Lu dans la presse
|
Publié le 15 Février 2022

France - Ils avaient sauvé un enfant juif pendant la guerre : les Morin, un couple de Limay reconnu "Juste" par Israël

Les Yvelinois Julienne et Aurélien Morin seront honorés ce lundi, à titre posthume, pour leur acte de bravoure pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils avaient recueilli Henri Dauman, devenu, des années plus tard, une star américaine du photojournalisme. La cérémonie a lieu à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).

Publié le 14 février dans Le Parisien

Dans quelques jours, Sonia Morin se rendra au cimetière de Limay. Elle se penchera sur le caveau familial et glissera quelques mots à Julienne et Aurélien, ses deux grands-parents. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont recueilli un enfant juif dans leur maison de l’avenue du Président-Wilson, pour le sauver des camps d’extermination.

Peut-être leur annoncera-t-elle qu’ils sont devenus Justes parmi les Nations, la plus haute distinction honorifique délivrée par l’État d’Israël à des civils qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs. « Il y aura beaucoup d’émotion pour moi et de la fierté pour leur geste », confie leur petite-fille Sonia, 69 ans, à la veille de la cérémonie. Celle-ci aura lieu à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), ville qui consacre une exposition au photographe.

Le petit garçon devenu grand contacte l’archiviste

L’aventure commence il y a huit ans. Au départ, c’est une rencontre improbable à la mairie de Limay. Dans le cadre d’un documentaire autobiographique, Henri Dauman, célèbre photoreporter américain, revient dans cette ville communiste où il a passé une partie de son enfance. Il cherche la maison où il a vécu, caché, pour échapper aux rafles allemandes.

Le personnel est impressionné par la caméra et ses accompagnateurs qui parlent anglais. Entendant l’agitation à l’hôtel de ville, la directrice du service « archives et mémoires » vient à sa rencontre.

« Là, il s’est passé quelque chose. Nous ne nous connaissions pas, mais il y a eu ce regard intense échangé », se souvient Élodie Bergeron. Un voisin débarque. Il sait où se trouve la maison. Et tout le monde se retrouve chez « Madame Robert », la nouvelle propriétaire. Ému, Henri redécouvre le pavillon, le jardin, « son » jardin. Et rentre à New York. Fin de l’aventure yvelinoise ? Pas encore.

La star de la photo ressent le besoin de parler à l’archiviste. Il l’appelle. « Il m’a tout raconté, tout dit. Son histoire a fait écho à la mienne », se souvient Élodie Bergeron. On n’en saura pas plus. Mais elle se met en tête de l’aider dans sa quête.

En 2017, il reprend contact : « Peux-tu m’aider à monter le dossier Yad Vashem (le comité qui étudie les postulants au titre de Juste) pour les Morin ? » Elle relève le défi. Consulte, téléphone, enquête, fouine, fouille. Mais peine à retrouver les descendants de Julienne et Aurélien. Comme une bouteille à la mer, elle lance un appel dans la presse locale.

La petite-fille tombe sur l’appel à témoins

En mars 2018, à quelques centaines de kilomètres de là, une sexagénaire se lance dans l’arbre généalogique de sa famille. Elle tape « Morin-Limay » dans Google. Et tombe sur l’appel à témoins lancé par Élodie Bergeron.

Sonia Morin, bouche bée, découvre l’histoire de ses grands-parents et l’identité de ce mystérieux petit garçon évoqué par sa mère. « Seule maman m’avait parlé de l’histoire d’un enfant juif », confie-t-elle.

L’enquête connaît alors un sacré coup d’accélérateur qui permet à Yad Vashem, au terme d’une étude minutieuse (lire ci-dessous), de valider le dossier. Aurélien Morin, combattant de la Première Guerre mondiale, et son épouse Julienne, nourrice, seront reconnus pour leur acte de bravoure.

L’Histoire oubliera ce pharmacien qui a empoisonné la maman du futur photographe parce qu’elle était juive, où ce voisin qui proposa une hache à la police française pour qu’elle ouvre la porte de l’appartement parisien où Henri se cachait avec sa mère avant de fuir vers Limay.

Cette fois, les planètes étaient alignées

Tout, dans cette aventure, ne tient qu’à un fil. Il aurait suffi que les policiers acceptent la hache tendue, qu’Élodie Bergeron soit absente de la mairie le jour de la venue de Dauman, que Sonia Morin loupe l’appel à témoins dans la presse…

Il aurait suffi de manquer un seul de ces rendez-vous pour que les Morin restent dans l’ombre, que le jeune Henri ne devienne jamais « Mister Dauman ». Et pourtant. Les planètes étaient, cette fois, alignées. Comme une vengeance du destin.

 

 

Maintenance

Le site du Crif est actuellement en maintenance