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Publié le 5 Décembre 2018

Rentrée/Interview Crif - Rencontre avec Karel Fracapane, Responsable de projets éducatifs de l'UNESCO

Il y a quelques mois, à l'occasion du lancement d'un site d'éducation sur la Shoah par l'UNESCO et le Congrès Juif Mondial, le Crif s'était entretenu avec Karel Fracapane pour discuter du rôle et des actions de l'organisation en matière de lutte contre l'antisémitisme à l'école. A l'occasion de la rentrée des classes, nous vous proposons de (re)découvrir cet entretien.

[Interview du 5 décembre 2018]

Le Crif - L'UNESCO et le Congrès Juif Mondial ont récemment lancé un nouveau site Internet d'éducation sur la Shoah. Parlez-nous un peu de ce projet ambitieux.

Karel Fracapane - Le lancement du site Internet AboutTheHolocaust s'est fait à l'occasion d'une réunion du Bureau exécutif du Congrès Juif Mondial au siège de l'UNESCO. Ce site va principalement servir de support à des campagnes de communications sur les réseaux sociaux contre le négationnisme et l’antisémitisme. 

L'idée est de mettre à disposition du contenu précis sur l'histoire de la Shoah : des faits historiques classés par grands thèmes, des témoignages, des questions/réponses...

Pour le moment, le site existe en anglais, il va être prochainement traduit en français, arabe, russe et espagnol. A terme, nous espérons le rendre lisible en plus d'une dizaine de langues.

Le Crif - On entend souvent parler de "l'éducation comme un outil de lutte contre l'antisémitisme". Concrètement, que cela signifie t'il ?

Karel Fracapane - La lutte contre l'antisémitisme ne passe pas que par la compréhension d'un héritage traumatique européen, c’est-à-dire l’enseignement de l’histoire de la Shoah. C’est avant tout une question contemporaine, d’éducation et de sécurité, qui interroge le fonctionnement de nos sociétés aujourd’hui. C’est pourquoi l’UNESCO aborde la question à travers par la prévention de l'extrémisme par l’éducation, pour renforcer l’esprit critique et la résilience des jeunes ainsi que leur engagement en tant que citoyens contre les idéologies de haine qui peuvent conduire à la violence.

Concrètement, en matière de lutte contre l’antisémitisme, l’UNESCO se concentre sur les politiques éducatives à deux niveaux. Le premier niveau concerne  la production de recommandations et de directives pour les décideurs, afin de faire en sorte que les systèmes éducatifs traitent de cette forme d’intolérance de manière bien spécifique. Il s’agit d’abord d’être capable d’identifier le problème et mettre en place des politiques de prévention, ensuite d’enseigner l’antisémitisme, ses mécanismes, son histoire, et enfin d’avoir les capacités de réagir – de manière pédagogique notamment - lorsqu’un incident survient dans l’environnement scolaire. Le second niveau concerne la formation et vise à sensibiliser sur le terrain les professionnels de l'éducation des pays membres. C’est d’abord sur les bancs de l’école que la prévention se fait, nous en sommes convaincus.

En partenariat avec l'OSCE, l'UNESCO a déjà publié un premier guide à destination des Etats membres. Un second est en cours de production, pour les formateurs d’enseignants et les directeurs d’établissements scolaires.

Le Crif - Au sein des Etats membres de l'UNESCO, quelle est la place de la France dans la lutte contre l'antisémitisme ? Quel peut être le poids des institutions juives dans la mission d'éducation contre l'antisémitisme de l'UNESCO ?

Karel Fracapane - La France apporte une expertise conséquente sur le sujet. Cela se fait en partie au niveau de la société civile, même si elle semble moins mobilisée et organisée sur ce thème que dans d’autres pays européens, mais aussi grâce à l’action de l’Etat. Le travail de la DILCRAH en est un exemple remarquable. Il faut noter aussi l’action des mémoriaux, comme le Mémorial de la Shoah, qui s’emparent aussi de thématiques contemporaines et répond ainsi au besoin de formation des enseignants sur des thèmes liés à l’antisémitisme, comme les théories du complot par exemple, ou plus généralement l’éducation aux droits de l’homme. D'autres Etats membres ont mis en place des plans nationaux contre l'antisémitisme. La Norvège est un bon exemple. Il y aussi beaucoup de recherche à ce sujet au Royaume-Uni ou aux Etats Unis, pour mieux assister les enseignants. Le niveau et la nature de l'antisémitisme est différent dans chaque pays et doit être traité selon ses caractéristiques propres.

Les institutions juives telles que le Crif apportent évidemment une expertise non négligeable et portent une voix indispensable pour alerter le public et les autorités sur les réalités vécues par les communautés juives car le phénomène, ses manifestations et son ampleur ne sont pas toujours bien compris de tous.

Cependant, il est important de bien comprendre que l'antisémitisme n'est pas seulement le problème des juifs mais bien un enjeu national, européen, voire global. C’est donc d’abord aux gouvernements que revient la responsabilité de s’emparer du problème de l’antisémitisme par l’éducation, - ne serait-ce que parce que dans beaucoup de cas, c’est d’abord une question de sécurité urgente -  en coopération avec les organisations de la société civile engagées contre toutes les formes de racisme, d’intolérance et de discriminations.

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