nous regrettons.

Nous travaillons également pour inciter les victimes d’agression à porter plainte. Les Asiatiques portent très peu plainte car ils estiment que cela ne sert à rien, à tort, ou parce qu’ils estiment encore que ce n’est pas grave. Or, pour nous la plainte est essentielle pour deux raisons. La première est que porter plainte enclenche l’action judiciaire et la possibilité pour la victime d’obtenir réparation et de punir l’auteur des faits. Ensuite, la plainte permet aux pouvoirs publics de se rendre compte de l’état de la situation. Selon nos chiffres en 2019, un Asiatique se fait agresser tous les deux jours en Ile-de-France. 

Nous travaillons aussi dans la prévention en particulier avec l’AJCF, l’association des Jeunes Chinois de France. Elle intervient dans les établissements scolaires pour combattre les clichés.

 

Le Crif : Comment réagit la communauté asiatique face à ce déferlement de haine ?

La communauté asiatique ou plutôt les communautés asiatiques n’ont pas peur mais elles sont vigilantes. Les violences contre les personnes d’origine, de culture ou d’apparence asiatiques sont montées d’un cran. C’est la première fois que nous sommes victimes en France d'un appel à la haine aussi virulent sur les réseaux sociaux. La situation est grave, ces appels ont été « likés » et partagés des centaines de fois. De plus, ces appels ont été pris au pied de la lettre puisque six personnes se sont faites agresser depuis en Ile-de-France.

 

Le Crif : La semaine dernière trois personnes ont été condamnées pour des agressions visant des asiatiques. Une décision que vous avez qualifiée d’"historique". Que peut-on espérer de cette condamnation à long terme ?

Nous espérons que ces condamnations dissuaderont les prochains agresseurs de passer à l’acte. Il faut savoir que dans certains quartiers "se faire un chinois" était devenu un rite initiatique pour intégrer une bande. C’était facile d’agresser des asiatiques, d’autant plus des femmes puisqu’ils sont considérés comme plus faibles et qu’ils ne portent pas plainte.

La décision est historique car c’est la première fois que des peines aussi lourdes ont été prononcées contre des agresseurs de personnes asiatiques, et l’une des premières fois que le caractère raciste a été reconnu par les juges.

Nous espérons que cette décision va changer les mentalités tant du côté des victimes, qui n’hésiteront plus à porter plainte, que du côté des futurs agresseurs qui réfléchiront à deux fois avant d’agir.

La peur doit changer de camp.