Actualités
|
Publié le 30 Août 2016

#Opinion - "Il faut défaire les discours des fanatiques musulmans en replongeant dans le Coran", par Hind Meddeb

Ceux qui tuent aujourd’hui au nom de l’islam sont ignorants de leur propre passé, coupés de leur mémoire.

Les résistances citoyennes à l’hégémonie islamiste sont nombreuses, elles sont trop peu relayées

Par Hind Meddeb, journaliste et réalisatrice, publié dans Marianne le 29 août 2016
 
C’est ce que mon père ne cessait de démontrer, confondant les faux dévots et les imams de pacotille qui s’autoproclament détenteurs d’un savoir religieux qu’ils n’ont pas
 
Je regrette que nos gouvernements ne fassent pas de politique à long terme. Lorsque l’on parle des territoires perdus de la République, il faudrait plutôt dire « les territoires abandonnés » par l’Etat.
 
Tant que nous ne prendrons pas au sérieux la question des discriminations et que nous ne rendrons pas visibles les parcours exemplaires de ceux qui malgré ces discriminations ont réussi à mener à bien leurs projets, il sera difficile de combattre le ressentiment qui est à l’origine de l’embrigadement religieux.
 
Pour résister à l’intégrisme, certains intellectuels arabes comme mon père l’écrivain Abdelwahab Meddeb ou le philosophe Mohammed Arkoun et bien d’autres ont mené une critique de l’intérieur. Il suffit de les relire. Les meilleurs arguments contre le discours de propagande de Daech ou d’Al Qaïda se trouvent dans les textes saints auxquels ces derniers font eux-mêmes référence. Le meilleur moyen de combattre ceux qui détruisent et assassinent au nom de l’islam serait de replonger dans le Coran et de confronter les nouveaux Tartuffes, « verset contre verset », le remède au mal qui ronge l’islam contemporain doit venir de l’intérieur. C’est précisément la démarche qui fut celle de mon père : dans ses écrits, il convoquait l’immense héritage théologique, philosophique, architectural et littéraire qui constitue la civilisation islamique pour défaire les discours des fanatiques musulmans pleins de ressentiment et de haine qui conduisent au meurtre et à la destruction de toute altérité au nom d’une pureté fantasmée. Son immense connaissance de la civilisation, de l’histoire et de la culture islamique lui permettait de démasquer la supercherie de l’idéologie jihadiste. Faisons que le remède parvienne au plus grand nombre, parce qu’il n’est jamais trop tard pour sauver ce qu’il reste à sauver.
 
Ceux qui tuent aujourd’hui au nom de l’islam sont ignorants de leur propre passé, coupés de leur mémoire. C’est ce que mon père ne cessait de démontrer, confondant les faux dévots et les imams de pacotille qui s’autoproclament détenteurs d’un savoir religieux qu’ils n’ont pas.
 
Toute sa vie, mon père, l’écrivain Abdelwahab Meddeb nous a rappelé que pour contrer le succès de l’islamisme sur son sol, l’Europe devait reconnaître son héritage arabo-musulman : «  A l’origine de l’Europe, il  y a certes Athènes et Jérusalem, mais il y a aussi Rome, Bagdad, Cordoue. Telle est notre réponse sereine à ceux qui diffusent la haine par leurs appels belliqueux au nom de l’irréductibilité de l’histoire, des récits, des motifs, des figures et des concepts. » écrivait-il dans ses Contre-prêches publiés au Seuil.
 
Abdelwahab Meddeb combattait avec la même verve, ceux qui ne reconnaissaient pas l’apport civilisationnel de l’islam en Occident et ceux qui rejetaient l’héritage des Lumières au nom de la supériorité du dogme religieux sur la raison. Pour contrer le succès de l’islamisme en Europe, il faut que l’Europe reconnaisse son héritage arabo-musulman. Pour qu’il y ait un islam de France, encore faudrait-il que la France reconnaisse l’existence de la civilisation islamique et qu’elle accepte de faire ces ponts historiques et littéraires. Mais la résistance de nos intellectuels est plus forte que les dernières tentatives isolées de personnalités comme Benjamin Stora.
 
Les attentats jihadistes ne devraient pas mobiliser la une des médias occidentaux. Les résistances citoyennes à l’hégémonie islamiste sont nombreuses, elles sont trop peu relayées... Lire l'intégralité.