Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Marche pour Mme Knoll : le Crif a fait son travail

02 Avril 2018 | 341 vue(s)
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France

À l'occasion des 80 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), les membres du Crif ont été reçus à l'Élysée par le Président de la République, Emmanuel Macron, et Madame Brigitte Macron, lundi 18 mars 2024. Le Président du Crif, Yonathan Arfi, a prononcé un discours à cette occasion. 

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Actualité

Chronique de Bruno Halioua, diffusée sur Radio J, lundi 12 février à 9h20.

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Antisémitisme

À l'occasion des 80 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), les membres du Crif ont été reçus à l'Élysée par le Président de la République, Emmanuel Macron, et Madame Brigitte Macron, lundi 18 mars 2024. Le Président du Crif, Yonathan Arfi, a prononcé un discours à cette occasion. 

Dimanche 14 janvier 2024, quelques mois avant les Jeux Olympiques Paris 2024, une délégation de sportifs et de dirigeants du monde du sport q"es, avec le Crif, pour un voyage de la mémoire dans le camp d’Auschwitz-Birkenau, en partenariat avec le Mémorial de la Shoah.

 

Le 10 janvier 2023, Yonathan Arfi, Président du Crif, s'est rendu à la cérémonie en hommage aux victimes de la rafle de Libourne du 10 janvier 1944. Il a prononcé un discours dans la cour de l'école Myriam Errera, arrêtée à Libourne et déportée sans retour à Auschwitz-Birkeneau, en présence notamment de Josette Mélinon, rescapée et cousine de Myriam Errera.  
 
À l'occasion de la fête juive de Hanoucca, découvrez les vœux du Président du Crif, Yonathan Arfi.
 

La 12ème Convention nationale du Crif a eu lieu hier, dimanche 4 décembre, à la Maison de la Chimie. Les nombreux ateliers, tables-rondes et conférences de la journée se sont articulés autour du thème "La France dans tous ses états". Aujourd'hui, découvrez un des temps forts de la plénière de clôture : le discours de Yonathan Arfi, Président du Crif.

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La marche du 28 mars en mémoire de Mme Knoll a été suivie de critiques acerbes visant le Crif qui en était l’organisateur. Le président de la France insoumise et la présidente du Front National en avaient été exfiltrés par la police en raison de mouvements de foule hostiles. La responsabilité de cette exclusion fut attribuée à la décision du Crif d’interdire leur venue, alors même que le fils de Mme Knoll avait déclaré qu’il souhaitait que tous puissent être présents.

Or, Francis Kalifat, président du Crif, n’avait pas « interdit » à Marine Le Pen et à Jean-Luc Melenchon de participer à cette marche : il avait souligné qu’ils n’y seraient pas les bienvenus. La nuance est d’importance. Sur une photo souvenir de la manifestation, subliminalement  consensuelle,  leur image n’était pas souhaitable. Mais leur présence au milieu du public anonyme relevait de leur décision citoyenne. Il ne s’agissait pas d’une marche « blanche » compassionnelle: qui n’est pas horrifié par l’assassinat d’une vieille dame invalide ou par les attentats de Trèbes, s’exclut de notre société. Mais cette marche silencieuse avait un objectif politique, alerter la cité contre un antisémitisme qui s’étend, qui fait peur, qui tue et qui a trop été  tu pendant ces dernières années.

Comment obscurcir la clarté de ce combat qui est celui du Crif depuis qu’il a été créé en 1943, en laissant en tête de manifestation des dirigeants de partis où se réfugient beaucoup d’antisémites à la mode d’hier et beaucoup de négationnistes  de l’antisémitisme d’aujourd’hui?

Certes de nombreux dirigeants, militants et électeurs de ces partis ne sont pas antisémites. Mais les amitiés ou les complaisances avec d’authentiques antisémites laissent de lourdes ambiguïtés.

En France, en dehors du père Hamel, les seules victimes d’assassinats pour motifs religieux sont des Juifs, pointe d’un maelstrom de violences et d'insultes dont certaines font partie du quotidien d’une partie des Juifs de France. Le moteur de ces actes est univoque, c’est la propagande islamiste. Le moteur  du déni et de la minimisation de ces actes est également univoque, c’est l’israélophobie dont une partie de notre société considère  qu’il s’agit d’un viatique pour se placer dans le camp du bien. Le Mouvement des Insoumis a largement puisé dans le réservoir de complaisance qu’offrent les concepts piégés d’antisionisme et de lutte contre l’islamophobie. La polémique actuelle l’incitera peut-être à réfléchir à ses surprenantes alliances. Elle serait alors loin d’être inutile.

Quant au Front National, il n’a pas eu de part dans les violences contre les Juifs au cours de ces dernières années et sa présidente a rejeté  les allusions antisémites ignobles qui ont rendu le nom de son père odieux. Mais un Juif ne peut accepter un discours qui conduit à stigmatiser certains groupes d'individus pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font.

Les manifestations d’hostilité envers Marine Le Pen et Jean Luc Melenchon ont pris un caractère regrettable. La première a pâti de son nom alors que le passé de Mme Knoll était dans les mémoires. Le second a subi les attaques verbales de militants de la LDJ dont l’importance est surestimée pour le faire passer en équivalent juif de l’islamisme radical. Faire croire que ce mouvement est un pseudopode du Crif est un stupéfiant mensonge : tous les présidents du Crif depuis une vingtaine d’années ont été trainés dans la boue par ce groupuscule.

Nous sommes avides à juste titre de paix civile et de fraternité, même si nous percevons mieux les limites du « vivre ensemble » quand les slogans mettent un anesthésique trompeur sur les plaies de notre société. La nécessaire décision du Crif ne pouvait pas être populaire. Elle témoigne de la situation  sans la colorer par des lunettes roses. Cette attitude a valu au Crif les critiques des idéologues les plus engagés et des optimistes les plus angéliques. Si on y ajoute les jalousies, les ignorances et les doutes devant la déferlante des critiques, la position de président du Crif n’est pas confortable. L’ayant exercée, j’ai un peu appris sur les déclarations qui génèrent l’approbation et la désapprobation du résonateur médiatique, dont l’avis, qu’on s’en réjouisse ou non, porte loin. Mais en faire son fil directeur eût été une tentation dangereuse. L’exigence de lucidité n’exclut pas des maladresses, mais elle permet  des avertissements  lucides quand la société préfère fermer les yeux sur la triste réalité du « nouvel" antisémitisme. Comme un symbole,  la marche du 28 mars a eu lieu la veille du procès en appel de Georges Bensoussan, à qui certains ne pardonnent pas d’avoir été dirigé le livre des « territoires perdus de la République », qui mettait dès 2002 le doigt sur la haine anti juive et anti française qui contamine une partie de la jeunesse de notre pays. 

Casser un thermomètre ne soigne pas une fièvre.

Richard Prasquier