Lu dans la presse
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Publié le 28 Janvier 2022

France - Margot Friedlander, survivante des camps, appelle à ce que la Shoah "ne glisse pas dans l'oubli"

Elle s'exprimait à la tribune du Parlement européen, à l'occasion de la Journée internationale de commémoration de la Shoah.

Illustration : Parlement européen à Strasbourg

Publié le 27 janvier dans BFM TV

C'était il y a 77 ans. Le 27 janvier 1945, le camp de concentration d'Auschwitz était libéré. Ainsi, ce jeudi, est célébrée la Journée internationale de commémoration de l'Holocauste. Des hommages sont rendus à travers l'Europe, à l'instar de Jean Castex en visite à Auschwitz. Au Parlement européen, l'accent est mis sur l'importance des témoignages de ceux qui ont vécu l'horreur et la barbarie de la "solution finale".

Margot Friedlander a fêté ses 100 ans l'année dernière. Depuis plusieurs années, elle parcourt les écoles berlinoises pour témoigner et pour que l'on se souvienne. En 1944, elle est arrêtée, déportée puis internée au camp de concentration de Theresienstadt (dans l'actuelle République tchèque). Elle s'adresse à Strasbourg pour que "l'Holocauste ne glisse pas dans l'oubli".

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Camp de Theresienstadt

"Dans ma famille, je suis la seule à avoir survécu", explique Margot Friedlander. En janvier 1943, à seulement 17 ans, son frère Ralph est embarqué par les nazis. Sa mère, pour ne pas laisser son enfant, se livre.

"Ma mère s'est mise elle-même dans les mains de la Gestapo pour pouvoir accompagner mon frère", poursuit la centenaire. Envoyés à Auschwitz, elle ne les reverra jamais.

Pendant près de quinze mois, elle vit seule à Berlin. "Des êtres bons m'ont caché au péril de leur vie, seize personnes environ m'ont aidé et hébergée. Jusqu'à ce que quinze mois plus tard, en avril 1944, je sois déportée au camp de Theresienstadt", raconte Margot Friedlander.

Face aux eurodéputés, elle raconte l'horreur de l'internement et l'angoisse d'être sans nouvelles de sa famille. Jusqu'au jour où, peu avant la Libération, elle est chargée de vider des wagons venant de l'Est. Ce sont des survivants d'Auschwitz. Elle comprend alors qu'elle ne reverra ni son frère ni sa mère.

"A la Libération je n'étais pas heureuse car c'est à ce moment-là que j'apprends ce qui est arrivé à ma mère et à mon frère", confie-t-elle. "Avant je voulais survivre parce que j'avais espoir de revoir ma famille, désormais à quoi bon vivre?"

Redevenir "un être humain"

"Heureux hasard", dit-elle. Dans le camp, elle retrouve Adolf Friedlander, qu'elle connaissait grâce à son travail de couturière auprès de l'Association culturelle juive de Berlin. Les deux ne se quittent plus. Ils assistent ensemble à la libération de leur camp et se marient dans la foulée, le 26 juin 1945, selon le rite juif.

"Il me fallait du temps pour être à nouveau un être humain et avoir des sentiments d'être humain. Nous avions vécu une douleur qui nous a rapproché, plus encore que si nous étions amoureux", raconte-t-elle.

Un an plus tard, le couple s'envole pour New York. Adolf Friedlander "ne veut plus remettre les pieds en Allemagne, et encore moins à Berlin". Mais quelques années après sa mort, à 88 ans, Margot Friedlander décide de revenir vivre dans sa ville natale.

"J'ai un message à faire passer"

"Je suis revenue à Berlin car j'ai un message à faire passer. Pour vous demander de devenir les témoins que nous ne pourrons bientôt plus être", exprime-t-elle. "Des hommes ont fait ce qu'ils ont fait car ils ne reconnaissaient plus comme tels d'autres Hommes. Il n'y a pas de sang chrétien, juif ou musulman. Il n'y a qu'un sang humain. Ce qui est arrivé est arrivé mais il ne faut plus jamais que ça arrive".

La survivante du camp de Theresienstadt fait part de ses inquiétudes. "L'Holocauste glisse dans l'oubli et ce souvenir est détourné", déplore-t-elle.

"Je n'en reviens pas alors que j'entame ma 101ème année, de voir les ennemis de la démocratie, arborer sans vergogne le symbole de notre persécution: l'étoile jaune. Il se font passer, au coeur même de nos démocraties, pour des victimes".

Elle exhorte les élus européens et tous les citoyens à être vigilants et à combattre toutes les discriminations. "Le racisme et antisémitisme ne peuvent pas avoir le dernier mot de l'Histoire", conclut-elle, avant d'être applaudie par tout l'hémicycle.

 

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