#BlogDuCrif - Adeline Baldacchino et son roman majestueux : "celui qui disait non"

15 Janvier 2018 | 562 vue(s)
Catégorie(s) :
Antisémitisme

 

"For the union makes us strong" : car l'union nous rend forts, Solidarity forever, Peter Seegers

La 77ème cérémonie du Yizkor organisée par le FARBAND - Union des Sociétés Juives de France s'est déroulée dimanche 2 octobre 2022, à 11h30 au cimetière de Bagneux. 

À l'aube de 5783, découvrez les vœux de Yonathan Arfi pour Roch Hachana. 

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Il est des livres, comme une sève puissante, comme un volcan en éruption, comme le monde à portée de la main, comme la vie, qui remue de l’intérieur, qui secoue de l’intérieur et qui donne majestueusement à donner. Il est des livres que l'on veut lire et que l'on doit lire absolument.

 

Il est des livres, comme une sève puissante, comme un volcan en éruption, comme le monde à portée de la main, comme la vie, qui remue de l’intérieur, qui secoue de l’intérieur et qui donne majestueusement à donner. Il est des livres que l'on veut lire et que l'on doit lire absolument.
 

Ce n’est pas simplement une question d’écriture et d’histoire, ce n’est pas simplement parce que vous lirez un beau, un très beau roman, que vous voyagerez forcément dans l’espace et le temps, que vous vous évaderez et/ou que vous vous approprierez l’histoire de/des/du… Encore faut-il accrocher et être dans l'histoire, comme si vous y étiez, comme si vous viviez ce moment d’écriture, du dedans, là. Il est des livres qui ont une force, une teneur autre, ils interpellent. Vous n’emprunterez pas simplement à l’histoire, un je ne sais quoi. Cette histoire vous bouleversera. Elle vous dira ce que vous auriez pu faire, vous aussi, peut-être, un jour. 

C’est une photographie surprenante qui a été découverte par Adeline Baldacchino grâce au camp des Milles. Une photographie qui réapparaît à un moment. Une photographie saisissante, incroyable, une photographie rare qui fait l’histoire. Une foule, les/des hommes font le salut nazi, ils sont nombreux. Seul, en cette foule, un homme croise les bras. Rare moment de résistance à la tyrannie, cet homme qui, se faisant croise les bras, c’est « celui qui disait non ». Qui est cet homme ? Adeline s’interroge et s’emploie à non seulement le reconnaître, mais à vouloir le connaître : « cet homme capable de dire non à Hitler, si sereinement, comme si sa vie n’en dépendait pas ». Cet homme l’a instantanément fascinée. Comment ne pas l’être. Comment ne pas se demander ce qu’il était, ce qu’il faisait, le pourquoi du comment.

Adeline Baldacchino a besoin aussi de nous expliquer, de se situer en tant qu’auteure en cette histoire, en ces sentiments, en ce qu’elle cherche et ce qu’elle est, ce qu’elle est aussi. Elle se livre, comme un livre ouvert, d’une quête qu’elle entreprend pour comprendre, mais pas seulement. Elle entreprend alors un voyage à Hambourg, en Allemagne. Adeline traîne avec elle le souvenir de son père, décédé quelques mois avant qu’elle n’effectue ce voyage. Cette douleur indicible, la perte du père et les mots sont lancés qui disent : « Car c’est pour parler au mien, de père, que j’ai couru après le leur. Comme si la littérature, qui semble faire écran entre les êtres et nous, servait en fait de passerelles. Je voulais écrire le roman d’un homme qui aimait ses filles et aurait pu le leur dire qu’au creux de l’oreille dans le noir de l’enfance. Le roman d’un Aryen qui aimait une Juive, d’une Juive qui aimait un Aryen, l’un qui mourait par l’autre et vice versa. J’en avais besoin comme on en a besoin, en certains moments très particuliers de la vie, de faire quelque chose d’un peu fou pour se détourner de sa propre enfance », écrit-elle. En page suivante, des mots forts encore pour parler de son père, ces mots me touchent. Car Adeline sait écrire, elle ne sait pas qu’écrire, elle sait nous faire partager son histoire, cette histoire, elle nous émeut. Profondément.
 

Quelque chose de particulier et d’exceptionnel
 

Et avec elle, d’elle, nous empruntons un canal sinueux, d’une histoire terrible, de quelque chose de particulier et d’exceptionnel, vu le contexte : lorsqu’August, qui adhéra au parti nazi en 1931, aimait (pourtant) Irma, « car l’homme qui disait non à Hitler disait surtout oui à Irma », car l’Aryen veut épouser une Juive.

L’homme qui disait non, nous rappelle que nous devrions avoir quelques exigences. Nous ne grandissons que lorsque nous sommes réellement nous-mêmes, lorsque nous refusons l’arbitraire, lorsque nous refusons de marcher comme des moutons, de bêler avec le troupeau, d’être l’ombre de notre ombre et de n’avoir aucune dignité. Est-ce là le monde ? Est-ce là l’Humanité ? Est-ce cela que l’on doit être ?

L’homme qui disait non n’est pas lobotomisé, il n’est pas mort. Il affiche sa grandeur et sa splendeur parce qu’il aime. Parce que c’est interdit (selon les Lois de Nuremberg), il ira jusqu’au bout, proclamant son amour d’une Juive. L’homme qui disait non ne se soumet pas à l’ordre établi. Il résiste majestueusement, il épouse l’humanité en ce qu’elle a de plus beau, lorsque les hommes se lèvent, s’élèvent, font et sont la conscience et ont conscience de notre humanité.

L’homme qui disait non nous apprend aussi à nous rappeler que nous devons à certains moments apprendre/réapprendre à dire non.

Et Adeline Baldacchino a cette force et ce talent qui méritent le respect. Parce qu’elle va au bout de cette histoire, parce qu’elle suit August et Irma, parce qu’elle a ce courage et ce faisant parce qu’elle est belle de le faire et de nous donner à lire.

Marc KNOBEL

Le livre : « Celui qui disait non » (Adeline Baldacchino, Paris, Fayard Roman, 2017, 264 pages, 18€). En librairie dès le 15 janvier.