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Publié le 2 Mai 2011

Aux origines du slogan : «Sionistes assassins!», le mythe du «meurtre rituel» et le stéréotype du Juif sanguinaire, par Pierre-André Taguieff

Pour son vingtième numéro, la revue « Les études du CRIF » que dirige Marc Knobel nous propose une étude véritablement exceptionnelle. Directeur de recherche au CNRS, Pierre-André Taguieff s’est imposé, au fil des ans, comme un spécialiste incontournable des questions touchant à la judéophobie devenue planétaire, notamment à travers sa face nouvelle, l’antisionisme. Il se penche ici sur la thématique du « crime rituel ».




Depuis des siècles, la haine des Juifs s’exprime à travers des mythes aussi invraisemblables et chimériques qu’efficaces auprès de populations souvent peu éduquées et promptes à se saisir du moindre prétexte pour assouvir leurs pulsions. Parmi ces mythes, une constante : la légende de crime rituel accompli par les Juifs dans le cadre de la pratique de leur religion. Alors qu’une étude superficielle du judaïsme montre que celui-ci rejette formellement la consommation de sang, même animal, des prédicateurs, des pseudo-intellectuels, des faux historiens, propagent l’idée que, régulièrement, à l’approche de certaines fêtes, Pessah, la Pâque juive, pour la plupart, mais aussi Pourim voire Yom Kippour pour d’autres qui n’hésitent pas devant le ridicule ou l’incongruité, des Juifs égorgent des enfants chrétiens et, désormais, des enfants musulmans, pour se repaître de leur sang.



Si les centaines d’affaires d’accusation de crime rituel qui ont eu lieu à travers le monde au cours des siècles sont souvent peu connues, certaines ont défrayé la chronique et ont conduit à des procès retentissants.



Le premier infanticide rituel imputé aux Juifs remonte à l’an 1144 en Angleterre après la découverte du corps, affreusement mutilé du jeune William, douze ans, dans un bois aux environs de Norwich. Taguieff nous rappelle également la sombre machination dite de « L’affaire de Damas » avec la disparition, en 1840, du moine capucin français d’origine sarde, le père Thomas. Montée par le gouverneur égyptien de la ville Chérif Pacha et le consul de France, Ratti-Menton, elle dépassera les frontières de la Syrie pour devenir une polémique mondiale. Au début du XXème siècle, en 1911, c’est à Kiev que se déroule « L’affaire Beïliss ». Accusé du meurtre du jeune chrétien Andreï Iouchtchinski, 13 ans, dans le cadre d’un crime rituel, le propriétaire juif d’une briqueterie, Mendel Beïliss , sera finalement déclaré innocent à l’unanimité du jury à l’issue de son procès.



De nos jours, si l’argument du meurtre rituel, encore présent dans les écrits de Julius Streicher et de l’hebdomadaire Der Stürmer, a quasiment disparu en Europe, il est repris avec vigueur dans la monde arabo-musulman où le fameux texte des Protocoles des Sages de Sion, un faux notoire, est réédité régulièrement. Un pas a été franchi avec la publication d’un ouvrage écrit par un proche du président Hafez El Assad et de sa famille, le général Moustafa Tlass, La Matza de Sion où l’antienne du crime rituel juif est repris jusqu’à l’écœurement.



Pour Pierre-André Taguieff, l’affaire Al-Dura participe de la même volonté de propagande antijuive sur fond de meurtre rituel.



Dans sa remarquable étude très documentée et assortie de notes très détaillées, l’auteur , à la recherche d’une explication de ce phénomène récurrent remonte à l’Antiquité, au mouvement païen, à la naissance de la chrétienté avant de passer à Luther et à Eisenmenger, au chanoine August Rohling, à l’agitateur russe Pavolachi A. Krouchevan, au président iranien Ahmadinejad et à des dizaines d’auteurs plus ou moins connus qui ont été et continuent d’être les vecteurs de cette ignominie que constitue la théorie de la pratique par les Juifs du crime rituel. Un excellent travail qui est une ouverture pour une étude plus poussée du phénomène à travers la lecture des nombreux ouvrages proposés en référence.



Jean-Pierre Allali



Photo : D.R.
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