Des policiers parlent au Crif

 
La Commission des Relations avec les ONG, les syndicats et le monde associatif, que préside Jean-Pierre Allali a reçu, le jeudi 26 mai 2016, deux représentants syndicaux de la police française : Nicolas Comte, secrétaire général adjoint et porte-parole du syndicat de police Unité-Sgp-FO et Mohamed Douhane, commandant de police et auteur.
 
Une fois n'est pas coutume, la Commission a été honorée par la présence de Roger Cukierman, président du Crif, Francis Kalifat, vice président et futur président du CRIF et Robert Ejnes, directeur général.
 
En préambule, Jean-Pierre Allali a rappelé l'attachement de la communauté juive à la police nationale pour laquelle elle éprouve de la sympathie et de la reconnaissance pour le travail accompli au quotidien. Il pose alors la question : « Comment les événements récents ont-ils pu arriver ? Pourquoi tant de haine à l'égard de la police ? ». Pour Nicolas Comte, si le droit de manifester est parfaitement normal, ce qui est nouveau, depuis quelques années, c'est la présence de casseurs, issus généralement de l'extrême gauche très radicale et, dès lors, les affrontements avec la police. On l'a vu à Nantes, en février 2014, à propos du projet d'aéroport de N.D. des Landes, où plus de 100 policiers ont été blessés ou, du temps de Dominique de Villepin, sur l'esplanade des Invalides avec des jeunes de banlieue qui ont saccagé des magasins et procédé à du racket.
 
Ce qui est nouveau aujourd'hui et qui tend, hélas, à prendre de l'ampleur, c'est une forme de « professionnalisation » des casseurs. Voilà des gens qui sont équipés de vêtements de rechange pour ne pas être repérés et qui parviennent à se changer dans des tentes de type Quechua qu'ils transportent avec eux. Ils utilisent des techniques de combat qu'on croyait réservées aux policiers et aux militaires. Quand aux slogans utilisés, on est passé du « CRS-SS » de mai 1968 à « Tout le monde déteste la police ». C'est  véritablement honteux. Fort heureusement, les individus concernés sont minoritaires.
 
Pour Mohamed Douhane, il convient de relativiser : les Français, dans leur grande majorité, aiment leur police. Néanmoins, il est incontestable que les casseur , une minorité issue de l'ultra-gauche, sont bien formés et hyper-radicalisés contre la police. On l'a vu lors de la manifestation de policiers du 18 mai 2016. « Les policiers sont les sentinelles de l'autorité publique et de la société » considère Mohamed Douhane qui se dit choqué par la remise en liberté récente de trois des quatre suspects interpellés après avoir attaqué violemment des policiers et incendié leur véhicule à Paris. Cette décision est d'autant plus incompréhensible que ces casseurs avaient fait l'objet d'une interdiction de manifester le jour même de leur interpellation. Une plus grande fermeté s'impose via le parquet et la classe politique. Roger Cukierman promet de faire passer le message au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, lors de la prochaine Assemblée Générale du Crif.
 
Nicolas Comte réclame des canons à eau qui, dit-il, font moins de casse et, on ne le sait pas souvent, sont classés plus bas que les gaz lacrymogènes dans la hiérarchie des moyens à la disposition des forces de l'ordre.
 
À l'approche de l'Euro et dans le contexte actuel de l'état d'urgence et d'une menace terroriste toujours aussi présente, Mohamed Douhane est favorable à une interdiction des manifestations les plus risquées. Il remarque que, pour diverses raisons, 80 000 peines de prison ne sont pas appliquées en France. Ce qui renforce le sentiment d'impunité des délinquants dans notre pays. Le code de procédure pénale est extrêmement lourd et complexe. On devrait simplifier le formalisme procédural afin de permettre aux officiers de police judiciaire de se consacrer pleinement à l'investigation. Nicolas Comte avoue son expectative : « Je ne sais pas comment on pourra faire avec l'Euro ». Comme en écho, Mohamed Douhane pense que « la France est aujourd'hui le pays le plus menacé du monde par le terrorisme international ».
 
Autres questions soulevées lors de cette réunion très intéressante et particulièrement réussie : la « proportionnalité » de la réaction policière, la comparaison des récentes manifestations avec la « Manif pour tous », la présence d'étrangers dans les manifestations (Anglais à Calais, Néerlandais, quelques Italiens), la généralisation des caméras embarquées, les rapports avec la presse, le devoir de réserve, les polices privées.
 
Les deux policiers ont été chaleureusement applaudis par la Commission à l'issue de cette rencontre aussi instructive que chaleureuse.