3 Questions à Maxime Perez journaliste en Israel - spécialiste des affaires militaires

22 Juin 2015 | 1025 vue(s)
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Israël

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Maxime Perez est journaliste, correspondant pour la presse française en Israel et spécialiste des affaires militaires pour la chaine i24News.
Marc Knobel Directeur des Etudes du CRIF à confié à Maxime Perez le soin de présenter une étude sur l'Opération Bordure Protectrice.

Maxime Perez, vous êtes correspondant de la presse française en Israël et dans les territoires palestiniens depuis juillet 2006. Vous avez notamment couvert la seconde guerre du Liban et tous les conflits à Gaza depuis l’opération « Plomb durci », de décembre 2008 à janvier 2009. Vous avez également participé au lancement de la chaîne i24 News, à Tel Aviv, dont il est actuellement le spécialiste des affaires militaires. Et, vous publiez pour le 35ème numéro de la collection des Etudes du CRIF, un récit intitulé: "L’opération « Bordure protectrice » à Gaza : JOURNAL D’UNE GUERRE DE 100 JOURS." De quoi s'agit-il? Et, comment s'articule votre récit?

Je raconte les évènements de l’été dernier tels que je les ai vécus et ressentis. J’y expose aussi le point de vue israélien à travers le regard d’hommes et de femmes que j’ai rencontrés sur le terrain, parfois des soldats de Tsahal. Parce que j’ai été un observateur privilégié de cette opération, je m’efforce de retranscrire le plus fidèlement possible ce qu’a enduré la population de tout le pays. Ce qu’elle a pensé aussi, sa colère et ses doutes après l’instauration des premiers cessez-le-feu et leur violation systématique, ou encore face aux atermoiements du cabinet de sécurité qui, jusqu’au bout, aura empêché l’armée d’élargir son offensive au sol. 
Il faut bien comprendre que la guerre à Gaza a plongé des millions d’Israéliens, de Sdérot à Haïfa, sans oublier Tel Aviv et Jérusalem, dans une tension permanente du fait des alertes antimissile. Le front ne se limitait pas à Gaza et sa frontière. J’ai aussi voulu montrer que si l’opération « Bordure protectrice » a été l’élément central du dernier conflit avec le Hamas, celui-ci a en réalité débuté le 13 juin 2014, avec le kidnapping et le meurtre de trois adolescents israéliens. Il s’est achevé, symboliquement, cent jours plus tard, avec l’élimination à Hébron de leurs assassins, Marouane Kawasme et Amar Abu Aïcha. La boucle était ainsi bouclée.   

 

Vous étiez en première ligne sur le front. Vous racontez également ce qu'il en a été lorsque Tel Aviv a été bombardé par des roquettes. Vous intitulez ce chapitre "Tel Aviv sous les bombes". Vous parlez également de guerre psychologique. Que voulez-vous dire? Et comment avez-vous perçu l'âpreté de ce conflit?

Frapper Tel Aviv, la plus importante ville d’Israël, celle qu’on surnomme « la bulle » par ce qu’elle est toujours épargnée par les conflits, était un objectif de guerre déclaré pour le Hamas et le Jihad islamique. Les factions palestiniennes mesuraient parfaitement l’impact sur l’opinion israélienne d’une attaque contre Tel Aviv. Dans un conflit asymétrique, ces paramètres comptent et mettent une pression considérable sur le gouvernement. 
Même si les batteries antimissile ont neutralisé toutes les roquettes prenant la direction de zones habitées, les islamistes de Gaza ont réalisé ce que les armées arabes n’étaient plus parvenues à faire depuis la guerre d’indépendance, en 1948. Deux millions d’Israéliens vivent et travaillent à Tel Aviv au quotidien. A chaque alerte, c’est le centre névralgique du pays qui s’immobilisait et retenait son souffle. En cela, le conflit a été difficile à vivre pour l’arrière-front, surtout qu’en juillet-août, les enfants sont en vacances.

 

Pensez-vous qu'un énième conflit est possible entre Israël et Gaza? Comment les autorités israéliennes se préparent-elles à affronter le pire? Et, à la frontière nord, estimez-vous qu'Israël doit craindre une offensive du Hezbollah ou des djihadistes de Daech qui, chaque jour, se rapprochent de la frontière israélienne?

A Gaza, rien n’est réellement réglé, et Israël considère que le maintien au pouvoir du Hamas reste son intérêt. C’est la logique du moins pire qui est à l’œuvre, aussi absurde que cela puisse paraitre. Il ne fait aucun doute que le cessez-le-feu actuel est temporaire et que le Hamas s’en sert pour se réarmer et rebâtir des tunnels, quitte à ne pas provoquer Israël pendant encore quelques années. Mais attention, les salafistes de Gaza défient de plus en plus l’autorité du Hamas à Gaza et tirent sporadiquement des roquettes contre les villes du sud d’Israël pour provoquer une situation d’escalade. A première vue, ce phénomène fait d’Israël et du Hamas des alliés objectifs. Mais en réalité, cela ne fait qu’accélérer le compte-à-rebours vers un nouveau conflit. 
Concernant la situation au nord, Israël voit aujourd’hui le Liban et la Syrie comme un seul et même front du fait de la présence du Hezbollah. L’arsenal de 100.000 roquettes et missiles aux mains de la milice chiite représente une puissance de feu apocalyptique. Elle fait peser une menace stratégique sans précèdent sur Israël et du point de vue de l’état-major de Tsahal, on a conscience qu’un conflit généralisé avec le Hezbollah entrainerait la mort de centaines, voire de milliers de civils israéliens, ce qui serait sans précèdent depuis la guerre de 1973. L’armée considère qu’à terme, un tel conflit est inévitable, d’autant que l’issue proche du dossier du nucléaire iranien peut en être le catalyseur. Pour éviter ce scénario du pire tout en s’y préparant, elle mise sur la dissuasion en multipliant les manœuvres d’envergure et les messages d’avertissement au Liban. Pour l’instant, Israël observe que le Hezbollah est embourbé en Syrie et à la frontière libano-syrienne où il tente de contenir les djihadistes du Front al-Nosra. Déclencher une guerre contre Israël serait suicidaire pour Nasrallah. Au vu de la situation régionale, il faut toutefois se garder de tout pronostic. Par ailleurs, Tsahal n’exclut d’avoir très bientôt à combattre contre l’Etat islamique. Les renseignements militaires ont déjà identifié des dizaines de cibles en territoire syrien si Daech venait à s’approcher du Plateau du Golan.