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Publié le 30 Septembre 2015

"l'Antijudaïsme : la tradition occidentale", un livre de David Nirenberg

Du Nouveau Testament à Goebbels, les mêmes clichés ont participé à l’extension de la calomnie.

Par Michael Walzer, publié dans le Nouvel Observateur le 27 septembre 2015
Le livre : "Anti-Judaism : the Western Tradition" ("l'Antijudaïsme : la tradition occidentale"), Norton, 2013, 610 pages. 
L'auteur : David Nirenberg est un historien américain, spécialiste du Moyen Âge en Europe et au Proche-Orient. Il s'intéresse en particulier aux relations entre chrétiens, juifs et musulmans. Il est professeur à l'université de Chicago.
Compte-rendu publié par Michael Walzer dans "The New York Review of Books" le 20 mars 2014, il a été traduit par Arnaud Gancel pour le magazine "BoOks", qui consacre son dossier d'octobre 2015 à "l'Histoire de l'antijudaïsme"
En 1844 paraissait l’article de Karl Marx intitulé «Sur la question juive». Ce texte ne traitait ni du judaïsme ni de l’histoire de ce peuple, ni même de la sociologie des Juifs allemands. Prenant prétexte du débat alors en cours sur l’émancipation des Juifs, il avait pour véritable objet d’appeler au renversement de l’ordre capitaliste. Le langage dans lequel cet appel était formulé ne surprendra sans doute pas le lecteur d’aujourd’hui, et il était assurément familier à celui du XIXe siècle. Il n’en est pas moins étrange. Le capitalisme est identifié au judaïsme, ce qui amène Marx à écrire que l’abolition du premier consistera à «émanciper l’humanité du judaïsme». L’argument mérite d’être cité, ne serait-ce que brièvement : « Le Juif s’est émancipé d’une manière juive, non seulement en se rendant maître du marché financier, mais parce que, à travers lui et sans lui, l’argent est devenu une puissance mondiale, et l’esprit pratique juif, l’esprit pratique des peuples chrétiens. Les Juifs se sont émancipés dans la mesure même où les chrétiens sont devenus juifs.»
« À travers lui et sans lui » – en fait, principalement sans lui : comme Marx le savait sans doute, les Juifs ne représentaient qu’une minuscule partie de l’élite fortunée d’Angleterre, le pays capitaliste le plus avancé, et une fraction plus infime encore de la bourgeoisie allemande «montante». Son propre père s’était converti au protestantisme pour faciliter son intégration dans la bonne société, où les Juifs n’étaient pas les bienvenus au début du XIXe siècle.
Pour David Nirenberg, qui l’explique dans un livre à la fois brillant, fascinant et profondément déprimant, Marx ne fait ici que perpétuer la démarche adoptée par une foule d’auteurs au cours de la longue histoire de l’Occident. Avec ce texte, il «s’approprie de manière stratégique le langage le plus terriblement infamant dont dispose un critique des pouvoirs et institutions de ce monde.» 
Cette phrase est tirée d’un développement de Nirenberg sur Martin Luther, mais elle s’applique tout aussi bien à Marx. Ce langage devrait néanmoins, chez lui, nous surprendre davantage que chez Luther, non seulement en raison de ses origines juives, mais aussi parce qu’il prétendait contester radicalement l’idéologie dominante de son temps. Il aurait pu, explique Nirenberg, remettre en cause l’assimilation du judaïsme au capitalisme, et écrire une histoire critique afin d’éveiller l’esprit de ses lecteurs sur cet amalgame. Il préféra exploiter «les vieilles idées et les vieilles peurs concernant les Juifs»... Lire l'intégralité
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