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Publié le 8 Avril 2005

Sauvé par le dessin. Buchenwald Par Walter Spitzer (*)

Après avoir connu le succès que l’on sait dans le domaine de la peinture et du dessin (il a notamment illustré les œuvres de Malraux, Sartre et Montherlant) comme dans celui de la sculpture (il est l’auteur du monument élevé quai de Grenelle, près de l’emplacement du Vel’ d’Hiv), Walter Spitzer se lance dans l’écriture. Avec beaucoup de réussite. Le récit, préfacé par Élie Wiesel, qu’il nous fait de sa déportation est tout à la fois poignant et original.



Né en 1927 à Cieszyn, ville frontalière entre la Pologne et la Tchécoslovaquie, dans une famille juive bourgeoise et traditionaliste, Walter Spitzer se découvre très tôt, à l’âge de quatre ans, une passion pour le dessin. C’est, on le verra, ce qui le sauvera quand il sera, comme des millions d’autres, plongé dans l’enfer des camps.

À Cieszyn, malgré l’antisémitisme ambiant, la vie s’écoule, tranquille, entrecoupée de plages musicales ou ludiques et rythmée par la célébration du chabbath et des fêtes, les escapades à la campagne et les séjours dans les villes d’eau.

Tout bascule le 1er septembre 1939 lorsque l’armée allemande envahit la ville. C’est l’annexion au IIIème Reich. Très vite, c’est l’horreur. La synagogue, le magnifique Tempel, est incendiée, les Juifs doivent désormais arborer un brassard blanc avec une étoile de David bleue, les logements sont réquisitionnés, les objets de valeur confisqués. Afin de rendre la ville judenrein, pure de Juifs, les Juifs sont peu à peu expulsés et regroupés. C’est le début de l’exil et de la catastrophe.

Voici les Spitzer à Strzemieszyce, un shtetl situé à quatre-vingt kilomètres de Cieszyn. Le 21juin 1943, les SS et les miliciens polonais, lors d’une rafle monstre, liquident le ghetto. Walter, qui a perdu son père, Samuel, mort de maladie en 1940 et dont le frère, Harry, la sœur Edith et le neveu, Ernst, ont été fusillés dans une forêt de Slovaquie, est séparé de sa mère, Gretta. Il apprendra pus tard qu’elle a été exécutée par les Allemands près de la ville de Bendzin.

Direction Blechhammer, un camp qui sera, en avril 1943, rattaché à Auschwitz III. Walter Spitzer est désormais le matricule 178 489. Au fur et à mesure de l’avance de l’Armée rouge, les Allemands s’inquiètent. Le camp est évacué. C’est alors l’infernale « Marche de la Mort » qui conduit les déportés rescapés dans l’enfer de Gross-Rosen puis à Buchenwald.

Tout au long de ces terribles mois de déportation, alors que la maladie et la mort rôdent à chaque coin, Walter Spitzer, en proposant opportunément ses dessins, parvient à améliorer son ordinaire. Pour un morceau de pain, des pommes de terre ou une soupe supplémentaire, il croque, au fil des opportunités, ses gardiens, un médecin nazi, un paysan allemand… Mais, surtout, il se fait la promesse de profiter de son art pour fixer à jamais les scènes les plus terribles. La plupart de ses dessins, pieusement camouflés et conservés, sont désormais déposés au musée de Beit Lohamei Haghetaot en Israël.

Lorsque l’armée allemande est enfin défaite, Walter Spitzer, avec son ami inséparable, Coco, alias Jules Fajnzang, a été recueilli par une unité américaine. Bel uniforme et arme au poing, c’est la revanche du petit Juif du ghetto qui finit par rejoindre Paris, la ville-lumière, dont il avait toujours rêvé.

Un très beau témoignage.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Favre. Lausanne. Août 2004. 208 pages.

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