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Publié le 10 Septembre 2015

Amos Gitaï " Ce film est l'occasion d'interroger la société israélienne "

Entretien avec le réalisateur " Rabin, the Last Day ", film sur l'assassinat, en 1995, du premier ministre d'Israël Yitzhak Rabin.

Publié dans le Monde le 10 septembre 2015
Pourquoi, aujourd'hui, consacrer un film à l'assassinat d'Yitzhak Rabin ?
Mon cher pays, que j'aime beaucoup, ne va pas très bien. Lui manque, en particulier, une figure politique qui aurait le courage, je dirais même l'optimisme, en dépit de tout ce qui se passe au Proche-Orient, d'avancer, de tendre la main, de créer un dialogue dans ce monde impossible. Cette absence d'un personnage visionnaire est dramatique. Dans ce contexte, que puis-je faire ? Je ne suis pas un homme politique. J'ai une formation d'architecte et je suis cinéaste. Alors, je me suis souvenu de ce que m'avait dit un jour Jeanne Moreau  : "  Tout nouveau projet est pour moi l'occasion d'apprendre certaines choses que je ne sais pas encore. " J'ai donc décidé de faire ce film. C'était l'occasion de poser une question à la société israélienne
Laquelle  ? Pourquoi Rabin a-t-il été assassiné  ?
Pourquoi, et surtout par qui, nous le savions déjà. Après son assassinat, la commission d'enquête d'Etat qui avait été nommée avait limité son champ d'investigation aux manquements opérationnels. En revanche, elle n'avait pas cherché à analyser le contexte, toutes ces incitations à assassiner Rabin. Elle n'avait pas pris en compte, dans son rapport, les nombreuses forces qui avaient tenté de le déstabiliser pendant de longs mois, ainsi que son gouvernement. Le Likoud - droite - , en particulier, qui avait gagné les élections de 1977, n'avait pas supporté la défaite aux élections de 1992 remportées par Rabin. Cela a déclenché une série de manifestations très violentes contre le projet politique de faire la paix avec les Palestiniens porté par Rabin et par Shimon Pérès...
... C'est Shimon Pérès qui introduit le film. On ne l'a jamais entendu dire les choses ainsi, de manière aussi nette.
Son interview a duré deux heures. Il est vrai que ce qu'il dit est à la fois très clair et très percutant ! Cette histoire du couple Rabin-Pérès est d'ailleurs fascinante : comment une rivalité aussi marquée et ancienne a-t-elle pu se transcender à ce point, jusqu'à vouloir mettre en œuvre un projet d'une telle ambition ? Pour -Israël, l'assassinat de Rabin est différent de ce que représente l'assassinat de Kennedy pour les Américains. Aux Etats-Unis, les protagonistes ont quasiment tous disparu. Alors qu'en Israël, on en est encore au stade de l'éruption volcanique. Une éruption permanente liée au fait que ceux qui ont contribué à instaurer le climat de haine qui a débouché sur l'assassinat de Rabin flirtent aujourd'hui avec le pouvoir. Le risque est que tout ce qui fait l'originalité de la société israélienne finisse par disparaître. C'est pourquoi le cinéma peut aider à laisser des traces. Je fais confiance à la mémoire. Je crois aux idées. Espérant qu'un jour les choses finiront par s'arranger... Lire l'intégralité dans le Monde du 10 septembre 2015.
CRIF