les Juifs de France entre le marteau et l'enclume

11 Décembre 2015 | 694 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Il y a six ans (ndlr. : cet article a été rédigé en mars 2018), en mars 2012, à Montauban et Toulouse, sept vies ont été fauchées par un terroriste islamique, donc je me refuse à rappeler le nom.

Le 33ème Dîner du Crif a eu lieu mercredi 7 mars 2018.

Jean-Pierre Allali partage avec vous ses appréciations littéraires au fil de ses lectures. Aujourd'hui, il nous parle du livre de Techouva, de Frédéric Lauze.

Au théâtre de l'Atelier, Le livre de ma mère réveille les souvenirs et sublime la relation la plus sincère qui est donnée à l'homme de connaître.

Pages

A l'heure où le Front National réalise des scores historiques, la fête de Hanoukah rappelle que les forces politiques qui ne respectent pas les particularismes sont dangereuses

Publié par Ilan Rein sur son blog : Récits d'Actu 

 
Les Juifs célèbrent ces jours-ci la fête de Hanoukah, commémorant un acte de résistance contre la volonté assimilatrice des Grecs qui avaient voulu interdire le culte dans le Temple de Jérusalem. La révolte fut menée par les Maccabées, une famille dont on dit que le nom vient du terme araméen pour « marteau ».
Or, les Juifs de France risquent fort d’avoir de nouveau affaire à un marteau, mais cette fois-ci pas pour les défendre. Ils pourraient être pris entre le marteau du Front National et l’enclume des islamistes. Si les islamistes ne font pas mystère de leur antisémitisme viscéral, le Front National reste quant à lui l’héritier de l’extrême droite française.
Beaucoup d’antisémites convaincus y évoluent toujours même si leur discours y est mis en sourdine et les valeurs de ce parti le pousseraient certainement à renouer avec ses vieux réflexes une fois les précautions nécessaires à la conquête du pouvoir devenues superflues.
 
Or, à chaque élection, le Front National monte. Les Français en ont presque pris l’habitude : peu après les résultats, la presse se répand en lamentations. Le Front National « dédiabolisé » a encore réussi à conquérir de nouvelles régions, de nouvelles villes. Passé le « choc », la routine reprend ses droits, jusqu’aux élections suivantes. Le pays continue sa route sous la houlette des deux grands partis de gauche et de droite républicaines qui gouvernent alternativement depuis plusieurs décennies.
 
Aujourd’hui cependant, quelque chose semble avoir changé. Les résultats du premier tour des élections régionales montrent que, derrière l’abstention qui n’a aucun poids politique, le Front National est devenu le premier parti de France : celui qui, dans certains types de scrutins en tout cas, est à même de récolter le plus de voix.
 
Depuis les élections municipales de 2008 où il avait recueilli moins de 1% (!) des suffrages, le Front National a affiché une progression constante. Lors du premier tour des élections régionales, pour la première fois, le Front National est arrivé en tête des suffrages, devant Les Républicains et le Parti Socialiste. Il a réuni presque 28% des suffrages, et par endroit beaucoup plus. A regarder le graphique, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il ressemble à une courbe d’indice boursier qui crève un plafond.
 
Une fois le plafond crevé, la courbe peut très bien se mettre à distancer très vite celle des partis concurrents. Désormais, la perspective de l’accession de Marine Le Pen à la présidence de la République n’est plus inconcevable. Certes, le système électoral à deux tours a permis jusqu’à présent de minimiser son impact grâce à des alliances politiques. Mais on note que tous les partis traditionnels ne jouent plus ce jeu. Combien de temps encore le « barrage républicain » fonctionnera-t-il ? Il suffit d’une fois pour que le système lâche. Je dis bien, le système. Car une fois au pouvoir, le Front National s’attacherait certainement à rogner les fondements démocratiques de notre pays.
Il ne s’agirait pas forcément d’aller vers une réédition du nazisme ou du fascisme : Marine Le Pen a déjà déclaré « admirer » Vladimir Poutine avec qui « nous défendons des valeurs communes ». Elle éprouve donc de l’admiration pour un homme qui a réussi à rester au pouvoir pendant les 15 dernières années et dont les opposants ne finissent pas toujours leurs jours paisiblement dans leur lit.
Un glissement vers un système moins démocratique et plus autoritaire serait probable en cas d’accession du Front National au pouvoir.
 
Ce n’est pas que les partis actuels méritent d’être défendus à tout prix. La droite, puis la gauche, n’ont pas su en particulier prendre compte de la menace islamiste qui a enflé et produit les attentats que nous connaissons. Elles font toujours beaucoup d’efforts pour ne pas nommer l’ennemi, l’islamisme, par peur de froisser les musulmans. Elles font donc appel à des termes édulcorés pour décrire les agresseurs : « terroristes » (ce qui ne dit rien sur leur motivation) et maintenant « Daesh » (acronyme d’Etat Islamique en Irak et au Levant ; utiliser l’acronyme permet de cacher le mot « islamique » ainsi que sa racine et ignore par ailleurs les autres mouvements comme Boko Haram ou le Hezbollah qui poursuivent indépendamment les mêmes visées islamistes hostiles à l’occident). Marine Le Pen, elle, n’hésite pas à dire que nous sommes en guerre contre le « fondamentaliste islamiste ». Cela plaît à nombre de Français qui savent que ce que les journaux appellent un « déséquilibré » est quelqu’un qui en réalité toute a sa tête et veut tout simplement prendre leur place : tuer les français et conquérir leur pays. Droite et gauche ont d’autre part laissé la situation économique et sociale se dégrader sans proposer de remèdes satisfaisants, si bien que beaucoup de Français pensent qu’ils ont tout essayé et sont dorénavant prêt à tester autre chose avec le Front National, d’autant que son discours anti-islam fort leur fait espérer la réaction qu’ils attendent. Ils en ont assez du déni systématique. Alors ils sont nombreux désormais à voter pour le parti qui leur parle sans langue de bois – malgré des risques pouvant aller jusqu’au déclenchement d’une guerre ouverte entre extrême droite et islamistes.
 
Les Juifs sont les premiers visés par le terrorisme islamiste qui attaque maintenant l’ensemble de la société. Le vote juif étant un mythe, diverses tendances sont représentées chez les Juifs de France. Il existe une minorité de Juifs français qui sont prêts à élire le supposé ennemi de leur ennemi, le Front National, parce qu’ils pensent que la priorité est de lutter contre l’islamisation de la société. Cependant, le Front National est moins populaire chez eux que dans le reste de la population parce que les Juifs ont une mémoire historique qui les porte à penser que si les musulmans sont les premières cibles du Front National, les Juifs pourraient être les suivantes. Les Juifs sont aussi généralement conscients que la manière dont le Front National parle des minorités est incompatible avec les valeurs du judaïsme. Il y a en Israël même environ 20% d’Arabes et il n’est pas dans l’esprit juif de soutenir la stigmatisation d’autres populations.
 
Revenons-en à l’histoire de Hanoukah. C’est une histoire de lutte contre l’assimilation. Le peuple juif a toujours voulu s’intégrer dans les sociétés dans lesquelles il vivait. Beaucoup de Juifs français sont morts pour la France. Pour garder leur identité, les Juifs doivent cependant éviter l’assimilation. Ils ont besoin d’avoir un espace pour pratiquer leur religion et leurs traditions. Si cela leur était interdit, il y aurait alors un danger d’assimilation sur le modèle grec. Le Front National s’oppose à l’abattage halal. On ne voit pas pourquoi l’abattage cacher ne pourrait pas un jour être soumis à la même recommandation. Marine Le Pen a également prôné, en parallèle à l’interdiction du port du voile dans l’espace public, celui de la kippa. En cas d’arrivée au pouvoir du Front National, la laïcité risquerait d’être menacée sous couvert de lutte contre l’islam radical. L’espace nécessaire au judaïsme le serait aussi. Le message de Hanoukah est toujours d’actualité et doit inciter à voter pour des partis qui, s’ils ne sont pas exempts de défauts, n’ont pas le potentiel de radicalisme du Front National.