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Publié le 21 Octobre 2013

Le Christ Juif, à la recherche des origines, par Daniel Boyarin

Voici un ouvrage que je classerais volontiers au registre des œuvres servant magistralement le dialogue entre Juifs et Chrétiens. Je préfère écrire ces quelques lignes en guise de témoignage plutôt que de prétendre à une recension, me situant davantage au niveau de l’affectif plus qu’à celui de l’analyse scientifique.

Tout au long de son étude, l’auteur, rabbin américain, marque un très grand respect pour le mouvement chrétien né au sein du judaïsme

Tout au long de son étude, l’auteur, rabbin américain, marque un très grand respect pour le mouvement chrétien né au sein du judaïsme ; s’il s’insurge souvent contre des propositions réductrices, il est honnête quant à sa vision sur la personne de Jésus : « Que l’on me permette d’être ici très clair : je ne nie aucunement la validité de la conception chrétienne de la question. Il s’agit certainement d’une matière de foi et non de recherche. Je la nie comme une explication historique, scientifique et critique. » Page 185 note 1.

 

Son projet est de reconnaître les caractéristiques d’un Messie annoncé au sein des Écritures : celui qui a reçu l’onction et que l’on nomme Christ. Pour ce faire, en quatre petits chapitres, il repère les traits communs à ce Christ annoncé et attendu et à ce Jésus qui, né dans ce contexte d’attente messianique, va être suivi par nombre de Juifs ses contemporains [et bien au-delà dans le temps et l’espace] (1).

 

« Le Fils de l’homme » est une expression créée par Daniel en son chapitre 7 qui déjà 150 ans avant notre ère imagine un envoyé de Dieu venu de Dieu chez les hommes. Il est une « théophanie » manifestation de Dieu dans l’humanité alors que pour d’autres cet envoyé serait seulement un homme adopté par Dieu dans une « apothéose » [semblable à celle d’Élie ?]. Par sa théophanie Daniel rejoint en fait d’autres courants religieux bien concrets hors du judaïsme. Ce Messie est : roi humain, Rédempteur divin, en Jésus il est même maître du sabbat ; conceptions qui deviennent viables au sein du judaïsme. Et déjà apparaît la conception d’un Dieu à la fois Père et Fils.

 

Deux livres [accessibles dans la collection Bibliothèque de La Pléiade. La Bible. Écrits Intertestamentaires. Gallimard 1988] légèrement plus proches de nous au 1er siècle de notre ère, 1er Livre d’Hénoch et 4ème livre d’Esdras corroborent la christologie de Daniel. L’auteur s’appuie aussi sur un ouvrage à la source de nos évangiles appelé Marc, [Marc intermédiaire selon le Père Boismard, lui aussi chercheur des origines des écrits].

 

Une autre référence de la plus grande importance dans la vie d’un Juif, celle de la nourriture, c’est avec le chapitre 7 de l’évangile de Marc que D. Boyarin s’applique à montrer un Jésus en totale conformité avec les coutumes religieuses de son milieu y compris la « cacherout » ; oui Jésus mangeait « casher », mais il manifestait son refus de lois tatillonnes apportant la confusion, sans cesse mises en avant par un mouvement pharisien obnubilé par le pur et l’impur !

 

Pour finir, une autre notion commune au Judaïsme et au Christianisme, la figure d’un « Christ Souffrant ». D. Boyarin propose un midrash (2) sur Daniel le mettant en lien avec les chapitres 8 et 9 de l’évangile de Marc à propos de l’humiliation du Fils de l’homme et de l’antériorité des Écritures à son sujet [à considérer comme annonces prophétiques]. L’une d’elle, majeure, est la référence au Serviteur Souffrant d’Isaïe.

 

Qu’en est-il alors de la divinité de Jésus de Nazareth ? Ce n’est pas le propos de notre auteur, il laisse aux chrétiens, dont je suis, de répondre au nom de leur foi. Aussi cet ouvrage me met en piste pour étudier une autre de ses œuvres parue en français, en juin 2011, relatant le parcours vécu par les chrétiens d’origine juive au sein du judaïsme, en toute harmonie, jusqu’à la rupture marquée par le Concile de Nicée [La partition du judaïsme et du christianisme. Cerf. Patrimoine, judaïsme. 447 pages. 48€].

 

Le Christ Juif, à la recherche des origines, par Daniel Boyarin (Cerf, septembre 2013) 190 pages 19€

Traduit de l’anglais (américain) par Marc Rastoin, avec la collaboration de Cécile Rastoin

Préface du Cardinal Philippe Barbarin

 

Michel Bonemaison

 

Notes :

1. Ce que je mets entre crochets est ma propre appréciation au-delà de l’écriture de l’auteur.

2. À plusieurs reprises l’auteur invite ses lecteurs à lire les Évangiles comme des midrashim chrétiens, le midrash étant un genre littéraire propre au rabbinisme, ce en quoi il honore à nouveau la valeur des documents de la mouvance chrétienne.