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Publié le 5 Avril 2017

#Opinion - Radu Mihaileanu sur le FN : "La peste nous rattrape"

OPINION - Cinéaste et scénariste français d'origine roumaine, Radu Mihaileanu (Va vis et deviens, Le concert, La sources des femmes) s'inquiète des chances de victoire du Front national à la prochaine présidentielle

Aujourd'hui, je dois imaginer que j'ai fui la dictature de Ceausescu, que mon père a survécu au camp de concentration, aux "chemises noires" d'Antonescu et au totalitarisme criminel de Staline et que cette horrible peste me/nous rattrape. Contaminant la planète, l'Europe, la France, la répétition de l'Histoire nous rend à nouveau impuissants, paralysés, voire complices. Nous regardons les gros nuages s'amasser, épais, changer la couleur du ciel en noir, nous attendons le déluge en faisant des commentaires.

J'étais si heureux en arrivant en France, pays de mes rêves, pays des droits de l'homme, pays des livres de mon père, la France des Lumières, si heureux que mes enfants soient nés dans un pays libre, démocratique et qu'ils grandissent sans connaître la peur de l'autre, le soupçon que celui qui vous sourit soit celui qui causera votre perte, injectera en vous le terrible virus de la paranoïa, qui ronge une vie, une joie, qui cause en vous l'effondrement de la foi en l'être humain.

"Le matin où j'ai appris l'élection de Trump, j'ai eu l'impression d'être projeté dans mon passé"

Comme nous tous, j'échange avec ceux que je rencontre sur le chaos ambiant. Je demande à mon papa, 95 ans, si l'air était aussi lourd dans les années 1930, s'ils avaient autant le tournis. Et il me répond que oui, et qu'ils refusaient de croire au pire… comme aujourd'hui. Il s'étonne qu'en quatre-vingts ans on ait fait de tels progrès technologiques, scientifiques, mais aucun progrès pour contrer la menace populiste, fasciste, dans des circonstances de crise pourtant assez similaires.

Le matin où j'ai appris l'élection de Trump, j'ai eu l'impression d'être projeté dans mon passé, de côtoyer à nouveau mes démons. A ce moment-là, les discours de Ceausescu sont venus frapper à nouveau mon tympan. En comprenant que les mots glissent, sans le moindre appui dans l'esprit de ceux qui soutiennent ces extrêmes et veulent en découdre coûte que coûte, j'ai su que nous n'aurions pas non plus de mots pour combattre Marine Le Pen.

Publié dans le JDD le 4 Avril 207, lire la suite ici