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Publié le 10 Novembre 2016

"La terre promise et notre cowboy solitaire adoré" Par Marc Knobel

Les aventures de Lucky Luke, d’après Morris, novembre 2016

Un pauvre cowboy solitaire n’ayant comme seule monture et ami que son cheval blanc rencontre au détour d’une route poussiéreuse… Jack, le plus malchanceux des cowboys. Jack -de son vrai nom Jacob Stern et qui se fait passer pour un avocat de New-York- vient d’une famille ashkénaze et demande à Lucky Luke de lui rendre un petit service : accompagner sa famille qui vient d’un patelin de l’est de la Pologne à Chelm City, dans le Montana.

« Un ashkéquoi ? » lui demande perplexe notre cowboy préféré…  

A Saint-Louis, grand port fluvial, point de départ pour toutes les caravanes qui s’apprêtent à affronter les dangers de l’ouest américain, Lucky Luke demande aux passants s’ils sauraient reconnaître ou distinguer un Juif. Le premier répond que « c’est comme un américain, en plus pessimiste » ; le deuxième renchérit « c’est des sortes de français, quoi… » Une troisième personne complète la description en racontant qu’elle en a vu à Baltimore, qu’ils sont barbus, tout en noir, exactement comme des amish. Un cowboy souhaite bonne chance à Lucky Luke parce qu’ils sont « incapables de se servir d’un colt », un autre ajoute « Bon, en même temps, il paraît qu’ils sont très cultivés. Vous savez qu’on les surnomme le ‘peuple du Livre’ », et un dandy termine la description en disant « En tout cas, leur religion est un vrai casse-tête chinois ! Comparés à eux, les mormons sont des danseuses de saloon… »

La famille de Jack, c’est d’abord Moïshé. Le chef de famille est un vrai érudit, sympathique et/mais déroutant. Qui, de sa Pologne natale, transporte avec lui… la Torah, les 20 livres du Talmud, le Zohar, la Kabbale, la 6 traités de la Mishna, le ‘Pirké de Rabbi Eliezer’, les textes de Rabbin Nahman, quelques volumes de Teshouvot, bref le nécessaire, c’est-à-dire au moins 30 caisses de livres…  

Sa femme Rachel est si attentive (et si possessive) qu’elle gave Lucky Luke. Il y a la jolie Hanna, qui vient d’avoir 20 ans, rougit pour un rien ou se fâche de temps à autre contre sa mère qui s’inquiète de savoir que Lucky Luke est célibataire et le petit Yankel, qui fait plein de bêtises. Bref, l’homme qui tire plus vite que son ombre ne va pas s’ennuyer durant ce voyage et le lecteur non plus.

Car toute la BD fourmille d’anecdotes drôles. Le clin d’œil est absolument partout et en presque chaque bulle de la BD, c’est à la fois drôle et intelligent. Parce qu’Achdé et Jull jouent sur l’humour juif et retournent les stéréotypes que l’on colporte depuis des millénaires sur les Juifs. Une BD ludique  à mettre entre les mains des gosses et des moins jeunes.

Au final, la terre promise (avant la vraie Terre promise) ce sera cette petite ville de Chelm City. Là, un certain Levy Strauss attend nos amis et raconte qu’il vient de monter une affaire de pantalons pour garçons vachers, qui fait bien rire Moïshé, « ‘Pantalons Levy Strauss’ ?! Ça ne marchera jamais. »

Mazel Tov Lucky Luke…

Achdé et Jul, Les aventures de Lucky Luke, d’après Morris, novembre 2016, 48 pages.