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Publié le 25 Juillet 2014

L’hommage aux Justes rendu à Tours

Discours de François Guguenheim, vice Président du Comité Français pour Yad Vashem, cérémonie à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France, dimanche 20 juillet 2014 à Tours.

La cérémonie d’aujourd’hui commémore les innombrables rafles qui ont eu lieu en France, sous la responsabilité de l’État français les 16 et 17 juillet 1942, et particulièrement ici même à Tours où plus de 200 personnes ont été arrêtées et transférées à l’ancienne école normale de jeunes filles de Tours Nord pour la seule faute impardonnable de leur vie : être nés de religion juive.

Nous le savons, la France a sa part de responsabilité dans ces arrestations qui ont abouti à la déportation innommable d’innocentes victimes.

Plus de 70 ans plus tard, l’antisémitisme existe toujours dans notre pays, et plus grave encore, certains aujourd’hui n’hésitent pas, malgré nos lois, à tenir des propos racistes et antisémites ; France, tu es en réel danger et nous craignons que tu n’en sois consciente que trop tardivement. Ce ne sera pas faute de t’avoir prévenue, aie le courage d’analyser pourquoi cet antisémitisme ressort malgré les leçons de l’histoire.

Si nous rappelons la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français, nous sommes ici aussi pour honorer la mémoire des « Justes » de France, « ceux qui ont  été des lumières dans la nuit de la Shoah, comme il est écrit au Panthéon, ces « Justes parmi les Nations » selon la dénomination officielle de l’État d’Israël.

Aussi je souhaite au nom du Comité français pour Yad Vashem, rappeler combien ce travail de  reconnaissance envers les Justes  est au cœur de notre mission,

Comme il est au cœur de la mission  de l’Institut Yad Vashem à Jérusalem,

Comme il est au cœur de celles et ceux qui leur doivent la vie,

Comme enfin il doit être au cœur de tous ceux qui, hier comme aujourd’hui, admirent leur courage et leur générosité  quand la barbarie était monnaie courante.

Qui étaient-ils ? Paysans, instituteurs, religieux, ouvriers, grands bourgeois, petits fonctionnaires, gendarmes, cheminots… Tous ont pris l’immense risque de n’écouter que leur conscience, au péril de leur propre vie, pour protéger, cacher, nourrir, loger et sauver ces êtres, ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants traqués,  pourchassés par les nazis et le gouvernement de Vichy,  pour la seule raison d’être nés de religion juive.

Chaque année, ce sont de nouvelles histoires extraordinaires que nous découvrons.

Ce sont des  enfants ou des petits enfants Juifs qui en  France, en Israël, au  Canada, en Australie, découvrent les enfants et petits-enfants des Français  qui sauvèrent leurs parents et  grands-parents.

Et tout à l’heure, l’une d’entre elles, Émilie Louault, petite fille de Mme Jeanne Louault et de son époux Bernard, prendra la parole, elle qui fera partie je l’espère,  du voyage 2015  des descendants des Justes de France en Israël,  un voyage que nous organisons ensemble avec la Fondation France-Israël.

Mais cette année, c’est une autre histoire dont je veux dire quelques mots, car elle nous redonne espoir et foi dans les valeurs de la République, dans l’humanité : je veux parler  du voyage que nous avons organisé avec  plus de vingt maires de France à Jérusalem il y a un an, et élections obligent que nous réorganiserons l’an prochain.

Quarante-sept villes déjà font aujourd’hui partie du réseau des Villes et Villages des Justes parmi les Nations que nous venons de créer.

Je souhaite les remercier, remercier ces villes et communes  de France qui ont décidé de rendre hommage  aux Justes parmi les Nations, par une rue, par une place,  une esplanade, sur lesquelles est apposée une plaque rappelant leur héroïsme.

Et nous verrons demain, à l’entrée de ces villes et villages, un panneau avec le logo de Yad Vashem et le texte « Réseau des Villes et Villages des Justes parmi les Nations » panneau qui honorera ces communes.

Je remercie par avance Monsieur le Maire de Tours qui a repris le projet que j’avais proposé à son prédécesseur qui consiste, à notre demande, à nommer l’esplanade située devant le Château de Tours, « l’Esplanade des Justes parmi les Nations », cérémonie qui devrait avoir lieu en présence de Monsieur Yossi Gal, Ambassadeur d’Israël en France, en novembre prochain.

Aussi j’invite les mille communes et villes de France qui ont, par le passé, honoré un ou plusieurs Justes :

- à rejoindre ce Réseau afin de rappeler à leurs concitoyens, et surtout aux jeunes générations, que l’histoire de la Shoah doit être dite et redite avec  ses pages d’ombre terrible, mais aussi ses pages de lumière,

- dire qu’ici et là, partout en France, mais pas uniquement en France, il y a eu des héros individuels  qui ont su agir au nom de leur conscience,

- rappeler  aussi qu’il n’y a pas eu que des héros, mais aussi des traitres, des complices, des lâches, des indifférents, racistes et des antisémites.

Cet enseignement citoyen  permettra de lutter constamment contre les idées de celles et ceux qui veulent entretenir le négationnisme et refusent les valeurs de la République française bafouées pendant cette période de 1930-1945.

Avec toutes ces villes et communes de France, nous espérons transmettre aux nouvelles générations, que certes, il y a eu les collaborateurs, nombreux, mais qu’il y a eu aussi des phares dans la nuit, « les Justes parmi les Nations »

Et parmi ces héros, il y eut M. et Mme Louault, nommés Justes parmi les Nations.  Je suis donc très heureux de passer la parole à leur  petite fille, Madame Émilie Louault.

Que les enfants et petits-enfants de ceux qui furent sauvés n’oublient  jamais ceux qui les sauvèrent, et qu’ils en parlent à leur descendance.

Que les enfants et petits-enfants des Justes parmi les Nations transmettent à leurs enfants et petits-enfants la merveilleuse histoire de leurs parents ou grands-parents, dont ils peuvent être fiers.

Cette transmission des valeurs, cela s’appelle la civilisation contre la barbarie : c’est la preuve que la morale a fini par gagner contre l’innommable, mais au prix de combien de vies innocentes massacrées : six millions dont un million et demi d’enfants.

En pensant très fort aux Justes parmi les Nations, je me pose la question, en juillet 2014, après les innommables tentatives antisémites à Paris d'il y a juste une semaine, à Bruxelles il y a quelques semaines, de savoir s'il ne faut pas s'adresser au peuple de France et d'Europe en leur demandant : où sont les Justes du 21ème siècle, car à nouveau les Juifs sont pourchassés pour la seule raison d'être nés juifs.

Monsieur le Préfet, Mesdames Messieurs, notre mission est permanente, elle ne doit jamais cesser, nous sommes et resterons là pour le rappeler.

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