Pour résister à l'engrenage des extrémismes, des racismes et de l'antisémitisme, sous la direction d'Alain Chouraqui (*)

Une recension de Jean-Pierre Allali
Président fondateur de la Fondation du Camp des Milles, Directeur de recherche au CNRS, Alain Chouraqui, dans ce livre qu'il coordonne, se propose, à travers l'histoire exceptionnelle du Camp des Milles, haut lieu de mémoire européen et espace dynamique d'éducation et de culture, de porter un regard général sur le racisme, l'antisémitisme et les génocides qui ont ensanglanté la planète à travers les siècles.
Seul grand camp français d'internement et de déportation conservé et accessible au public depuis 2012, le Camp des Milles a vu passer dix mille internés venus d'une quarantaine de pays, dont de nombreux artistes et intellectuels comme Lion Feuchtwanger ou Max Ernst.
Dans son prologue, Simone Veil, tout en soulignant le caractère unique de la Shoah, fait remarquer que cependant « l'enseignement de la Shoah n'est pas non plus un vaccin contre l'antisémitisme ni les dérives totalitaires, mais il peut aider à forger la conscience de chacun et chacune... ».
Tout en reconnaissant l'unicité de la Shoah (1939-1945), Alain Chouraqui a fait le choix d'élargir sa préoccupation et celle du Site des Milles aux autres crimes à caractère génocidaire du XXème siècle : le « tseraspanoutioun » des Arméniens (1915-1916), le « samudaripen » ( 1939-1945) des Tsiganes et « l'itsembabatutsi » des Tutsis au Rwanda (1994). Il faut espérer que d'autres catastrophes génocidaires prendront place dans ce lieu exceptionnel de mémoire. On pense notamment au génocide méconnu des Assyro-chaldéo-syriaques (1) concomitant mais distinct de celui des Arméniens, à celui du Cambodge, aux Héréros du sud-ouest africain et à tous ceux répertoriés dans l'Encyclopédie Mondiale des Génocides (2).
Commentant l'actualité la plus récente, Alain Chouraqui écrit : « Le prochain pouvoir autoritaire et raciste ne se repérera plus par une mèche noire ou une petite moustache, c'est le rejet de l'islamisme qui a pris le relais du colonialisme pour alimenter des amalgames racistes anti-arabes, et c'est un certain antisionisme qui rejoint les chemins séculaires  de l'ignorance et de la jalousie pour nourrir et unir aujourd'hui les antisémites de tout poil ». Des propos qui seront probablement diversement appréciés.
De nombreuses illustrations agrémentent cet ouvrage intéressant.
Notes :
(*) Éditions du Cherche Midi. Mai 2015. Prologue de Simone Veil. Préface de Jean-Paul de Gaudemar. 192 pages. 16,90 euros.
(1)       Lire à ce propos l'ouvrage récent de Joseph Yacoub, « Qui s'en souviendra ? 1915. Le génocide assyro-chaldéen-syriaque. Éditions du Cerf, 1915. Voir notre recension dans la Newsletter du CRIF en date du 8 juin 2015.
(2)       « Le livre noir de l'Humanité » sous la direction d'Israël W. Charny. Éditions Privat, 2001.