Jérusalem, l’histoire et le nom, par Richard Prasquier

 
Par Richard Prasquier, ancien Président du Crif, Président du Keren Hayessod
 
En ces temps où à l’Unesco les liens entre les Juifs et la ville de Jérusalem sont niés dans une motion mensongère votée grâce à la lâcheté de plusieurs pays occidentaux, dont malheureusement le nôtre, il peut être intéressant de reprendre les données non pas de l’histoire de la ville, mais du nom même de la ville de Jérusalem : une histoire mal connue…
 
ירושלים : ville de la paix, comme cela est communément dit ? Historiquement faux, malheureusement, et surtout Impossible étymologiquement : dans « עיר » (ville) l’initiale ע est une gutturale forte qui ne disparaîtrait pas dans un nom composé.
 
Pour la partie initiale il reste : soit yeroucha, l’héritage, soit ce qui paraît le plus probable linguistiquement un dérivé du verbe [ירא] qui signifie « jeter » (des flèches, des dés, ou les premières eaux de pluie….), mais aussi déposer une pierre de fondation ou orienter son doigt vers une direction, d’où métaphoriquement « éduquer » (qui vient aussi d’un terme latin signifiant « conduire »). C’est la racine, capitale entre toutes, du mot « Thora ».
 
Pour la partie finale, « Shalem »: on dit toujours qu’il s’agit du mot paix, le même pratiquement dans toutes les langues sémitiques. Mais dans la Bible même, « shalem » ne signifie pas uniquement « paix ». Souvent le mot explicite le sens originaire de « complet » (être en paix c’est être « complet »), que l’on retrouve d’ailleurs dans le verbe « payer » en hébreu moderne (rétribuer de façon complète). C’est ainsi que l’on parle de « l’iniquité parfaite des Amorites » dans un passage de la Genèse. Mais on connaît aussi un dieu cananéen Shalem, invoqué par exemple dans les textes de Ougarit. Il était peut-être, mais sans certitude, lié à la paix : Jérusalem, ce serait donc la « fondation de Shalem ».
 
La ville était connue par des textes antérieurs à l’arrivée des Hébreux, comme ceux de Tel Amarna du XIVe siècle avant notre ère. Elle était habitée par les Jébuséens avant la conquête de David. Celui-ci, qui ne fut pas précisément un homme de paix, nomma deux de ses fils en lien avec le nom de sa capitale : Absalom et Salomon. Pourquoi ? Ceci est une autre histoire…
 
Jérusalem est mentionnée 643 fois dans la Bible, autrement dit dans presque tous les livres bibliques depuis celui de Josué. Trente siècles environ de proximité souvent passionnée entre le judaïsme, présent ou en exil, et Jérusalem tout simplement parce que c’était la ville du Temple. Rien à voir, Mesdames et Messieurs de l’Unesco ? 
Deux remarques pour finir : 
 
ירושלם « Yerouchalam » ? Dans l’immense majorité des occurrences, le mot biblique est ירושלם « Yerouchalam ». Le « yod » a été rajouté plus tard, par les savants massorètes vers le VIe siècle de notre ère, alors même que la ville était pratiquement interdite aux Juifs. Il donne au mot un aspect « duel » (terminaison en -ayim) comme si la ville avait été construite sur deux collines, ou comme s’il y avait « deux » Jérusalem : la Jérusalem d’en-bas et la Jérusalem d’en-haut, comme dit le Talmud ? Ce qui rappelle la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste du monde chrétien depuis St Augustin.
 
Deuxième remarque : le terme grec constitue une réétymologisation a posteriori : Jérusalem est devenu Ierosolyma (Ιεροσόλυμα). Or en grec, hieros signifie « saint » (les hiéroglyphes). C’est donc au VIIe siècle, que cette « ville sainte » - où habitait une population parlant grec - est conquise par les Arabes et que le terme de « al Qods » (la sainte, comme Kadosh) s’impose. Il a aujourd’hui acquis la charge émotionnelle que l’on sait. Mais cela n’est pas une raison pour distordre l’histoire…