Quelle drôle de langue parliez-vous donc Madame Le Pen, lors du Grand Débat ? Par Marc Knobel

05 Mai 2017 | 74 vue(s)
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France

Vendredi 23 février, j'ai rencontré Tomasz Młynarski, Ambassadeur de Pologne en France.

Jean-Pierre Allali partage avec vous ses appréciations littéraires au fil de ses lectures. Aujourd'hui, il nous parle du livre de Dina Porat, Le Juif qui savait Wilno-Jérusalem : la figure légendaire d’Abba Kovner, 1918-1987.

La première djihadiste française capturée à Mossoul par les forces irakiennes en juillet 2017, Mélina Boughedir, a été condamnée, lundi 19 février, à sept mois de prison pour l’entrée illégale en Irak. La cour pénale de Bagdad a ordonné la remise en liberté et l’expulsion en France de la jeune femme de 27 ans, sa peine étant couverte par sa détention préventive, rapporte Le Monde du 19 février. Qui sont ces femmes désintégrées, déstructurées et aveuglées par la propagande développée par les djihadistes et qui ont été des proies faciles. C'est ainsi qu'elles se sont déshumanisées et ont participé à cette orgie barbare et moyenâgeuse qu’est le djihadisme.

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Le 4 février 2018, le Crif et les Amis du Crif ont organisé un voyage de mémoire dans les camps d’Auschwitz-Birkenau. Près de 200 personnes ont participé à cette journée exceptionnelle, qui a marqué les mémoires de chacun. Une délégation d’élus et de personnalités publiques m'a également accompagné. Nous avons aussi eu l'honneur d'être accompagnés par Ginette Kolinka, réscapée d'Auschwitz.

En fin de journée, nous avons tenu une courte cérémonie d'hommages ponctuée de plusieurs discours et de prières animées par le Rabbin Moché Lewin. En conclusion de cette intense journée, le Shofar a resonné au milieu du silence etourdissant de l'immense complexe de Birkenau.

Depuis quelques semaines, le texte épistolaire de Sholem Aleichem a investi la petite – mais non moins prestigieuse – scène du Théâtre de la Huchette, à Paris.

Hier, je me suis exprimé sur la récente vague d'antisémitisme qui secoue la France. J'ai demandé à l'ensemble de la communauté nationale de faire front contre la haine antisémite. J'ai également rappelé l'importance pour la justice française d'appliquer des peines suffisamment lourdes pour être dissuasives.

De ce 9 janvier 2015, nous voulons retenir une autre image, cette belle image. Celle de Lassana Bathily.

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Madame Le Pen, comme des millions de nos compatriotes, nous vous regardions et nous vous écoutions attentivement à la télévision, lors du Grand Débat, ce 3 mai. D’emblée, je vous ai vu utiliser votre premier temps de parole en invectivant durement Emmanuel Macron. En deux minutes, vous lanciez la charge. D’une violence inouïe vous vouliez probablement assommer votre adversaire et donner le ton. Tout au long de l’émission, vous ne parleriez pas posément, vous lanceriez la mitraille, telle était votre choix. La mitraille...

Vous oubliez que vous vous présentez pour la présidence de la République et que la fonction demande de la hauteur, de la grandeur, de la décence. Comme si, il eut été impossible que vous gardiez votre calme, de la tenue. Comme si le vieux fond de Le Pen (père) ressortait enfin et avec quelle vulgarité, avec quelle grossièreté, avec quelle méchanceté.

Serait-ce du Français, vraiment ? Mais alors, de quelle langue s'agit-il, au juste ?

Quels sont vos mots étranges et furieux, lorsque pour protéger les plus faibles d'entre nous, dîtes-vous, vous prononcez des mots accusateurs. Ils stigmatisent, salissent, écartent, provoquent, distinguent et hiérarchisent. Quelle est donc cette langue étrange, Madame Le Pen, qui cherche à blesser, à distinguer, à détacher, à croiser le fer, et se répandre ainsi, comme une joute et pas seulement oratoire ? Comme si, de votre bouche, et au plus proche ou loin de votre personne, il ne pouvait y avoir qu'un grand règlement de compte: faire table rase du passé en un seul esprit de revanche ? Est-ce cela votre seul rêve ? Pour faire mouche, vous abusez des images effroyables. Est-ce là votre seule stratégie ?

Car, vous ne semblez voir de la France que son irréversible déclin, n'est-ce pas ? Alors, vous effrayez votre monde avec l'idée qu'il pourrait y avoir un grand remplacement. Vos mots puisent dans l'énoncé brutal, lorsque vous semblez pointer du doigt le péril qui, pourrait avoir comme seul nom l'étranger, l'immigré, le réfugié, la mort, l'Islam… ? Quoi d'autre, encore? Quoi d'autre, enfin ?

Je vois vos gestes, j'entends vos mots. Est-ce ainsi que votre langue est faîte, Madame Le Pen ?

Pour faire peur, effrayer, tétaniser, se nourrir de nos doutes, de nos peines, de la misère humaine et de la fracture sociale ? S'en gaver, jusqu'à plus soif ? Je n'entends alors de votre bouche que des mots blessants, lorsque vous parlez d' « Oligarchie », ou que vous utilisez l'expression... « Marche ou crève » ; que vous chantez « On est chez nous » et que vous prévenez: « Avec nous, avant qu'il ne soit trop tard »...

Justement, « On est chez nous », est votre leitmotiv, votre mot d'ordre préféré, comme si l'on était ailleurs. Vous l'aimez tellement, lorsque votre public se lâche enfin. Comme si, il était trop difficile que vous ne viviez le monde autrement que par le/un grand règlement de compte. Comme si, il était par trop difficile en votre langue de rêver d'une France apaisée, calme, sereine, respectueuse, tolérante, aimante, fraternelle ?

Mais, en votre monde imaginaire, vous savez chanter aussi la « France éternelle » et « mère Nature ». Vous imaginez que vous parlez au « nom du peuple » et que le peuple vous ressemble forcément, alors que le peuple vous rejettera. Vous pensez incarner alors le peuple, même si vous excluez de ce peuple tous ceux et toutes celles qui ne vous ressemble pas. Vous décrivez alors le bien, tel que vous voudriez qu'il soit, mais aussi la « famille », « l'ordre », « l'équité », la « nation », pour ne pas dire « la patrie ». Un monde imaginaire, vous le savez, fait de votre imaginaire. Mais, vous profitez de la profonde crise de sens, du doute, de la peur, du malaise, pour construire et reconstruire à votre guise, en réalité, une France mythifiée. Vous voilà enfin, telle que vous voudriez être sûrement, sorte de "cinquième fille de France", pour reprendre l'expression du paternel… Jeanne d'Arc, la sauveuse aurait pour prénom Marine.

Comme des millions de français, j’ai vu et revu le masque de l’extrême droite que vous portez, car il s’agit bien en réalité de votre famille politique, n’est-ce pas ? Celle qui crie « On est chez nous », pour vouloir dire… « La France aux Français ».  Les vieux thèmes, les vieilles rengaines ressurgissent.

Mais, dans notre Panthéon à nous Madame Le Pen, les démocrates et les républicains, il n'y a ni Clovis, ni Maurice Barrès, encore moins Charles Maurras. Mais des gens comme Aznavour, Yves Montand, Emile Zola, Joseph Kessel, Marc Chagall, Pierre Tchernia, Robert Hossein ou... Enrico Macias. Ils parlent une autre langue que la vôtre. Du Français avec des mots châtiés et de belles phrases, mais avec des mots qui chantent et aiment la France. Plus que vous ne l’aimerez jamais.

Et, au fond, la France, voyez-vous, ce n'est pas que le ramassis de vos fantasmes. La France est grande. Et, elle continuera de l'être malgré vous, après le 7 mai 2017.