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Publié le 2 Novembre 2004

Prêcheurs de haine de Pierre-André Taguieff *

Il fallait oser : le dernier ouvrage de Pierre André Taguieff, philosophe et historien des idées, compte 962 pages, bourrées de notes. Il s’agit donc d’une somme sans pareil et en quelque sorte de l’ouvrage de toute une vie. Car les Prêcheurs de haine représentent probablement pas moins d’une vingtaine d’années d’études minutieuses et d’érudition, de lectures multiples et variées, et de larges réflexions autour des questions qui nous interpellent (1).



Cette somme est donc exemplaire à plus d’un titre. D’abord, parce qu’elle couvre une large période historique. Taguieff parle à la fois de la Ligue antijuive vite rebaptisée Ligue des antisémites à l’automne 1879, des dernières déclarations de Dieudonné dans le quotidien belge, La dernière heure, en 2004. Ensuite, le champ géographique qui est couvert par le philosophe est considérable, il s’agit bel et bien d’une traversée de la judéophobie planétaire. Taguieff parle aussi bien de Cuba que de la Syrie ou de l’Irak, de l’ex Union soviétique que des Etats-Unis et/ou de la France. L’étude draine par ailleurs la plupart des courants de pensée. Elle se porte sur les groupuscules, groupes, mouvements, mouvances, fractions, factions, partis : du Socialist Worker’s Party aux jeunesses communistes révolutionnaires (proches de la LCR) en passant par l’UOIF, le Hamas, l’Union du Peuple Russe, l’Union générale des Etudiants de Palestine en France, les Frères musulmans. Et puis, il y a cette multitude d’acteurs, d’hommes politiques, d’intellectuels, de dirigeants, d’entrepreneurs, de prêcheurs qui sont minutieusement scrutés à la loupe : du Premier ministre malais Mohamad Mahatir, au dirigeant du Parti des Musulmans de France Mohammed Ennacer Latrèche ; du leader du FN, Jean-Marie Le Pen au prédicateur Tariq Ramadan ; du terroriste Carlos à Heinrich Himmler. Au-delà des figures emblématiques qui sont étudiées à la loupe, toutes les déclarations, les écrits, les pensées les plus confuses sont méticuleusement décortiquées, annotées, analysées, retournées. Et Taguieff draine une liste sans partage, un inventaire pointilleux des grandes pathologies actuelles, nous voulons parler de l’américanophobie et de la judéophobie. Ce sont donc toutes les fantasmagories, tous les relents moyenâgeux, toutes les passions israélophobes, qui sont pointées du doigt.

Taguieff redoute le «risque de conjonction» entre antisionisme, antiaméricanisme, islamisme et nouvelles radicalités parce qu’une infinité de liens sont tissés entre toutes les mouvances. Taguieff dresse alors une liste troublante des compromissions et des complicités. Il détermine qui fait quoi, pourquoi et avec qui. Les méthodes sont soulignées, les buts sont inventoriés. Rien n’échappe à l’auteur. Et le constat qu’il dresse est accablant et dramatique. D’autant plus troublant que tous les prêcheurs de haine se nourrissent de toutes les trahisons occidentales, de toutes les faiblesses internes à nos démocraties : l’aveuglement, l’ignorance et l’apathie.

Marc Knobel

Note :

1 : Nous rappellerons simplement qu’une esquisse de sa seconde partie a été publiée dans Les Etudes du CRIF (n° 1, été 2003) : « Néo-pacifisme, nouvelle judéophobie et mythe du complot », 35 pages.

* Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire, Editions Mille et une nuits, Paris, octobre 2004, 962 pages, 32 euros.

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