Blog du Crif - "Repartir de zéro" : une histoire juive égyptienne

19 Septembre 2020 | 405 vue(s)
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Lundi 17 septembre, à l’occasion de la projection privée du film « Repartir de zéro, une histoire juive égyptienne* » organisée par les Amis du Crif, je découvrais cet incroyable documentaire réalisé par Ruggero Gabbai et produit par Elliot Malki.

 

"Starting over again" est un documentaire humain et authentique, à l’instar des témoignages qui nous sont présentés.

Ce documentaire, c’est une sorte de voyage dans le temps. Le spectateur assiste à plusieurs témoignages, au récit de plusieurs histoires, qui se mêlent pour n’en former qu’une : l’Histoire des juifs d’Égypte de 1940 à 1956.

Mais quelle est donc cette Histoire ? 

L’Histoire des juifs d’Égypte est tout d'abord une histoire de tolérance, de joie, de coexistence entre les différentes communautés. Des souvenirs chéris qui provoquent aujourd’hui encore une douce nostalgie auprès des juifs d'Égypte.

L’Égypte des années 1940, c’est une Égypte multiculturelle. Égyptiens, Anglais, Italiens, Grecs, Français, Arméniens, Juifs, Chrétiens et Musulmans cohabitent en paix. L’autre c’est un voisin ou un ami d’école. La tolérance y est une valeur essentielle.

Ce pays offre aussi un cadre de vie merveilleux. Le film débute ainsi sur des adresses de cafés au Caire : Groppi, Aux Champs Élysées, les anecdotes des cabines de plage à Alexandrie, les balades à vélo le long du Nil, qui traduisent la vivacité des souvenirs de chacun. La vie culturelle y était également foisonnante. Le cinéma en plein air reste pour la plupart une expérience mémorable.

Sur trois générations de juifs installés en Égypte, deux y sont nées. L’Égypte c'est avant tout chez eux, leur foyer.

Mais lorsque les choses se compliquent, soudainement et brutalement, sans que personne ne les voit venir, cette histoire devient celle de l'exil forcé de toute une communauté.

Dès 1948, la situation des juifs d’Égypte change radicalement.

  • 15 Mai 1948 : Suite à la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël, la guerre israélo-arabe éclate. Près de 10 000 égyptiens sont envoyés au front. La communauté juive d’Égypte pâti de la situation.
  • 1952 : Gamal Abdel Nasser organise le renversement de la monarchie, et participe à la destitution du roi Farouk. Il devient le vice-président adjoint de Mohammed Naguib, premier président de la République d'Égypte.
  • 23 juin 1956 : Nasser devient président. Ce dernier nationalise la compagnie du canal de Suez et de nombreux autres commerces et sociétés. La France, l’Angleterre et Israël entrent alors en guerre contre l’Égypte. Lorsqu’ils renoncent à cette guerre, les anglais et les français sont expulsés d’Égypte. Les juifs, pillés et menacés, sont eux contraints de partir.

Ces événements bouleversent le quotidien de la communauté juive d’Égypte. Certains perdent les droits sur leurs sociétés, nationalisées par Nasser, et ne peuvent plus subvenir aux besoins de leurs familles. D’autres sont menacés, humiliés, pillés dans leur propre maison.

Ils réalisent progressivement que les choses changent.

Partir, partir … Il faut partir. Alors les juifs d’Égypte se préparent à tout quitter. Certains vendent leurs bijoux de famille dans l’attente de papiers. Les enfants continuent d'aller à l'école, sans savoir s'ils y retourneraient le lendemain. L'avenir est devenu incertain.

Les départs sont difficiles, éprouvants, discrets. Ils se font en cachette. Les juifs quittent l'Égypte pour aller en Europe, aux États-Unis, ou « chez nous », en Israël (il leur était impossible de désigner Israël comme destination à la douane).

Sur le bateau, les yeux pleins de larmes, ils sont tournés vers une terre qu’ils ne sont plus sûrs de revoir un jour.

Nombre d'entre eux sont encore très attachés à l’Égypte qu’ils ont connu. Ainsi, à l’unanimité, ils ont été transportés de joie à l’annonce des Accords d’Oslo de 1993, et des accords de paix entre Begin et Al Sadate. La frontière avec l’Égypte n’était plus infranchissable. Certains y sont même retournés sur les traces de leur passé, à la recherche de leurs vieux amis.

 

Ces témoignages, tous s'accordent à dire qu'ils rendent Hommage à toute une partie de la communauté juive égyptienne, aux parents et aux grands-parents de ceux qui s’expriment aujourd’hui et qui ont vu leur vie totalement changée en l’espace de quelques mois. C'est un hommage à ceux qui ont dû tout quitter.

De ces épreuves ils ressortent la tête haute et porteur d’une belle leçon de vie : détermination, courage et force pour se reconstruire ailleurs et ne plus jamais être à la merci de qui que ce soit. De ces années ils semblent avoir hérités une forte capacité d’adaptation ainsi qu'une réelle volonté d’exceller. Leur réussite, on peut le dire, est une forme de revanche sur cette vie et ces épreuves qui leur ont coûté chères.

Aujourd’hui les juifs d’Égypte sont répartis dans le monde entier. Ces témoignages ont été filmés en Italie (Milan), en France (Paris), en Angleterre (Londres), en Suisse, aux États-Unis (New-York et Washington), en Israël (Tel Aviv ou Haïfa), en Australie (Sydney)… Des 80 000 juifs à l’époque en Égypte, seulement une poignée y vivent encore.

 

Lors de cette projection, j’ai été très émue de voir tous ses juifs égyptiens réunis pour se rappeler avec nostalgie cette vie qui n’est plus, et de noter que tous gardent de bons souvenirs, même s’ils restent marqués par l’exil forcé. Ce fut un grand moment de partage et de douce nostalgie.

 

Johana M.

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