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Publié le 1 Juillet 2022

Actu - L'AP-HP débaptise un bâtiment du nom du président du Conseil de l'ordre des médecins sous le régime de Vichy

Nous ne pouvons que nous féliciter de la décision de Martin Hirsch, Directeur Général de d'AP-HP, de faire retirer de l'un de ses bâtiments le nom de René Leriche, président du Conseil de l'Ordre des médecins sous le régime de Vichy, et de le renommer au nom d'Ady Steg.

Martin Hirsch Directeur Général de d'AP-HP a pris la décision de retirer des bâtiments de l'ancien hôpital Broussais, dans le 14e arrondissement de Paris, le nom de René Leriche, président du Conseil de l'Ordre des médecins sous le régime de Vichy, et qui a "contribué activement au recensement, à la dénonciation et la spoliation des médecins juifs".

Cette mesure me réjouis d’autant plus que je me souviens de cette fin de non recevoir de la même institution, lorsque j’avais fait la même proposition, il y a 20 ans. 

Le professeur René Leriche qui a apporté une contribution importante dans le domaine de la chirurgie vasculaire a assuré la présidence du Conseil Supérieur de l’Ordre des médecins, créé le 7 octobre 1940 par le gouvernement du Maréchal Pétain. 

Au sein de ce Conseil, le professeur René Leriche a mis en place l'exclusion des médecins étrangers, puis des médecins juifs français. Le  Bulletin du conseil de l’Ordre du 7 décembre 1940 a d’ailleurs écrit que la question des médecins étrangers (et par la même occasion celle des médecins juifs) était "un problème à régler en priorité".

Ainsi, deux mois après sa création, alors que la France était occupée par les forces allemandes qui imposaient des normes drastiques de ravitaillement à la population française, avec des conséquences importantes sur la santé publique, le Conseil de l’Ordre des médecins se proposait de régler avant tout la question des médecins étrangers.

Après le deuxième statut des Juifs du 2 juin 1941, avec son décret d’application promulgué le 11 août 1941 les Conseils départementaux de l’Ordre des médecins ont participé non seulement au recensement des médecins juifs français, mais aussi l’instauration d’un numerus clausus fixant à 2 % le nombre de médecins juifs sur l’effectif total des médecins non juifs.

Les historiens américains Marrus et Paxton avaient parfaitement raison lorsqu’ils ont affirmé que le Conseil de l’Ordre des médecins à aider "à légitimer le principe de l’épuration". En interdisant à un médecin d’exercer son activité, le Conseil de l’Ordre le privait de sources de revenus et le conduisait à vivre avec sa famille en paria et donc en situation de vulnérabilité face aux rafles.

Dénoncés aux autorités administratives, les médecins étrangers encouraient des sanctions qui pouvaient les conduire dans des camps d’internement qui constituaient l’étape préliminaire avant l’internement à Drancy et l’envoi dans des wagons à bestiaux vers Auschwitz. Il a été retrouvé de nombreux courriers de dénonciations de médecins juifs par des présidents des conseils départementaux.

Combien y-a-t-il eu de médecins juifs qui ont été dénoncé par le Conseil de l’Ordre des Médecins ? Si les archives du Conseil de l’Ordre des médecins  n’avaient pas disparu à la suite d’une malencontrueuse "inondation" nous aurions eu la réponse à cette question.

Le rôle le plus abject du Professeur René Leriche a été l’implication du Conseil supérieur de l’Ordre des médecins dont il assurait la présidence dans la spoliation des cabinets des médecins juifs. Pour se rendre compte  de cet acte odieux, il suffit de lire ce communiqué publié par le Conseil supérieur de l’Ordre sans aucun diktat allemand dans le Concours médical : "Tous nos confrères, à la recherche d’un poste vacant, peuvent prendre communication des listes, avec noms et adresses, des médecins étrangers ou fils d’étrangers auxquels le droit d’exercer a été retiré, directement au siège du Conseil supérieur de l’Ordre, 60, boulevard de Latour-Maubourg ".

Le professeur René Leriche  a aidé les "hyènes" en participant au processus de spoliation les cabinets des médecins juifs pourchassés ou déportés alors que les Autorités allemandes ne l’avaient nullement exigé. René Leriche n’a jamais protesté officiellement et officieusement contre la juridiction xénophobe et antisémite mais qu’il a joué un rôle actif. 

En guise de défense, René Leriche a déclaré dans son livre Souvenir de la vie morte, publié en 1956, "Pour les médecins israélites, la loi nous ligotait".

Le professeur René Leriche est resté le président du Conseil Supérieur de l’Ordre jusqu’au 28 décembre 1942. Sa démission est survenue prés d’un mois après le débarquement des troupes anglo-américaines en Afrique du Nord et alors que les troupes allemandes subissent un revers sévère à Stalingrad. 

Il n’a jamais été inquiété à la Libération.

En 1945, Leriche est nommé membre titulaire de l’Académie des Sciences. Il est mort le 28 décembre 1955 à Cassis, à l’âge de 76 ans. 

J’ai écris à la suite de mon livre un article sur le rôle de René Leriche dans l’exclusion des médecins juifs qui a été refusé par tous les journaux médicaux français . J’ai traduit le même article en anglais et il a été accepté par l’International Journal of Cardiology en 2008.

Cela m’a valu des inimités et des critiques de la part de mes collègues mais des félicitations des médecins américains et israéliens.

A l’époque, le professeur Ady Steg m’avait chaudement félicité pour cet article. Voilà pourquoi je suis particulièrement fier et heureux de la débaptisation du bâtiment qui prendra désormais le nom d’Ady Steg.

Un bémol toutefois. Combien d’années devrons nous attendre avant que les villes de Strasbourg, d’Haguenau, de Perpignan, de Brive La Gaillarde ou de Clichy suppriment une fois pour toutes leurs rues, boulevards, avenues et impasses René Leriche ?

Bruno Halioua, membre du Bureau exécutif du Crif 

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Le Président du Crif Yonathan Arfi a vivement salué la décision de l'AP-HP.

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