Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

#BlogDuCrif - Vu du Venezuela

09 Mars 2018 | 151 vue(s)
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Opinion

Depuis plusieurs années, le cinéma international ne cesse de plébisciter les cinéastes iraniens. Asghar Farhadi en est l’exemple même. Cependant, certains réalisateurs n’ont pas la chance d’être autant ovationnés.

Pour leur cinéma engagé, frontal et dénonciateur du pouvoir politique et du régime iranien, grand nombre de réalisateurs iraniens ont été, pour les plus chanceux, contraint à l’exil, tandis que d’autres en détention, subissent le triste sort réservé aux prisonniers iraniens.

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L’année 2018 marquera, chacun le sait, le 70e anniversaire de l’Etat d’Israël et le 100e de la fin de la 1ère Guerre Mondiale. Plus modeste sera  la commémoration au 10 décembre  du 70e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. On pourrait contraster l’explosion nationaliste de 14/18 où l’Europe s’est suicidée et la construction de l’internationalisme des Droits de l’Homme, et rappeler que dans l’affirmation de leurs propres droits nationaux, les Juifs redevenaient les acteurs de leur histoire.
 
Actuellement a lieu la 37e séance du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, surgeon de la Déclaration de 1948 qui aurait certainement fait le désespoir de René Cassin, l’auteur de celle-ci. Sur 10 motions spécifiques, il y en aura 7 sur (=contre) Israël. C’est la moyenne: le rapporteur spécial, un poste auquel on ne postule que si on a prouvé une israélophobie virulente, fait son travail comme il se doit, à l’envers des objectifs proclamés du Conseil (supprimer les doubles standards…). Parmi les 47 membres du Conseil, les luminaires des Droits de l’Homme ne manquent pas: Arabie Saoudite, Congo, Burundi, Pakistan, Qatar, Chine, Vénézuéla…. Ici encore c’est la routine: la Libye de Khadafi avait déjà présidé ce Conseil, qui écoutera avec respect l’allocution du Ministre de la Justice iranien, Alireza Avaie, un des responsables de l’énorme massacre de prisonniers politiques (30 000?) qui eut lieu en 1988: un authentique expert...
 
UN Watch, cette remarquable organisation qui lutte contre cette caricature des Droits de l’Homme, insiste aujourd’hui sur la situation au Vénézuéla : 4 millions de Vénézuéliens (1 habitant sur 8) auraient quitté le pays depuis 20 ans, peut-être 1 million l’an dernier. En Europe où le problème des migrants pèse tant sur les agendas politiques, on ignore ces réfugiés. Je reviens de Colombie, où j’en ai rencontrés. Ils sont partis car il n’y avait pas de quoi manger pour leurs enfants. Leur argent ne vaut plus rien, dévoré par une inflation qui pourrait atteindre 2000% en 2018 et par des règles de double marché de devises qui permettent tous les excès à ceux qui ont le droit d’en profiter, octroyé par l’Etat. Pays de misère malgré les plus grandes réserves de pétrole de la planète….Accablant résultat de l’incurie du gouvernement chaviste qui a distribué l’argent pour se fidéliser une clientèle, et qui survit  en contrôlant l’armée, la police et les medias, après avoir disloqué les contre-pouvoirs (parlement, justice), et va probablement gagner les futures élections présidentielles, peut-être sans même bourrer les urnes, grâce à la propagande, la peur de la guerre civile et les désaccords entre ses opposants dont certains sont en prison. Les élections sont  la feuille de vigne de ces « démocratures », qui, remarque Nicolas Baverez, sont la forme de plus en plus fréquente de populisme plébiscitaire.Le Vénézuéla en est le versant failli, aux mains de la Chine, dont les choix stratégiques n’ont que faire des droits de l’homme, avec un dirigeant peu charismatique qui ne transporte pas les masses.
 Mais aujourd’hui les « démocratures » poussent dans le monde comme des champignons après orage: elles ont souvent un appui populaire, s’entre-soutiennent dans les instances internationales  et nécessitent d’être confrontées sans angélisme par les démocraties. La fiction d’un effort commun pour promouvoir les Droits de l’Homme, portée par les pays les plus féroces dans ce domaine est une des hypocrisies de ce monde. Certes, on ne peut pas jeter le bébé mais il faut remplacer l’eau du bain. 
 
Et les Juifs dans tout cela ? Classique: au Vénézuéla, ils ont été près de 40 000 , ils sont un peu plus de 5000.  L’antisémitisme? Chavez a beaucoup débordé dans ce domaine: sur un fond de judéophobie chrétienne, des conseillers proches du nazisme et une haine d’Israël de rigueur en raison de son alliance avec le Hezbollah et l’Iran. Maduro, lui, se dit uniquement -mais fortement- antisioniste. Il peut difficilement faire plus avec ses grands parents juifs...

Richard PRASQUIER

(Article publié dans ActuJ)