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Publié le 19 Juillet 2016

#Opinion - Le terroriste et le show must go on (mise en scène)… par Marc Knobel

Que n’avons-nous pas entendu ces derniers jours ?

Comme si l’on parlait d’un pauvre type qui aurait pété les plombs et massacré sa famille...

Par Marc Knobel, Chercheur, Directeur des Etudes au Crif, publié dans la Revue civique le 19 juillet 2016
 
Après l’attentat perpétré à Nice le 14 juillet, des voix se sont élevées contre le spectacle de la terreur, parfois amplifié et entretenu par certains médias. La publicité, nationale et mondiale, donnée aux auteurs d’actes terroristes est une question à soumettre à la réflexion. Fethi Benslama, auteur de « Un furieux désir de sacrifice. Le surmusulman » (Seuil, 160 pages), psychanlyste et membre de l’Académie tunisienne, insiste par exemple sur le risque d’amplification du crime de ces djihadistes suicidaires si les médias révèlent et mettent en scène leurs identités. « La communication devenant pour eux la continuation de la terreur par d’autrres poyens », il en appelle (dans un entretien au Monde du 19 juillet) à un « pacte par lequel les médias s’engagent à ne mentionner les tueurs que par des initiales, à ne pas publier leurs photos, à ne pas donner les détails biographiques qui permettent de les identifier ».
 
Dans le billet ci-dessous, Marc Knobel, historien, chercheur, directeur des Etudes du Crif, s’insurge dans la Revue Civique contre les focus médiatiques faits sur l’auteur de l’attentat djihadiste de Nice, Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Dénonciation des mises en scènes macabres et anecdotiques, qui servent à l’évidence la propagande et l’intérêt des groupes djihadistes.
 
Que n’avons-nous pas entendu ces derniers jours ? Que n’avons-nous pas lu et vu ces derniers jours ? Combien ont gaussé, déblatéré et émis nombre d’hypothèses foireuses lorsqu’ils ont parlé de Mohamed Lahouaiej Bouhlel et ont tenté d’expliquer son/ce geste criminel ?
 
Des journalistes se sont précipités pour interviewer tous les voisins à la ronde, les vieilles connaissances et la boulangère du coin. De fait et en revue dans le détail, nous avons eu le droit et dans le désordre aux présentations suivantes :
 
- sa dépression,
 
- son état dépressif,
 
- sa violence,
 
- le fait qu’il battait sa femme et ses enfants,
 
- qu’il buvait de l’alcool,
 
- qu’il mangeait du porc,
 
- qu’il ne fréquentait pas la Mosquée,
 
- ne faisait pas le Ramadan,
 
- sa sexualité débridée,
 
- qu’il fréquentait des femmes et des hommes dont un homme de 70 ans,
 
- qu’il se droguait,
 
- qu’il n’était pas net, pas très net,
 
- complètement à la marge, dingue, fou, malade,
 
- qu’il prenait des médicaments,
 
- de montrer une ordonnance médicale…
 
Le barbare devient une vedette
 
Puis, les inévitables portraits de l’assassin se sont multipliés, comme si l’assassin, seul, méritait cet honneur ? Comme s’il fallait absolument que l’on peigne son portrait, comme s’il s’agissait d’un portrait comme un autre ? Comme s’il fallait que nous sachions tout de tout, minute par minute du monstre ? Sa vie, son œuvre, ses enfants, amants et maîtresses ?
 
Sans comparaison aucune, nous dirions très cyniquement que nous avions (il fut un temps)  Hitler et son chien, nous aurons cette fois Mohamed et ses hommes ou ses femmes.
 
Combien d’articles ont été publiés en long et en large dans la presse pour parler de Mohamed Lahouaiej Bouhlel ? Combien de portraits « riches » et variés avec moultes détails et forçant un peu trop le trait ? Combien de photographies publiées et cette Une pour le moins contestable de Libération (18 juillet 2016) avec sa photographie, justement en Une ?
 
Comme si l’on parlait d’un « pauvre » type qui avait ou aurait simplement pété les plombs et aurait massacré sa famille ?
 
Ce faisant, le barbare devenait, devient une vedette alors qu’il applique à la lettre la stratégie assassine de Daech et la mise en scène, le show must go, pouvait/ peut continuer... Lire l'intégralité.