Lu dans la presse
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Publié le 12 Janvier 2022

Europe - Un enterrement nazi en plein cœur de Rome

Un drapeau à la croix gammée a été déroulé sur le cercueil du défunt, un ancien militant fasciste, à la sortie de l'église. Le diocèse romain a dénoncé une «instrumentalisation idéologique grave».

Publié le 12 janvier dans Le Figaro

La scène est filmée depuis le balcon d'une riveraine. Nous sommes lundi 10 janvier, il est 14h30. Sur le parvis de l'église Santa Lucia, dans le quartier Prati, non loin du Vatican, au cœur de Rome, un cercueil est porté en procession. Des hommes forment un cortège d'honneur. L'un d'entre eux crie d'une voix forte : «Camarade Alessia Augello». Ce à quoi tous répondent, en chœur : «Presente !» (Présent !), en faisant un salut romain : le rituel funéraire de l'appel des «camarades» néofascistes italiens, lors d'hommage à des militants décédés. Et puis soudain, une poignée de militants, en silence, déploient le funeste drapeau rouge à la croix gammée, symbole du nazisme, sur le cercueil, sous le regard placide des autres participants.

La vidéo, publiée sur le site d'actualité italien Open, abondamment partagée sur les réseaux sociaux, et reprise dans les médias italiens, suscite d'emblée l'indignation : comment les funérailles de cette femme se sont-elles transformées en commémoration néofasciste ? La défunte, Alessia Augello, disparue à l'âge de 44 ans des suites d'une thrombose, était une militante du groupe néofasciste Forza Nuova.

Sur la vidéo, on reconnaît d'ailleurs, note La Repubblica , Vincenzo Nardulli, l'un des chefs du groupe néofasciste. Des enquêteurs de la Division Enquêtes générales et opérations spéciales (DIGOS, police antiterroriste italienne), se trouvaient d'ailleurs sur place pour prévenir les éventuels troubles à l'ordre public. Ils ont donc pu rassembler des «éléments de preuve» afin de pouvoir punir les militants qui ont déployé le drapeau nazi sur le cercueil, poursuit La Repubblica.

Mais comment le clergé local aurait-il pu accepter une telle démonstration de force néofasciste et même nazie aux portes de l'une de ses églises ? Était-il au courant, pire, complice ? D'emblée, deux prêtres, dont le curé de la paroisse, Don Alessandro Zenobbi, font part de leur indignation dans la presse, assurant que l'événement s'est déroulé à leur insu : «Nous avons prié et réconforté les proches et amis (...) malheureusement pour ce qui a été constaté à l'extérieur de l'église à la fin de la célébration, c'est arrivé sans aucune autorisation de la part du curé, ni du prêtre célébrant, tous deux ignorant ce qu'il allait se passer». «Nous exprimons notre profonde tristesse, déception», poursuivent les prêtres, rappelant que les gestes et symboles utilisés par ces militants sont issus d'idéologies «extrémistes éloignées du message évangélique du Christ».

«Un symbole horrible irréconciliable avec le christianisme»

Mais pour lever toute ambiguïté face à la polémique qui enfle, le diocèse de Rome finit par réagir à son tour, le lendemain, par voie de communiqué. «Le vicaire de Rome (l'évêque de Rome étant le pape, NDLR) déplore avec fermeté ce qu'il s'est passé hier, devant la paroisse Sainte-Lucie, à l'insu le plus total du curé Don Alessandro Zenobbi, survenu sans aucun signe ni manifestation qui pouvait laisser présager ce qui s'est passé ensuite».

La croix gammée est «un symbole horrible inconcevable avec le christianisme», rappelle ensuite le vicaire. «L'instrumentalisation idéologique et violente, encore plus celle qui suit un acte de culte et proche d'un lieu sacré, pour la communauté ecclésiale de Rome et pour tous les hommes de bonne volonté de notre ville, reste grave, insultant et inacceptable», dénonce encore avec fermeté le diocèse.

Le 16 octobre dernier, des dizaines de milliers d'Italiens défilaient dans les rues de Rome pour réclamer l'interdiction du groupe néofasciste Forza Nuova. Une manifestation en réaction à la violente attaque, une semaine plus tôt, menée par des membres de Forza Nuova, arrêtés depuis, du siège du syndicat CGIL (gauche), principale confédération syndicale du pays.

En mars dernier, un épisode similaire était survenu lors d'obsèques dans une paroisse romaine, avec des chœurs et saluts romains, relate La Repubblica. Le curé avait toutefois anticipé en demandant les textes que les militants comptaient lire dans l'église. Sur le cercueil, un drapeau de la Mezzaluna (demi-lune), symbole du «Mouvement politique», un groupe néofasciste créé au début des années 1980, avait alors été déployé.

«Maintenant, cela suffit, a réagi le secrétaire du Parti démocrate (PD) Andrea Casu. Les funérailles et les commémorations ne peuvent devenir des prétextes pour faire l'apologie du fascisme et du nazisme».

 

 

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