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Publié le 28 Février 2012

L’arbre à vœux, par Ami Bouganim (1)

Véritable touche-à-tout, Ami Bouganim est l’archétype de l’écrivain éclectique capable de passer de biographies d’hommes célèbres (1) à des romans et des contes souvent empreints de mysticisme (2). Sans oublier l’humour et même, à l’occasion, une forme de guide touristique (3). Son nouveau roman est à l’image des petits joyaux d’écriture auxquels ils nous a, au fil des ans, habitués.

Rocambolesque et sympathique

Son héros, Ari le Second, fils d’une Juive marocaine et d’un Juif roumain, vit, tout naturellement, à Safed, lieu de mémoire, de ferveur et de recueillement, s’il en fut. C’est là que repose Itshak Louria, Ari Zal le Premier, le Lion dont la tombe est l’objet de toutes les ferveurs.

 

Très jeune Ari II se révèle curieux de tout, questionnant sans relâche sa mère, Madeleine (Ses parents, au Maroc, nous dit Bouganim, adoraient Proust ! Bizarre, bizarre…). Plus tard, il parcourt le monde comme le font presque tous les jeunes Israéliens après leur service militaire.

 

La mort de sa mère sera pour lui un véritable choc. Il plonge dans la mélancolie, hante les cimetières et squatte un arbre, « l’arbre à vœux » où les pèlerins viennent, comme au Kotel de Jérusalem, déposer leurs requêtes écrites.

 

Au fil des jours, avec la complicité active des Nahnahs, entendez d’anciens brigands devenus des adeptes de rabbi Nahman de Breslaw, Ari se transforme peu à peu en un véritable gourou qu’on vient consulter et dont les avis font autorité.

 

Le récit, savoureux, se déjante littéralement lorsqu’une dévote, Dana, ancienne prostituée, tombe amoureuse du rabbi, lui demandant de bien vouloir être le géniteur de son enfant. Ari II, assez porté depuis l’adolescence, sur le sexe, accèdera à la demande. Ainsi naîtra une petite Madeleine. Bien qu’Ari ne rendre visite à sa concubine, que le chabbat, cette entorse aux bonnes mœurs sera suivie de plusieurs autres. Après Dana, Ari va s’éprendre de Lital, une comédienne qui a vécu à New York et, qui, à son tour, demandera à bénéficier de la semence du « Rav ». Le ménage à trois deviendra ménage à quatre avec Mali, une Falashmura noire comme l’ébène et suave à souhait puis à cinq avec l’arrivée d’une milliardaire blonde aux yeux bleus, évangéliste de surcroît, Selma. Un « saint » et ses quatre « épouses » avec une dizaine d’enfants. L’histoire, déjà loufoque, aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur l’imagination débordante de l’auteur. Selma investit sa fortune dans un projet de Sanctuaire des religions du monde qu’on bâtirait à Meron, sur les lieux mêmes de la sépulture du vénéré Shimon Bar Yohaï. Trop, c’est trop et le gouvernement comme la police vont s’en mêler.

 

À 36 ans, Ari II va connaître une fin dramatique. Rocambolesque et sympathique.

 

(1) Éditions Avant-Propos. Février 2012. 176 pages. 14,95 euros.

(2) Notamment Walter Benjamin (voir notre recension dans la Newsletter du 02-01-2008), H. Cohen, A.D. Gordon, Theodor Herzl, Yeshayahou Leiboxitz, Maïmonide, Franz Rosenzweig et J. Soloveitchik.

(3) Des « Récits du Mellah » (Éditions Jean-Claude Lattès, 1981) à « Asher le Devin et autres contes de Fès » (Éditions Albin Michel, 2010. Voir notre recension dans la Newsletter du 10-12-2010).

(4) « Tel-Aviv sans répit ». Éditions Autrement, 2009. Voir notre recension dans la Newsletter du 26-10-2009.