Francis Kalifat

Ancien président

Mon discours à l'occasion du 75ème anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie

19 Avril 2018 | 91 vue(s)
Catégorie(s) :
France

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Découvrez mon discours prononcé lors de la plénière de clôture de la 11ème Convention nationale du Crif, le 14 novembre 2021, en présence du Premier ministre Jean Castex.

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Mesdames et Messieurs Survivants du Ghetto et de la Shoah

Monsieur le Président du Mémorial de la Shoa

Madame l’ambassadrice d’Israël

Monsieur l’ambassadeur de Pologne

Messieurs les Grands Rabbins et les Rabbins

Père Vernet, représentant l’Archevêque de Paris

Mesdames et Messieurs les élus

Mesdames et Messieurs les Présidents d’associations

Monsieur le président de la commission du souvenir du Crif

Mesdames et Messieurs

Chers amis,

Hasard du calendrier, cette commémoration survient, chacun le sait, dans un contexte particulièrement tendu lié au vote par le Parlement polonais d’une loi, visant à pénaliser l'acte d'imputer à la nation polonaise des crimes commis contre les Juifs, sur son territoire, durant la seconde guerre mondiale. 

Bien sûr, chacun devrait savoir que la Pologne a été victime des nazis, que son intelligentsia a été décimée, que des millions de Polonais non-Juifs sont morts pendant la guerre,  et que si les camps d’extermination se trouvaient en Pologne ils n’étaient nullement des camps « polonais », mais bien des camps nazis sur le territoire polonais.

Comment aussi ne pas rappeler les 6700 Polonais élevés au rang de Justes parmi les Nations, ils ont pris le risque de perdre leurs vies.

Cependant cette lumière ne saurait effacer une autre réalité : les  dénonciations, les assassinats, dont certains sont survenus une fois la guerre finie, les spoliations, beaucoup de spoliations, et aussi  l’indifférence, beaucoup d’indifférence.

Quelles que soient  nos divergences d’analyse, je salue Monsieur Mlynarski, Ambassadeur de Pologne en France, dont je veux prendre la présence ici comme un message d’espoir, comme je veux voir un signe d’apaisement dans la constitution de la commission Israélo-polonaise chargée du sujet.

La force d’une Nation réside toujours dans le regard qu’elle sait porter sur son histoire et sa capacité à l’enseigner aux générations suivantes.

Il y a 75 ans la révolte du ghetto de Varsovie débutait, menée par des combattants qui avaient l’énergie du désespoir chevillée au corps.

Hasard du calendrier encore, voici 70 ans l’Etat d’Israël voyait le jour et le vieux rêve millénaire du retour à Sion qui berçait les Juifs depuis la destruction du second Temple devenait une réalité politique.

Pour chaque Juif à travers le monde, Israël demeure aujourd’hui, la garantie que ces heures tragiques qui ont vu l’extermination de 6 millions d’hommes, femmes, et enfants,  ne puissent plus se reproduire.

Ces deux événements distants de quelques années seulement resteront des épopées qui auront considérablement marqué le 20ème siècle.

La révolte du Ghetto de Varsovie a marqué un retournement de l’histoire. Comme l’a écrit  Marek Edelman: « L’important, ce n’est pas le nombre d’Allemands tombés sous les balles de l’Organisation juive de Combat, mais le tournant psychologique qu’implique l’évènement ».

Depuis l’enfermement des Juifs dans le Ghetto de Varsovie en octobre 1940, la faim, la promiscuité, la maladie, la peur, la défiance permanente ont constitué les tourments  quotidiens des habitants des ghettos.

Paradoxe de l’histoire, les décisions nazies prenaient effet un jour de fête juive. L’histoire du ghetto de Varsovie n’y échappe pas et illustre parfaitement cette alliance de sadisme et de terreur : c’est le jour de kippour, le 12 octobre 1940 qu’il a été crée et c’est le jour du premier seder de Pessah, le 19 avril 1943 qu’a débuté sa liquidation.

Le marquage par brassard, la constitution d’un Judenrat, le recensement de la population ont été les étapes préliminaires à l’enfermement total qui sera effectif dès le 15 novembre 1940 quand les 22 points d’entrée du ghetto seront fermés et gardés nuit et jour.

C’est le début de la fin des Juifs de Varsovie.

Il faut dire et répéter que le sort des Juifs dans les Ghettos n’a pas ému grand monde à l’époque. Les raisons prophylactiques clamées par les nazis ont contribué à creuser le fossé déjà profond avec les polonais.

Bientôt, même la force de rêver leur fut retirée : la faim torturait les corps et les esprits.

Cette parole-là, celle qui peut encore restituer le souvenir effroyable des conditions de vie, je la laisse aux témoins que nous avons l’immense chance de compter parmi nous et qui prendront la parole au cours de cette cérémonie.

Ils sont les derniers témoins de ce monde englouti, et les inlassables conteurs d’une histoire qu’on ne doit pas oublier.

Nous sommes aujourd’hui leurs témoins pour transmettre la mémoire, pour nous souvenir, et pour que le monde n’oublie pas.

Redonner un sens à cette vie qui se terminait dans une mortelle absurdité, tel était peut être aussi un des motifs de la révolte menée par l’Organisation juive de Combat. Devant la multiplication des assassinats et des déportations, et en ayant connaissance du traitement infligé aux Juifs du ghetto à Treblinka les membres de l’OJC ont unis leur force, avec celles de l’ensemble des mouvements de résistance présentes dans le ghetto dans un ultime combat.

Ce combat ils le savaient inégal et perdu d’avance. Il était un cri poussé dans l’odeur de la poudre et adressé au monde entier. Un dernier appel auquel personne n’a répondu.

Et c’est ce cri né et mort dans le silence des nations qu’il nous appartient transmettre.

Se souvenir pour rester vigilants.

Les temps ne sont plus les mêmes, le contexte politique a changé et pourtant la  haine antijuive tue à nouveau en France.

Ainsi, depuis l’an 2000, qui marqua le début d’une nouvelle vague d’actes antisémites, 12  Français Juifs ont été assassinés  en France au seul motif  d’être juifs depuis 2003.

De Sébastien Sellam à Ilan Halimi, de  l’école Ozar Ha Torah à l’Hyper Cacher de Sarah Halimi à Mireille Knoll l’actualité rappelle sans cesse à ceux qui voudraient parfois l’oublier qu’être juif, hier comme aujourd’hui, c’est malheureusement souvent être une cible.

L’antisémitisme a toujours su se réinventer et prendre des formes nouvelles : le terrorisme antisémite des djihadistes, l’antisémitisme politique de l’extrême-droite, l’antisémitisme antisioniste de l’extrême-gauche, l’antisémitisme religieux d’une partie du monde musulman jusque parfois dans nos quartiers.

Ce ne sont là que les principales variations actuelles d’une même rengaine plus ancienne

75 ans plus tard nous sommes là et nous nous souvenons.

C’est pourquoi, cette cérémonie, à laquelle nous tenons particulièrement, est toujours un moment qui nous redonne un peu de cette force. Quand l’échine ploie sous le poids d’une actualité sordide, nous devons retrouver le gout d’aller de l’avant, et quoi qu’il y ait devant.

La lutte des Combattants du Ghetto de Varsovie résonne particulièrement ici et maintenant. Ils se sont battus pour l’honneur des Juifs du Ghetto, ils ont combattus pour notre dignité.

Notre souvenir n'est pas que l'évocation d'une histoire qui fut, car "Un peuple qui oublie son passé", disait Churchill, "se condamne à le revivre".

Alors, c’est au cœur de la mémoire héroïque de ces glorieux combattants que nous devons puiser les forces nécessaires pour mener sans relâche et sans concessions ce combat.

Soyons fiers et montrons-nous dignes de l’héritage qu’ils nous ont laissé.

Que leur souvenir et leur sacrifice soit inscrit pour l’éternité dans la mémoire et dans l’histoire du peuple Juif.

Le Crif vous propose :

#VARSOVIE - LA COMMÉMORATION DU 75ÈME ANNIVERSAIRE DU SOULÈVEMENT DU GHETTO DE VARSOVIE S'EST TENUE HIER