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Publié le 2 Décembre 2019

Décembre 2019 - Vote IHRA: Francis Kalifat souligne l'importance du vote de l'Assemblée nationale

Le président du Crif appelle les députés à adopter la résolution visant à lutter contre l’antisémitisme examinée mardi à l’Assemblée. Le texte retient une définition de l’antisémitisme qui devrait faire consensus, argumente-t-il dans une tribune au Figaro.

Tribune publiée le 2 décembre 2019 dans Le Figaro

Le 3 décembre, une proposition de résolution visant à lutter contre l’antisémitisme sera soumise au vote des députés. Ce texte approuve la définition de l’antisémitisme par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA en anglais), une organisation intergouvernementale qui réunit 33 États, dont la France, depuis 1999: «L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte.» Le président de la République avait annoncé la mise en œuvre de cette définition lors du dernier dîner du Crif. Le vote du 3 décembre est un vote important car dans le contexte de crise, de défiance et de désarroi que connaît notre pays, l’antisémitisme se porte, hélas, de mieux en mieux.

Depuis le début de ce siècle, nous, Français juifs, voyons notre situation se dégrader, en pente douce ou par à-coups, en silence ou à la une des médias, de meurtre en meurtre et sans sursaut durable. Nous qui représentons moins de 1 % de la population sommes victimes, chaque année, d’environ 50 % de tous les actes racistes recensés par le ministère de l’Intérieur. 2018 était une année noire. Au 1er semestre 2019, les actes antisémites ont encore augmenté de 78 %. C’est un antisémitisme du quotidien, fait d’injures, de menaces, de tags, de coups, une vie sous tension, la peur au ventre, qui conduit ceux qui le subissent à un véritable exil intérieur. Cette situation doit changer.

Il faut une politique plus efficace, plus ciblée, qui s’attaque à toutes les formes d’antisémitisme. 

Il faut une politique plus efficace, plus ciblée, qui s’attaque à toutes les formes d’antisémitisme. Policiers, magistrats, enseignants, éducateurs, responsables de réseaux sociaux nous disent leur besoin d’un texte clair auquel ils pourraient se référer. Ce texte existe, c’est la définition de l’IHRA.Le combat contre l’antisémitisme et la définition de l’IHRA devraient faire consensus. Ce n’est pas le cas. La définition de l’IHRA a été diabolisée. Elle serait une menace pour la liberté d’expression. Avec elle, toute critique de la politique d’Israël deviendrait impossible. C’est complètement faux. Il suffit de lire la définition: «Critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme.» L’observatoire de l’antisémitisme en ligne, que le Crif finalise actuellement avec l’institut Ipsos, montre que la haine contre les Français juifs s’exprime très souvent à travers la haine d’Israël et qu’il existe une grande confusion entre Juif, Israélien et sioniste. À titre d’illustration, je reproduis deux posts qui figurent dans l’étude Ipsos: «100 % de ceux qui tirent les ficelles sont sionistes» et «la France a été vendue aux banques et à qui appartiennent ces banques? aux sionistes». Il est utile ici de citer la définition de l’IHRA: «L’antisémitisme consiste souvent à accuser les Juifs de conspirer contre l’humanité et, ce faisant, à les tenir responsables de tous les problèmes du monde.»

La définition de l’IHRA interdirait aussi de critiquer l’existence d’Israël. Mais s’opposer à l’existence d’un État, n’est-ce pas souhaiter sa disparition? Assad a massacré son peuple, pourtant personne ne critique l’existence de la Syrie. Le régime chinois réprime la minorité musulmane des Ouïgours, pourtant personne ne critique l’existence de la Chine. Pourquoi Israël serait-il le seul État qu’il faudrait rayer de la carte? S’opposer à la seule existence d’Israël, n’est-ce pas antisémite?

"Toutes les haines sont des maladies"

Dans un autre registre, approuver la définition de l’IHRA serait déséquilibré parce que rien ne serait fait, dans le même temps, pour les Palestiniens. Pourquoi mélanger la lutte contre une haine visant des Français en France avec la résolution d’un conflit à l’étranger? S’agirait-il d’indexer la lutte contre l’antisémitisme en France à la situation des Palestiniens ? Ce serait aussi communautariste… parce que cela concernerait uniquement les Français juifs. Racisme, antisémitisme, xénophobie, homophobie, haine des musulmans…, toutes les haines sont des maladies et aucune n’est plus grave que les autres. Mais on ne soigne pas toutes les maladies avec un seul et même traitement. Il est grand temps d’essayer des traitements plus ciblés. La définition de l’IHRA permettra de traiter l’antisémitisme sous toutes ses formes.

Le vote du 3 décembre fera suite au vote par le Parlement européen, le 1er juin 2017, d’une résolution qui invitait les États membres à adopter et à appliquer la définition de l’IHRA. À date, quinze États membres ont répondu à cette invitation, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Je terminerai cette lettre ouverte aux députés par deux questions. Face à la nouvelle hausse constatée en 2019, est-ce le moment de se déchirer sur une définition qui permettra de mieux lutter contre l’antisémitisme? L’Assemblée nationale veut-elle être la première en Europe à rejeter la définition de l’IHRA ou à l’adopter avec une majorité étriquée ? J’espère de tout cœur que vous serez très nombreux, le 3 décembre, à voter la proposition de résolution. La situation l’exige.

Francis Kalifat, Président du Crif

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