#BlogDuCrif #Israel70 - Israël, 2088

19 Avril 2018 | 172 vue(s)
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Opinion

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Par Chloé Blum

Aujourd’hui, Israël fête ses 70 ans. Nombreuses ont été les tentations de revenir sur les 70 années écoulées depuis la création de l’Etat hébreu afin de dresser un bilan et d’en dégager les grands événements.

Toutefois, se tourner vers le passé et regarder en arrière ne sont pas des entreprises très israéliennes. Non, le truc d’Israël, c’est plutôt c’est de regarder droit devant. Et loin, si possible. C’est ce qu’a instauré Theodore Herzl dès 1901, haut perché sur son balcon à Bâle, le haut du corps légèrement penché en avant et le regard planté dans un horizon encore invisible.

Depuis la riche idée de cette photographie, devenue le symbole de l’origine du sionisme, en Israël, tout est une question de vision.

A l’occasion des 70 ans d’Israël donc, j’ai regardé droit devant et j’ai vu. J’ai vu Israël dans 70 ans.

Avril 2088 – Jérusalem

C’est drôle, je lisais ce matin l’édition française de Haaretz et la date anniversaire célébrée par le quotidien était le déplacement à Jérusalem de l’Ambassade américaine en Israël. C’est fou ce que le temps passe vite ! Il y a 70 ans, cette décision avait provoqué un tollé international, chacun y allant de son commentaire et de son analyse. Aujourd’hui, l’Ambassade américaine est de nouveau installée à Tel Aviv, aux côtés des autres représentations internationales.  Je crois d’ailleurs que ce fut la première décision prise par Maya Obama quand elle est devenue Présidente des Etats-Unis il y a 20 ans.

Quelle chaleur aujourd’hui à Nahlaot ! Le réchauffement climatique n’a pas fait du bien à Israël où le miel n’est plus le seul à couler en abondance. Chacun fond comme une glace au soleil de février à novembre. Il n’y a pas si longtemps, les enfants s’amusaient à glisser sur le flanc enneigé de la rue Ben Yehuda. Depuis combien de temps n’avons-nous pas vu de neige à Jérusalem ?

Tiens, il est midi. Une oreille attentive m’a permis d’entendre l’appel à la prière de la mosquée voisine, celle de Mahane Yehuda. La « mosquée du Shouk » est devenue la plus populaire de Jérusalem en moins de 10 ans. Le projet de construction avait émergé dans la tête d’un jeune député arabe israélien en 2032. A cette époque, on ne s’était pas contenté de lui rire au nez, on avait ajouté un bon nombre de crachats au visage. Mais quelques années plus tard, alors que Jérusalem était nommée capitale à la fois d’Israël et de la Palestine, il a bien fallu faire des compromis pour ne pas perdre entièrement la bataille de la terre. C’est ainsi que des Synagogues et d’écoles religieuses ont ouvert route de Naplouse, au cœur de l’ancienne partie Est de Jérusalem.

La ville est désormais gérée comme un Etat dans l’Etat, avec un micro-gouvernement qui s’occupe des affaires de la ville et de ses relations avec le reste d’Israël et, d’ailleurs, de ses relations avec le reste du monde. Il me semble que les Palestiniens en font autant.

C’est en 2043, après des années de réconciliation politique entre le Hamas et le Fatah, que les Nations-Unies – toujours elles – ont voté pour l’indépendance de l’Etat de Palestine, sur les frontières de… Je ne sais même plus à quelle guerre ces frontières font référence. Je sais cependant que le nouveau pays s’étend en longueur de la ville de Saint-Jean d’Acre, au sud de la Mer morte, englobant Nazareth, Jenin, Naplouse, Ramallah, Hébron. La Palestine est aussi composée de l’ancienne Bande de Gaza, aujourd’hui redevenue le plus grand port de commerce du Moyen-Orient.

Jérusalem, toujours au milieu de tout, a été placée sous statut particulier, celui donc de « ville indépendante », capitale des deux Etats. Jérusalem unifiée, ça voulait peut-être dire ça, tout simplement ?

A Tel Aviv, rien n’a vraiment changé. Les innovations technologiques ont continué à se multiplier faisant de la Ville blanche la première ville innovante mondiale, consacrant ainsi la Start-up Nation.

Les cafés glacés se prennent toujours en bas du Shouk HaCarmel, les épices s’achètent toujours au Shouk Levinsky et les ânes côtoient toujours les bus (électriques cependant) dans les artères bondés de la ville.

Tel Aviv a conservé un esprit vintage réjouissant où les odeurs de Shawarma mêlées à celles des croissants au chocolat encore chauds emplissent les cœurs d’une émotion incomparable.

C’est dans le Neguev que les choses ont radicalement changé. Il y a 70 ans déjà, on disait du désert israélien qu’il était l’avenir du pays. Et bien ce n’était pas peu dire ! Aujourd’hui, la Knesset, la Cour Suprême, les Ministères et la résidence présidentielle sont tous à Mitzpe Ramon, littéralement au milieu du cratère.

Désormais – et pour l’éternité, David et Paula Ben Gourion ne se contentent plus de veiller sur le Néguev, ils veillent sur le pays tout entier.

Grâce à Stav Shaffir, Ministre de l’économie entre 2048 et 2052, le Néguev est devenu la région la plus attractive du pays. C’est évidemment en matière d’agriculture et d’écologie que cette région s’est révélée être le meilleur choix. Des champs de panneaux solaires s’étendent sur des dizaines de kilomètres, et la région entière de Beer Sheva à Eilat est approvisionnée par l’énergie seule fournie par le Neguev. Sans compter le travail formidable du KKL-JNF pour l’amélioration des routes entre les villes moyennes du sud du pays.

Dans le grand supermarché de Jérusalem - dont les étales vétustes ont été remplacées par des bras mécaniques qui devinent ce que souhaite le consommateur selon une reconnaissance faciale de pointe - je découvre que le prix du cottage a été divisé par 3 !

Devant mon regard surpris, le gérant, un Palestinien qui vient de se marier civilement avec une Israélienne de Haïfa, m’explique que les taxes sur les produits de première nécessité ont été supprimées. Economiquement, cela ne me semble pas possible. Il m’explique alors qu’au fil des années, le gouvernement israélien a ordonné la décolonisation de l’ancienne Cisjordanie. Les besoins sécuritaires ont donc été réduits du même coup. Il fallait y penser !

Aujourd’hui, avec deux simples visas touristiques, je suis libre de me promener à Jérusalem, d’Est en Ouest, à Hébron sur le tombeau des Patriarches, à Gaza pour le commerce international, à Tel Aviv pour la nostalgie heureuse des années 80, au Mont Hermon pour skier et à Béthléem pour déguster les meilleurs fallafels de Palestine, chez Afteem, qui existe toujours, 140 ans après sa création ! Les Israéliens et Palestiniens peuvent en faire autant.

Politiquement, il n’y a plus de gauche, ni de droite en Israël. Ce clivage réducteur s’est échappé peu à peu des consciences pour laisser place à une politique moderne, qui sait piocher le meilleur de la droite et le meilleur de la gauche.

Le parti de la Terre (HaMahane HaHaretz) est au pouvoir depuis 15 ans. Comme son nom l’indique, cette formation politique reprend l’idée qui a fait la grandeur du projet sioniste : la Terre.

Bien-sûr, comme Rome avant lui, l’idéal sioniste des Pères fondateurs ne s’est pas fait en un jour ! Des attentats ont à nouveau déchiré le pays, des femmes ont perdu leurs maris, des enfants ont pleuré sous les roquettes incessantes et les Nations du monde ont continué à critiquer Israël.

Mais en 2088 en Israël, les cœurs de ceux qui atterrissent à l’aéroport international Theodore Herzl de Beer Sheva battent toujours la chamade.

La grâce de Jérusalem éblouie encore tous les pèlerins du monde.

Le charme si particulier de Tel Aviv et la douceur de son quotidien apaisent les douleurs et pansent les blessures.

Les ambitions des uns et les grandes idées des autres ont trouvé leur place dans le Negev, qui attire des milliers de jeunes diplômés chaque année.

Le rêve de ceux d’hier est devenu la réalité de ceux de demain.

Israël, plus qu’hier, moins que demain.

A dans 70 ans…