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Publié le 19 Juillet 2021

France - Jean Castex à Izieu: "Il faut toujours se dire que la barbarie peut exister"

Vendredi 16 juillet, le premier ministre a rendu hommage aux enfants d’Izieu (Ain), raflés en avril 1944 sur ordre de Klaus Barbie.

Publié le 17 juillet dans Le Monde

Empêché par le confinement, le président de la République a déprogrammé à deux reprises sa venue au mémorial d’Izieu (Ain), les 6 avril 2020 et 2021. Jean Castex a été chargé de reprendre le flambeau mémoriel, vendredi 16 juillet, à l’occasion de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux Justes de France. Le premier ministre s’est pleinement engagé dans l’exercice, visitant longuement la maison où furent réfugiés les quarante-quatre enfants juifs et leurs éducateurs, avant qu’ils ne soient raflés, le 6 avril 1944, sur ordre de Klaus Barbie. « Ce bureaucrate de la cruauté et de la haine », a dit Jean Castex à propos de l’ancien chef de la Gestapo de Lyon, condamné en 1987 pour crime contre l’humanité.

Dans son discours, le chef du gouvernement n’a pas détaillé la dérive de l’Etat français, complice de la déportation de 11 000 enfants juifs entre 1942 et 1944. Il a peu évoqué la question irrésolue de la dénonciation des enfants d’Izieu. Jean Castex a préféré les figures lumineuses aux heures sombres, retenant « les gens de bien » qui apportèrent leur aide quotidienne aux enfants en péril, comme l’ancien sous-préfet de Belley (Ain) Pierre-Marcel Wiltzer, ou l’institutrice Gabrielle Perrier, ou encore la famille Perticoz, dans la ferme voisine de la maison d’Izieu.

« Entre les villages d’Izieu et Brégnier-Cordon, tout le monde connaît la colonie, tout le monde sait et tout le monde se tait. Comme dans des milliers de villages en France, que ce soit au Chambon-sur-Lignon ou plus au sud dans les Cévennes, ou à Vence dans la maison créée par Joseph Fisera, la population française, dans sa très grande majorité, se tait et oppose une résistance passive aux lois scélérates de Vichy », a déclaré le premier ministre.

« Vigilants »

« Il faut rendre hommage à tous ces Justes du quotidien, dont on ne connaîtra certainement jamais ni les actions ni le nom », a insisté Jean Castex, porteur d’une mémoire apaisante et positive, dans ce lieu inauguré en 1994 par François Mitterrand. « Il aura fallu attendre 1995 et le magnifique discours de Jacques Chirac au Vél’ d’Hiv pour reconnaître la responsabilité de notre pays dans la déportation des Juifs, mais il serait faux de dire que la politique mémorielle de la Shoah est une innovation politique des années 1980 », a ajouté M. Castex, rappelant qu’une importante commémoration avait été organisée dès 1946 à Izieu.

Après deux heures de visite, le premier ministre s’est laissé gagner par l’émotion, lorsqu’il a dialogué avec un groupe de lycéens, en marge du parcours officiel. « Vous êtes revenus alors que vous êtes en vacances ? », leur a demandé Jean Castex. « Il faut toujours se souvenir, Monsieur », a justifié un adolescent. Touché, M. Castex a alors détaché ses mots, à voix basse : « Il faut toujours se dire que la barbarie peut exister, qu’elle guette. Qu’elle guette. Se tourner vers le passé, c’est s’en servir pour préparer l’avenir. Le fait que ça ne se reproduise plus ne vient pas tout seul. Ça veut dire que nous devons rester vigilants. Vigilants. Il peut y avoir des gens qui ont des idées aussi sanguinaires que les tortionnaires de ces petits enfants d’Izieu. » Le premier ministre a dit aux adolescents qu’il venait de commémorer l’attentat de Nice, deux jours plus tôt. « Un type avec un camion fou à Nice a tué des dizaines et des dizaines de victimes innocentes. Ça veut dire que l’histoire peut toujours recommencer », a estimé M. Castex, sans craindre de mélanger l’actualité à sa mission mémorielle.

 

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