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Publié le 2 Mai 2016

Un rescapé d’Auschwitz face aux élèves d'un lycée de Genève

Noah Klieger a raconté son histoire, «pour que les jeunes soient les témoins des témoins».

Publié dans la Tribune de Genève le 30 avril 2016
 
«Je vais vous parler d’un temps qui vous semble impossible, sans téléphone portable, sans Whats App, sans iPad.» Rires dans la salle. «Je vais vous parler d’un temps, quand j’étais un adolescent juif, entre 1933 et 1945.» Silence. Les élèves de 11e année du Cycle du Renard, réunis vendredi dans l’aula, ne soufflent plus un mot. Leurs yeux sont rivés sur l’interlocuteur de 90 ans. Noah Klieger est l’un des derniers rescapés du camp d’Auschwitz. Depuis soixante ans, il raconte l’innommable dans les écoles «pour que les jeunes deviennent témoins des témoins». Il est présent à Genève pour la journée du souvenir de la Shoah mardi.
 
En vie grâce à des miracles
 
Noah Klieger est né à Strasbourg mais sa famille part pour la Belgique lorsque Hitler accède au pouvoir. Il raconte l’étoile jaune, le couvre-feu, la résistance. «Avec d’autres, nous avons fondé une organisation clandestine pour faire passer de jeunes Juifs vers la Suisse. J’avais 15 ans.» Un jour vient son tour: deux groupes tentent de passer la frontière. Le premier y parvient; le second se fait arrêter par la Gestapo. C’est le groupe de Noah Klieger.
 
«Je suis arrivé à Auschwitz le 18 janvier 1943. Au début, on croyait à cette histoire de camp de travail. On a compris après qu’on n’y était pas envoyé pour survivre mais pour crever. Je dis «crever» car un homme ne meurt pas de la façon dont on mourrait là-bas.» A l’arrivée, il faisait -25°, «on nous a parqués dans un hangar sans toit pendant 22 heures. Nous étions 650, les deux tiers sont morts de froid.» Noah Klieger passera deux ans à Auschwitz. S’il a survécu, c’est grâce à une succession de «miracles». Quand un jeune SS yougoslave le fait descendre d’un camion qui filait droit vers les chambres à gaz; quand il s’invente un passé de boxeur pour intégrer des combats qui distraient un gradé allemand et lui donne droit à une ration de soupe. Quand il survit à la «marche de la mort» avec 60 000 autres déportés d’Auschwitz vers d’autres camps, ou à dix jours dans un wagon entassés à 150 «où les morts restaient debout entre nous, où nous étions assis sur des cadavres». Bruissements d’horreur dans la salle.
 
«Moi je n’aurais pas tenu»
 
Pendant plus d’une heure, le rescapé passe le témoin à la jeune génération. Celle qu’on dit souvent dissipée est sincèrement captivée. Au moment des questions, les mains se lèvent. «Comment avez-vous fait pour retrouver de l’énergie après ça?» «Avez-vous revu vos parents?» «Avez-vous essayé de vous révolter?» «Après ce que les Allemands vous ont fait, que pensez-vous d’eux?»
 
Les maîtres ont préparé le terrain en classe. «Cette rencontre s’inscrit dans un programme qui s’étend sur l’année, expliquent Birgit Foti et Thierry Bubloz, enseignants d’histoire qui ont organisé la venue du rescapé. Nous sommes allés au Festival du film juif, nous avons invité une artiste allemande pour travailler sur la Rose blanche (groupe de résistants allemands), entre autres.»
 
Lirie, 14 ans, n’oubliera pas cette rencontre. «C’est une chance, mes enfants à moi n’auront pas cette opportunité. C’est inimaginable ce qu’il a vécu, je n’aurais pas tenu à sa place.» Erleta, 15 ans, ajoute: «Il arrive à parler de tout ça devant nous et même à sourire. Moi si j’avais vécu ça, j’aurais pleuré pendant toute ma vie.» Morgane souligne l’importance du témoignage, «il faut en parler pour que les gens qui n’y croient pas cessent de le faire et pour éviter que ça ne se reproduise». Lirie espère qu’un «truc aussi grave» n’aura plus jamais lieu. «Mais les gens se prennent tellement la tête pour rien, alors je ne sais pas…» La rencontre se termine par des applaudissements nourris. Et par une cohue sur la scène, pour prendre un selfie avec leur invité... Lire l'intégralité.
 
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