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Publié le 7 Décembre 2016

#Unesco - Égarement de l’Unesco : réponse à Metin Arditi, par Roger-Pol Droit

"Homme de qualité, l’écrivain Metin Arditi, actuellement envoyé spécial de l’Unesco, prend la défense d’un texte indéfendable".

"Il s’agit somme toute de recouvrir les lieux de leurs seuls noms arabes, de leur seule histoire musulmane – éminemment respectables, cela va de soi – mais en l’occurrence ce ne sont pas les seuls, et c’est ce qui rend le procédé inacceptable"

Par Roger-Pol Droit, publié dans la Croix le 6 décembre 2016 
 
La Croix a publié, le 28 novembre, une tribune de M. Metin Arditi, intitulée « Pour l’Unesco », où il me met personnellement en cause et s’en prend à ma chronique des Échos du 4 novembre, « Quand l’Unesco s’autodétruit » consacrée au vote d’une récente résolution sur Jérusalem.
 
Homme de qualité, l’écrivain Metin Arditi, actuellement « envoyé spécial » de l’Unesco après avoir été son « ambassadeur de bonne volonté », prend la défense d’un texte qui me paraît indéfendable (la résolution 200EX/25 du Conseil exécutif de l’Unesco). Il considère par ailleurs mes critiques comme signe d’un « illettrisme de circonstance à propos de textes contre lesquels on prend plaisir à se déchaîner ». Or ce n’est simplement pas le cas.
 
Je ne prends en effet aucun plaisir à constater que l’Unesco, en adoptant ce texte, renie sa vocation et bafoue ses idéaux, donc s’autodétruit. Car je connais d’assez près cette institution, pour avoir été notamment conseiller spécial du directeur général pour la philosophie de 1993 à 1999, et pour être l’auteur d’une histoire intellectuelle de l’Unesco. C’est donc avec tristesse plus qu’avec plaisir que j’ai résolu d’écrire cette chronique qui « inquiète » M. Arditi, mais c’est en pleine connaissance de cause que je l’ai fait.
 
Car c’est bien la lecture attentive du texte anglais dans son ensemble (200EX/25 et 200EX/36) qui m’a conduit à cette conclusion. Ce qui me scandalise est en fait l’esprit et l’orientation entière de cette résolution, et pas la simple présence de « guillemets » ou de « parenthèses » dans un « article 16 » où se serait glissée une « provocation » abusivement transformée en scandale par l’ignorance ou la mauvaise foi.
 
La question de fond demeure celle-ci : la vieille ville de Jérusalem appartient (je dis bien appartient) historiquement aux juifs, qui y construisirent leur Temple, aux chrétiens qui y virent mourir leur Christ, aux musulmans qui y placent ensuite l’élévation céleste du Prophète. Une résolution de l’Unesco concernant sa protection ne peut donc pas présenter, comme c’est le cas, que le point de vue musulman et arabe. Cette captation implicite, mais omniprésente dans la lettre et l’esprit du texte, est à mes yeux inacceptable pour les juifs comme pour les chrétiens. Les lecteurs de La Croix devraient y être particulièrement attentifs. Elle est aussi inacceptable pour tout esprit soucieux des missions de l’Unesco, et surtout de la vérité historique (c’est pourquoi je me suis senti moralement tenu d’intervenir, n’étant pour ma part ni juif, ni chrétien, ni musulman, mais simplement philosophe).
 
« Si le caractère juif du mont du Temple n’a pas été rappelé, son appartenance à l’héritage juif et à son histoire n’a nulle part été niée », souligne Metin Arditi. C’est exactement à ce niveau que se situe non le malentendu mais bien le procédé d’omission qui fait scandale. Au lieu de nier explicitement et publiquement le lien des juifs et des chrétiens à ce lieu, ce texte écrit, nomme et conçoit la situation du point de vue exclusif de l’islam. Il s’agit somme toute de recouvrir les lieux de leurs seuls noms arabes, de leur seule histoire musulmane – éminemment respectables, cela va de soi – mais en l’occurrence ce ne sont pas les seuls, et c’est ce qui rend le procédé inacceptable... Lire l'intégralité.