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Publié le 25 Novembre 2021

France - Extrême droite : comment la cellule "Recolonisation France" recrutait via le réseau Telegram

Treize militants d’extrême droite du groupuscule «Recolonisation France» interpellés mardi sont suspectés de participation ou de projets de participation à des actions violentes. Selon nos informations, ils recrutaient via Internet et étaient relayés par des canaux influents de la fachosphère.

Publié le 24 novembre dans Libération

Des armes par dizaines, une galaxie de 110 personnes qui «échangent et se rassemblent autour d’une idéologie identitaire, raciste et violente» et des appels à prendre les armes : treize des membres jugés les plus influents d’une cellule d’extrême droite ont été interpellés mardi, a révélé BFM TV. Selon les informations de Libé, le groupe recrutait activement via les réseaux sociaux, et ses messages ont été relayés par plusieurs comptes influents au sein de la mouvance radicale en ligne. Parmi eux, une chaîne Telegram dédiée au complotisme créée par Les Vilains Fachos, ces néonazis qui ont récemment diffusé des menaces de mort contre Jean-Luc Mélenchon ainsi que des journalistes.

Sous le nom «Recolonisation France», les suspects repérés par la DGSI «commençaient à se structurer», selon une source judiciaire citée par le Monde. Les investigations avaient été confiées à l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), qui dispose depuis l’été 2020 d’une division spécifiquement dédiée à la lutte contre les crimes de haine. Après des mois d’enquête, de surveillance et d’infiltration, les gendarmes et policiers du service ont cartographié le réseau et identifié ses principaux leaders, parmi lesquels des militaires et anciens militaires, révèle le parquet de Marseille par voie de communiqué.

Des armes «partout»

Le groupe était ainsi hiérarchisé avec des grades et comptait des factions réparties un peu partout en France. Imprégnés par la propagande d’extrême droite, ses membres étaient convaincus de la réalité du «grand remplacement», cette théorie raciste selon laquelle les populations «de souche» seraient remplacées par des immigrés extra-européens. Ils estimaient donc leur survie menacée. D’où le nom du groupe, «Recolonisation France», et ce même si le réseau tentait de se camoufler derrière une vitrine survivaliste.

Ses membres cherchaient surtout à s’armer et à s’organiser. Lors des perquisitions, des armes ont ainsi été découvertes «partout», selon une source proche du dossier, bien que la plupart étaient détenues légalement. Ont également été saisis des casques, gilets pare-balles et autres silencieux pour armes à feu.

Ils visaient également à recruter. Outre des comptes discrets (sous un autre nom) sur Twitter ou sur YouTube que Libé a pu identifier, le groupe avait donc mis en place une chaîne Telegram publique pour relayer sa propagande. Parmi les vidéos diffusées par le groupe, des odes aux Poilus de la Grande guerre, au «génie européen» mais aussi des capsules appelant à «l’union des patriotes» en utilisant des images de Génération identitaire tournées à son QG lyonnais de la Traboule sur fond de discours du skinhead Serge Ayoub. Enfin, une vidéo expliquait comment se procurer une arme à feu, insistant sur l’importance de détenir des armes de catégorie B, de gros calibre, sur fond d’images non-censurées des attentats de 2015.

Canal censuré par Telegram

Libé a découvert deux autres chaînes Telegram reliées au groupe : une «bibliothèque» diffusant de nombreux ouvrages ou revues d’extrême droite radicale, ainsi qu’un canal d’échange privé dédié au recrutement et comptant huit administrateurs. Dans un message qu’ils tentaient de diffuser largement, bien qu’à bas bruit, le groupe invitait ainsi les éléments motivés pour le rejoindre à passer par ce canal. Ce message ainsi que la promotion du groupe ont, selon nos informations, été relayés par plusieurs chaînes radicales influentes.

C’est notamment celle d’un très proche d’Alain Soral (fort de près de 11 000 abonnés sur Telegram) qui avait officié il y a quelques années sur la version française de la webradio appartenant à l’organisation néofasciste italienne CasaPound. Viscéralement antisémite, cet individu se réclame autant de la Révolution conservatrice allemande que du Hezbollah libanais (considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne).

Une autre est donc la chaîne dédiée au complotisme (comptant près de 6 000 abonnés) des néonazis des Vilains Fachos, ce groupe dont l’acronyme («LVF») renvoie à la Légion des volontaires français qui ont combattu sous l’uniforme nazi pendant la Seconde Guerre mondiale. Un canal régulièrement censuré par Telegram, ce qui est rarissime. C’est sur celui-ci qu’ont par exemple été diffusées les menaces de mort contre Jean-Luc Mélenchon et Danièle Obono ainsi que les journalistes Mathieu Molard et Taha Bouhafs, révélées par Streetpress la semaine dernière.

Les membres de «Recolonisation France» sont suspectés «d’avoir accès à des armes et de présenter une menace à l’ordre public par leur participation ou leur projet de participation à des actions violentes», détaille le communiqué du parquet de Marseille. Récemment, certains d’entre eux ont participé à des violences commises contre des policiers en marge d’une manif anti-pass sanitaire.

 

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