A lire, à voir, à écouter
|
Publié le 22 Août 2008

Histoire de la chirurgie esthétique. De l’Antiquité à nos jours Par le docteur Sydney Ohana (*)

« Esthétique et judaïsme », tel était le thème d’un débat qui s’est déroulé en mars dernier au Centre Rachi. Parmi les intervenants, l’auteur de ce livre, Sydney Ohana. Chirurgien de renommée internationale, le docteur Ohana est aussi un passionné d’histoire de la médecine. A travers son étude, ce n’est pas seulement l’évolution de la chirurgie esthétique qu’il nous permet de découvrir, mais, plus généralement, celle de la médecine. Et, dans cette évolution, le judaïsme et les médecins juifs ont occupé une place prépondérante.


Bien qu’elle connaisse un essor récent exponentiel, la chirurgie esthétique est un art qui remonte à la nuit des temps. Certes, les interdits ont jalonné l’histoire de cette spécialité réparatrice. L’Eglise, à travers les siècles, a manifesté son opposition à ce qu’elle considérait comme superflu et la faculté n’a pas été en reste. En 1788, sous prétexte qu’elle était contraire aux intentions divines, la chirurgie réparatrice a été interdite à la faculté de médecine de Paris et, plus récemment, en 1931, le professeur Maurice Garçon pouvait affirmer : « Le médecin qui s’attaque à un corps sain sous un prétexte esthétique sort des attributions que lui confère son diplôme et commet une faute ». Il faudra attendre 1958 pour que le pape Pie XII accorde sa caution morale à la chirurgie plastique.
On peut considérer les Egyptiens de l’époque pharaonique comme des précurseurs de la chirurgie esthétique. L’examen de momies et de papyrus médicaux en témoigne. La civilisation hindoue, qui accordait une grande importance aux nez, a contribué également à l’essor de cette spécialité dans l’Antiquité, tout comme les Mésopotamiens. Et c’est précisément sous le règne d’Hammourabi que les Hébreux commencent à investir la médecine naissante. « Chez les Hébreux, on sait que les médecins qui sont issus de la tribu des prêtres lévites forment une classe à part, les « Rofim » ». « Au sein de la société hébraïque, rapporte Sydney Ohana, le personnage qui fait office de chirurgien est le « rofe ouman » qui assure la guérison à l’aide de ses mains ». Le respect impérieux de la vie chez les Hébreux conduit à l’élaboration de règles strictes d’asepsie très en avance sur leur temps comme le principe d’ébouillanter et de passer par le feu les instruments. Les règles minutieuses de l’abattage rituel, dans un autre domaine, en témoignent. A l’heure où l’on parle de plus en plus de liposuccion, il n’est pas inintéressant d’apprendre que la première lipectomie de l’Histoire a été réalisée par des Hébreux. Le traité Baba Mezia du Talmud narre en effet le cas d’un certain Rabbi Eleazar, souffrant d’obésité à qui on ouvre le ventre pour en retirer plusieurs corbeilles de graisse.
Les Grecs et les Arabes joueront plus tard, au cours des siècles, le rôle de passeurs de ce savoir. « Mais ce seront les médecins juifs qui, depuis l’Espagne, point de contact entre les cultures musulmane et chrétienne, diffuseront en Occident la science et la médecine arabes ». Parmi eux, bien sûr, Maïmonide, qui insista sur « l’importance de la chirurgie plastique dans l’amélioration du bien-être ».
Plus près de nous, voici l’ « empereur de la chirurgie esthétique », Jacques Joseph (1865-1934), fils de rabbin à Berlin et grand visionnaire qui s’orienta vers l’orthopédie, la rhinoplastie et la mammoplastie.
Quant à la fameuse liposuccion, nous apprenons qu’elle a été mise au point en 1977, par Yves-Gérard Illouz .
Comme le dit le professeur Maurice Mimoun : « On ne peut pas vivre sans peau. L’hommesans peau meurt. Mais l’homme mal dans sa peau peut mourir aussi »
Dans cet ouvrage très agréable à lire, émaillé de nombreuses anecdotes, notamment sur les vedettes du cinéma et du petit écran et sur les hommes politiques, Sydney Ohana parcourt les siècles et remonte le temps, nous livrant aux passage des portraits savoureux des grands savants, parfois méconnus : Guy de Chauliac, Gaspare Tagliacozzi, Pierre Franco, Henri de Mondeville, Jean Larrey et tant d’autres, barbiers et chirurgiens, sans oublier le géant que fut Ambroise Paré. Impressionnant et savoureux.

Jean-Pierre Allali

(*) Editions Karen. Janvier 2008. 312 pages. 20 euros
Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance