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Publié le 9 Juin 2015

Daesh - « État islamique », cancer d'un monde arabo-musulman en recomposition - un conflit international long et incertain, par Gérard Fellous (*)

Un livre essentiel pour la compréhension du « phénomène » Daesh.
 

Une recension de Jean-Pierre Allali
Horrible avec un grand H, Ignoble avec un grand I, Révoltant avec un grand R. Tels sont quelques-uns des qualificatifs qui viennent à l'esprit à la lecture de cette remarquable enquête de Gérard Fellous sur le fléau de notre époque, véritable cancer mondial pour reprendre le sous-titre de l'ouvrage : L' État islamique alias Daesh. On pourrait y ajouter, glanés au fil des pages et des têtes de chapitre : barbarie, terreur, idéologie rétrograde et violente, inhumaine, dégradante, massacres religieux, persécutions, épuration ethnique, trafic d'êtres humains, racket, pillages de banques, pillage du patrimoine culturel et archéologique...
Expert et consultant auprès des Nations unies, de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe et de l'Organisation internationale de la Francophonie, le journaliste Gérard Fellous, qui a été Secrétaire général de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme sous neuf Premiers ministres, de 1986 à 2007, a puisé aux meilleures sources pour réaliser son étude géopolitique qu'on peut, sans exagération, qualifier de magistrale tant elle est précise, pointilleuse et diversifiée.
Sous l'autorité d'Ibrahim Ibn Aouad alias Abou Bakr Al-Baghdadi Al Husseini Al Qürashi, calife autoproclamé, et profitant de l'échec quasi général des « Printemps arabes », Daesh a vocation a instaurer, sous la houlette du salafisme, un califat à l'échelle planétaire. Avec plusieurs dizaines de milliers de combattants, venus des quatre coins du monde dont quelque 2000 venus de France et même quelques centaines venus de Chine, recrutés parmi les dix millions d'Ouïgours musulmans que compte la République populaire. En 2015, Daesh contrôle un territoire réparti entre l'Irak et la Syrie représentant à peu près la superficie de la Grande-Bretagne. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des visées au Liban, en Libye, en Jordanie, au Yémen et au Maghreb où des cellules sont implantées en attendant le moment favorable pour une extension.
Pour recruter ses combattants, musulmans, convertis et candidats à la conversion, Daesh utilise avec une dextérité hors du commun, les moyens modernes de communication : Google, Facebook et You Tube, Twitter et Instagram. Il met à son profit les smileys et les hashtags comme les séries américaines dont les jeunes sont friands. C'est le « cyberjihad ». Daesh dispose d'organes spécialisés comme l'agence « Al Hayat Media Center » et d'un magazine, « Dabiq ».
Si les ennemis déclarés de Daesh sont, par excellence, le grand satan - les États-Unis - et le petit satan - Israël et les Juifs ( dont le sort - ils devront revenir au statut de dhimmis, citoyens de seconde zone - sera réglé plus tard), l'Occident en général est visé, tout comme les Chiites considérés comme des Musulmans au rabais voire comme des infidèles et même certains traîtres sunnites, les minorités chrétiennes d'Orient, les Turcomans, les Shabaks , les Kurdes, les Alévis ou encore les Yézidis. La Russie (une vidéo datée du 30 septembre 2014 postée sur You Tube, menace directement Vladimir Poutine) et la Chine sont, de manière plus lointaine, en ligne de mire tandis que l'Iran et la Turquie, maintiennent une position hypocrite.
L'action meurtrière et mortifère de Daesh se chiffre désormais en milliers de victimes. Ainsi, selon l'OSDH, Observatoire Syrien des Droits de l'Homme, entre l'instauration du Califat le 28 juin 2014 et le 28 décembre de la même année, on dénombre 1878 victimes. En Irak, pour le seul mois de novembre 2014, on dénombre 1770 victimes. Dans le même temps, il y a eu 786 morts au Nigeria et 782 en Afghanistan. Parallèlement un trafic continu d'otages et d'esclaves rapporte des millions de dollars à l'organisation. Sans oublier l'exploitation pétrolière sauvage et la vente en contrebande, y compris, semble-t-il, à l'Occident, du produit de ces rapines.
Les nations s'émeuvent, l'ONU se mobilise, une coalition internationale composée de 62 pays et entités bombarde méthodiquement les positions de l'État islamique. Le Pape François proteste et, en France, le Grand Rabbin Korsia comme le Conseil Français du Culte Musulman condamnent fermement Daesh. Mais, en vérité, le monde semble impuissant. Directeur de l'ICSR (Centre International d'Études sur la Radicalisation et la Violence politique), le politologue Peter Neuman estime qu'« il faut cesser de croire qu'on en viendra à bout uniquement militairement. Des moyens politiques, économiques et sociaux sont nécessaires pour la combattre. Ce sera très compliqué et long ». Comme en écho, Bruce Riedel, ancien responsable de la CIA, considère que « L'État islamique est la réincarnation du pire cauchemar de l'Amérique » et estime que « Nous prenons part à un conflit sans savoir comment il va finir ».  Des lendemains difficiles attendent, hélas, l'humanité. Peut-être même une 3e Guerre mondiale !
Un livre essentiel pour la compréhension du « phénomène » Daesh.
Note :
(*) Éditions L'Harmattan. Février 2015. 276 pages. 25 euros.

CRIF