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Publié le 24 Novembre 2017

#Tribune - Du débat sans tabou à l'effacement sans débat

A l’occasion de la très revigorante marche du Keren Hayessod, nous avons visité Khirbet Qeiyafa, site méconnu, lieu clef de l’archéologie d’Israël. Sur une colline surplombant cette vallée de l’Elah où selon la Bible David a vaincu Goliath, Khirbet Qeiyafa, où les excavations n’ont commencé qu’en 2008, révèle une double muraille sur une circonférence de 700 mètres, un double portail, des traces d’une demeure palatiale et d’un sanctuaire portable élaboré. L’ampleur des installations implique un pouvoir central fort. Quel est-il ?

A la frontière de la Judée, surveillant le « Pleshet », le territoire des Philistins, cette population ne mange ni porc, ni chien; elle connait une écriture proto-cananéenne, où certains experts retrouvent l’hébreu plutôt que le cananéen, le texte parle de la protection de la veuve et de l'étranger. Difficile de penser que les auteurs ne sont pas des Judéens. Or, la mesure au carbone 14 des noyaux d’olive mêlés au fragment de poterie écrit  fait de celui-ci, et d’assez loin,  le plus vieux texte hébreu connu, du Xe siècle avant notre ère. Cette époque est la « terra incognita » de l’archéologie en Israël, et du fait de l’absence de document, la majorité des professionnels de la génération « post Yadin », tels Israël Finkelstein, réfutent l’idée d’un royaume unifié davidique, encore moins d’une empire étendu salomonien et estiment que la Judée n’était  qu’une petite province tribale, qui ne prendrait vraiment son essor  qu’à l’époque plus tardive (VIIe siècle) après que le royaume bien plus puissant d’Israël, eut été détruit par les Assyriens. Les excavations de Khirbet Qeiyafa conduisent à réévaluer la puissance du royaume de Judée à date ancienne: il n’y a guère de scribes dans les tribus pastorales……

Bien sûr ce débat entre spécialistes ne s’arrêtera pas là; il est âpre et il n’est pas question de le détailler. Chacun comprend qu’il touche à la validité d’un récit national apporté par des textes bibliques dont la mise en cause fait grincer bien des dents. Mais ce débat scientifique sans tabou est nécessaire. Il est à l’honneur d'Israël et n’a rien à voir, comme l’écrit Finkelstein, avec le fait que l’on se sente plus ou moins patriote israélien. Le judaisme en a vu d’autres et a su se revitaliser par l’interprétation textuelle.

Les plus iconoclastes des archéologues ne courent guère de danger à exprimer leurs opinions, quelque colère qu’elles provoquent chez certains lecteurs littéralistes de la Bible. 

En serait-il de même dans le monde arabo-musulman avec un débat scientifique et ouvert  visant à confronter les textes coraniques à l’historicité de leur contexte? Poser la question, c’est malheureusement y répondre, au désespoir de bien d'intellectuels musulmans, victimes collatérales du rouleau abrutisseur et sournois de l’antiislamophobisme. 

Celui-ci est soutenu par tant d’idiots utiles que les exemples  abondent. Peut être accusé d'islamophobie quiconque  considère que ce qui est arrivé aux Palestiniens n’a pas été le plus grand crime de l’histoire. Pour éviter l’étiquette infamante, il faut vitupérer les sionistes. Ceux-ci sont d’ailleurs très  plastiques: en s’y prenant bien, on peut  les accuser de bien des méfaits ou malheurs où ils n’apparaissent pas en première évidence (les sionistes et les tsunamis, le 11 septembre, le Bataclan….). Mais si on ne trouve pas le moyen de les accuser, au moins faut-il éviter de parler des Juifs ou d’Israël, il faut les effacer de la mémoire. Signalons donc cet admirable  journaliste de la BBC qui présente la guerre que les Romains ont menée en 70. Elle a eu lieu contre les habitants d'un pays qu’il nomme " la Palestine "(terme anachronique avant la révolte de 132)  sans signaler ce détail insignifiant que les habitants de  « ce pays » étaient …….Juifs. Flavius Josèphe s’en retourne dans sa tombe…

Richard Prasquier