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Publié le 1 Juillet 2013

Vichy, la pègre et les nazis, par Isaac Lewendel avec Bernard Weisz (*)

Voici un livre remarquablement documenté dont la lecture s'avère parfois insoutenable. Les auteurs, qui ont consulté des centaines de dossiers de procédures judiciaires pour étayer leur thèse, nous montrent comment, au quotidien, pendant les années noires de l'Occupation allemande, les Juifs de Provence et plus particulièrement ceux d'Avignon, ont été traqués, rançonnés, spoliés et, pour nombre d'entre eux, conduits vers la mort.

On découvre avec stupéfaction et une indignation rétroactive comment les Allemands qui ne disposaient pas des effectifs nécessaires dans leur chasse aux Juifs et aux résistants, ont utilisé la pègre locale, de grands et de petits truands, tout un monde interlope de tenanciers de maisons closes, de trafiquants et de voleurs, pour parvenir à leurs fins. Pour décrire cette engeance, les auteurs utilisent une expression qui en dit long : « la racaille à l'état pur ». Ainsi en était-il, notamment, de la « bande à Palmieri ». Quant au sinistre Commissariat général aux questions juives, il est, fort justement, présenté comme « la crapulerie légalisée ». Les portraits de certains dirigeants pro-nazis de l'époque font froid dans le dos. On pense à Henri de Camaret, délégué du CGQJ pour le Vaucluse, à Jean Lebon, « auteur d'un impressionnant tableau de chasse », à Régis de Bonnet d'Oléon, chef de la Légion française des combattants du Vaucluse et à tant d'autres. En résumé, « un réseau de profiteurs de biens juifs patronné par l'État ». Du côté des Allemands, les figures de Wilhelm Müller, chef du SiPo-SD d'Avignon et de son quasi homonyme, le commandant SS Rolf Mühler font froid dans le dos. Pourtant, à la Libération, force est de constater que la justice fit peu de cas des crimes commis contre les Juifs. Si quelques assassins furent abattus lors d'opérations et si certains furent condamnés à mort et exécutés, nombreux sont ceux dont les peines furent rapidement réduites et la grâce prononcée dans les années soixante.

 

Un travail salutaire qui démontre, si besoin était, que l'histoire globale de la Shoah ne peut se comprendre sans l'apport des histoires locales, région par région, pays par pays, de tous les points du globe où opéra et sévit la bête immonde.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Nouveau Monde. Préface de Serge Klarsfeld. Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Avril 2013. 448 pages. 24 euros.