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Publié le 19 Mai 2015

Quatre héros au Panthéon

Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay, quatre héros de la Résistance vont entrer au Panthéon, le 27 mai.
 

Par Michaël de Saint-Chéron, Philosophe des religions, publié dans le Huffington Post le 13 mai 2015
Les deux hommes sont morts en martyrs, les deux femmes ont porté au plus haut, au sortir de Ravensbrück, les valeurs de la Résistance et n'ont cessé de combattre pour les droits de l'homme, "les droits de l'autre homme" comme disait Levinas.
Dans un scandaleux article, Pierre Péan osa dire que l'entrée au Panthéon de Brossolette était "un affront à la mémoire de Jean Moulin", avec la bonne conscience de celui qui ne se demande pas si ce n'est pas son article qui est un affront aux deux hommes et plus encore, à l'honneur de ces héros "morts sans avoir parlé". Mais qui est M. Péan pour croire qu'il peut donner des leçons à l'histoire? Malraux, le 10 mai 1975, à l'invitation de Geneviève de Gaulle Anthonioz, Présidente de l'Association des anciennes déportées et internées de la Résistance (ADIR), disait devant le portail de la cathédrale de Chartres: "Nous avons vécu de la complicité de la France. Pas de toute la France? Non. De celle qui a suffi" (La Politique, la culture, Folio, Gallimard, p. 373).
Pierre Brossolette incarna non pas la France qui a suffi, mais la France des héros, la plus grande France, celle à laquelle appartiennent ses trois autres "compagnons d'éternité" (Malraux). Brossolette, Normalien, fut un homme d'un charisme et d'une intelligence remarquables.
Torturé pendant deux jours et demi sans parler, il se jeta, attaché à sa chaise et menotté dans le dos, depuis la fenêtre de la chambre de bonne où il était enfermé, profitant de l'absence de son gardien, tombant au 4e et se rejetant dans le vide. Il ne mourut que dans la soirée.
Jean Zay, né en 1904, un an plus jeune donc que Brossolette, fut un magistral Ministre de l'Education nationale sous le Front Populaire, doué aussi d'une intelligence et d'une envergure politique et humaine exemplaire. Il s'embarqua le 20 juin 1940 à bord du Massilia pour l'Afrique du Nord mais fut arrêté et jugé à Casablanca par un conseil de guerre, condamné à la réclusion à perpétuité à l'île du Diable, là même où Dreyfus fut relégué. Mais il fut livré à la milice en 1944, enfermé à la prison de Riom jusqu'au 20 juin 1944, où il fut assassiné comme Résistant, socialiste mais son quart de sang juif était aussi une raison supplémentaire qui aggravait encore sa rébellion contre Vichy. Ces deux hommes eussent été des reconstructeurs d'exception de notre pays après la guerre.
Pour nous remettre dans le climat de ces années de guerre et de résistance au nazisme et à Vichy, l'Ina (Institut national de l'audiovisuel) vient de publier un double Dvd "Le Cinéma de la Résistance", qui reprend notamment les images historiques de la Libération de Paris, L'Appel aux armes de Pierre Schaeffer, La Rose et le réséda sur le poème d'Aragon, mais aussi Traces filmées de la résistance. Après la nuit (88') écrit par Sylvie Lindeperg (Ina, 2 dvd, 4h10). Un coffret pour l'avenir et pour l'histoire.
Voici maintenant ces deux femmes héroïques, qui ont survécu à l'enfer de Ravensbrück où l'une et l'autre ont failli mourir. Deux nouveautés autour d'elles: "Les Femmes au Panthéon: Geneviève de Gaulle Anthonioz & Germaine Tillion. Entretiens sur France Culture", suivi des deux grands discours de Malraux sur la Résistance, son hommage à Jean Moulin (1964) et sa dernière oraison funèbre du 10 mai 1975 en hommage aux femmes de la Résistance déportées ("les grandes heures" Ina / Radio France, 1 cd), puis un livre, Geneviève de Gaulle Anthonioz & Germaine Tillion, Dialogues (présentés par Isabelle Anthonioz-Gaggini, Plon). Ces dialogues de France Culture ou ceux rapportés par Isabelle Anthonioz-Gaggini, sont bien le reflet de la personnalité extraordinaire de ces deux femmes d'exception. En outre, les dialogues publiés par Plon, font dialoguer les deux camarades devenues des amies liées à la vie, à la mort, au sens le plus fort. Deux autres femmes formaient avec elles les "quatre sœurs" françaises de Ravensbrück comme on les a appelées: Jacqueline Péry d'Alincourt et l'unique survivante aujourd'hui, Anise Postel-Vinay, qui vient de publier Vivre (un dialogue avec Laure Adler, Grasset)… Lire l’intégralité.
Michaël de Saint-Cheron est philosophe des religions. Son dernier ouvrage, Dialogues avec Geneviève De Gaulle Anthonioz suivis de La traversée du bien Ed. Grasset