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Publié le 3 Septembre 2012

Les écrivains français du XXème siècle et le destin juif... Par Michaël de Saint-Cheron (*)

L'excellente revue que dirige Marc Knobel continue de nous proposer, au fil des ans, des sujets aussi divers qu'intéressants. Écrivain de talent, biographe d'Élie Wiesel, proche d'André Malraux, Michaël de Saint Cheron est proche du CRIF, membre notamment de la Commission des relations avec les ONG, les syndicats et le monde associatif. 

Dans l'étude qu'il nous propose, une fois n'est pas coutume, c'est plus le côté littéraire que le côté politique qui est abordé. Encore que ce dernier côté finisse toujours par resurgir, conflit israélo-palestinien oblige. Comme le fait remarquer l'auteur en préambule, « la littérature française occupa une fonction capitale en France dans le rapport de la nation avec les Juifs depuis le « J'accuse » de Zola (février 1898) jusqu'aux derniers écrivains majeurs du XXème siècle, Blanchot, Semprún, Kundera et quelques autres... ».

 

C'est précisément parmi ces auteurs essentiels que Michaël de Saint Cheron a choisi les témoins de sa belle étude. Des chrétiens, Péguy, Claudel et Mauriac, mais aussi des agnostiques ou athées : Sartre, Camus, Yourcenar, Blanchot et Semprún. Parlant de Péguy dont il retrace pas à pas le parcours spirituel, l'auteur considère que « la rencontre de Péguy avec le fait juif est un moment fondamental de la littérature française du XXème siècle, de la littérature européenne et de celle qui s'est écrite en chrétienté, même si la chrétienté ne l'a pas reçue à son époque ». Paul Claudel, avant son revirement, considérait que « les Juifs tiennent en otage l'humanité, les goïm, et seule leur conversion pourrait mettre fin à cette épouvantable tragédie... ». On le sait, il évoluera et, dit Saint Cheron, «  les pages du poète sur la « résurrection » du peuple juif et son retour sur la Terre Sainte sont tout simplement confondantes... ».

 

François Mauriac nous est conté notamment à travers son dialogue avec Élie Wiesel. Pour ce qui est de Sartre dont chacun garde en mémoire les « Réflexions sur la question juive », ouvrage de référence malgré ses insuffisances, l'auteur nous rappelle qu' « à compter de la Guerre des Six Jours, Sartre demeura un allié sûr d'Israël ». Et voici aussi Camus qui « fait partie des écrivains majeurs qui, sans avoir écrit un livre spécifique en rapport avec le domaine juif, n'en furent pas moins proches des Juifs, ses contemporains... » « Même s'il mourut trop tôt pour pouvoir accomplir le voyage ». Le rapport de Marguerite Yourcenar avec le judaïsme est peu connu. On ne le trouvera d'ailleurs pas dans son œuvre, mais à la périphérie. Ainsi l'importance qu'elle attachait au mouvement hassidique et qui transparaît dans nombre de ses lettres. Elle parlait aussi à ses proches de la « bonté juive ».

 

Maurice Blanchot, mort en 2003 à l'âge de 95 ans, s'il collabora à des revues d'extrême droite, aimait dire que Levinas était son plus ancien ami, le seul qui l'autorisait d'un tutoiement. Pour sa défense, de Saint Cheron nous invite à lire et à relire son essai « Être Juif ».

 

C'est par un regard sur Jorge Semprùn que s'achève cette remarquable étude. Semprùn, le rescapé de Buchenwald qui consacra quatre livres à la déportation.

 

Un travail très documenté et très intéressant.

 

Jean-Pierre Allali

 

 

(*) Les Études du CRIF n°23. Juin 2012. 56 pages. 10 euros.

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